HAPPY FEET WITH BIG BALLS
Vite vendu sous le sobriquet du « Seigneur des anneaux pour enfants » (comme si Le seigneur des anneaux s’adressait pas aussi aux enfants) et marketé a la truelle, l’entrée de Zack Snyder dans l’animation ne resta pas dans les mémoires.
Pourtant, voilà un film qui remplit de nombreux vides dans le paysage cinématographique de ces dernières années, en plus de démentir bon nombre de détracteurs du cinéaste.
Trop vite catalogué cynique, opportuniste, voire fasciste, néo-nazi, homophobe, et j’en passe, Snyder sort donc dans une relative discrétion un film où il taille au hachoir tout discours s’apparentant à la race aryenne ou à n’importe quel propos liberticide ou intolérant.
Tout comme dans 300, le film justifie la nécessité de la guerre et de l’emploi de la force, non pas de manière préventive, mais toujours en réaction, en action de résistance face à une force autoritaire injuste qui n’accepte pas la liberté individuelle.
Ce discours assez simple, apparaît aussitôt comme un dangereux pamphlet républicain suceur de tea-party aux yeux des idiots. C’est bien normal.
Snyder donc, comme bon nombre d’autres réals à qui on pardonne aisément le même propos quand il est véhiculé par une personnalité démocrate déclarée ou engagée publiquement pour des droits sociaux, prend une histoire d’heroic-fantasy assez originale, puisqu’elle prend comme protagonistes des hiboux. Hiboux qui ont leur propre culture, une hiérarchie sociale distincte et complexe et un univers vaste, en histoire et en lieux. Tout de suite, on se sent loin de Disney ou de Pixar.
La violence et la brutalité des rapports entre les personnages parfois même alliés fait plus penser à de la japanimation, ou à du Don Bluth. Mais c’est bien différent et original. Une fois de plus Snyder semble emprunter sa propre voie pour construire sa filmographie, ce qui continue de poser un véritable statut d’auteur à son égard, et la complexité des séquences et du découpage, en particulier des scènes d’action achèvent de nous convaincre que non, Snyder n’est ni un poseur, ni un cynique, mais bien un vrai cinéaste, pour qui l’image est tout, qui comprend la valeur d’un plan, et utilise la technologie pour le mieux filmer possible une histoire.
Ici l’histoire est assez basique, mais elle fourmille de subtilités. De jeunes hiboux sont traqués par un groupe de méchantes volailles qui lavent le cerveau des ptits piou-pious pour en faire leur soldats, construisant une armée pour tuer tous ceux qui sont pas d’accord avec eux. Le jeune héros, bientôt suivi d’une troupe de sidekicks, va retrouver les gardiens de Ga’hoole : des héros-guerriers légendaires.
D’un côté les méchants s’apparentent vraiment à un IIIème Reich, de l’autre les gardiens ressemblent à l’armée américaine. Les jeunes hiboux, victimes, soldats enrôlés de force ou non, pourraient donc représenter au choix l’Europe sur le point de se faire dévorer par le nazisme et la collaboration ou celle qui résiste en sous-nombre face a un monstre démesuré. La métaphore amenant le jeune héros a devenir un guerrier n’hésitant pas a faire preuve de violence pour sauver des innocents, on pourrait en déduire que le film se limite à une pub pour enrôler les spectateurs chez les G.I., mais n’allons pas trop vite.
Car chez les gentils, le propos est parfois anti-interventionniste et le scénar démontre une conscience sincère des dommages de toute guerre et la vacuité des massacres et des pertes humaines. Seulement voilà, la guerre peut se justifier dans le cas unique et extrême où l’usage de la force est le seul moyen d’empêcher la souffrance et la mort de civils qui ont rien demandé. Et dans ce cas là : on bourrine sévère et on le fait bien.
Tout ce propos belliciste ou non, impérialiste ou non, républicain ou non, on s’en fout. On s’en fout car en fin de compte, Snyder ne fait qu’appuyer la métaphore nazie en filmant bien ses armes de séduction et comment il est facile de tomber dans le piège du fascisme pour une société ou un individu. Et quand bien même, tout cela se résume à un cadre, un prétexte donné pour filmer ce qu’il veut vraiment : des batailles d’icônes avec une liberté de mouvement de cadre et de découpage total. Là-dessus, Snyder s’éclate, se fout complètement de faire un film d’anim pour gosses ou non et du coup, contrairement à trop bon nombre de Pixar ces derniers temps, oublie de se foutre de notre gueule, ne cherchant pas un vain propos soi-disant écolo ou libertaire faux ou hypocrite et donne tout ce qu’il a dans un seul but, faire du cinéma. L’action prend une ampleur visuelle rare pour un film d’animation américain et on sent qu’on a privilégié le sens de la belle image et la performance technique au lieu d’un marketing ciblé.
Le spectacle est donc réjouissant, intelligent, et cerise sur le gâteau : armée d’une 3D réelle et généreuse, se servant constamment de la profondeur de champ et nous implique à nous faire rentrer dans l’image. Les scènes de vol donnent le vertige ou une vraie sensation de liberté selon le sens voulu de la scène et on peut apprécier d’autant plus à sa juste valeur la précision des détails des personnages, très fouillés et jamais cartoon ou basiques.
Bref, Snyder a encore réussi son coup. Balèze pour un réal qui avait jamais touché a l’animation avant.
Une animation de pointe capable de porter une ambition artistique pertinente et un véritable propos, avec l’œil d’un véritable metteur-en-scène, et en plus une 3D utile et justifiée ?
Pas de doute, on n’est pas chez Pixar.