LE TROU BLEU / BLUE HOLE t.1-2 (Yukinobu Hoshino)

Je suis en train de relire le diptyque dans la traduction Casterman de 1996. C’est un vrai plaisir, entaché de quelques pétouilles que je qualifierais « de production ».

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L’histoire commence aux Comores, où l’on suit une jeune pêcheuse, Gaia, qui se fait de l’argent en revendant des cœlacanthes, ces poissons rares et que l’on estime « préhistoriques ». Rapidement, elle attire l’attention d’un marin et de quelques scientifiques qui se penchent sur le « trou bleu » où elle pêche les bestioles. Bien vite, une expédition est montée pour explorer les profondeurs de l’endroit, et les personnages (et les lecteurs avec) découvrent qu’il y a d’autres bestioles venues du passé. L’histoire profite d’une petite ellipse et l’on retrouve la fine équipe, agrémentée d’autres personnages, pour une expédition plus conséquente. L’idée derrière, c’est que le trou bleu ouvre sur une autre période, dans une sorte de passage spatio-temporel. Bien entendu, l’expédition se passe mal et les aventuriers se retrouvent de l’autre côté, à une autre époque, entourés de dinosaures en tous genres. Le récit les conduit de surprise en surprise (par exemple, les animaux qu’ils observent ne datent pas de la même période), et n’évite pas certains clichés (le scientifique retors et comploteur, le biologiste naïf, le méchant bidasse qui pense avec ses muscles, sa zigounette et son flingue…), mais la succession de révélation tient bien en haleine.

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Bon, le postulat de base est un peu capillotracté : le savant projette de « jeter » la pollution de la planète « actuelle » vers celle du passé, afin de préserver notre monde. Ce qui est un peu crétin, et les personnages qui s’opposent à lui ne donnent pas d’arguments très convaincants, mais bon. Passé cette étape, on enchaîne sur un périple dangereux mais merveilleux, avec de chouettes représentations de la faune préhistorique et un statu quo en constante évolution, en lien avec la nature du phénomène auquel ils sont confrontés. Rien que ça, c’est chouette.

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Reste que la production laisse parfois à désirer. Notamment au niveau du lettrage. Inversion de bulle, calage des textes un peu aléatoire, aucune adaptation à la taille des phylactères, erreurs sur les locuteurs. Tout cela manque de relecture dans cette édition, et ça empire dans le tome 2 (que je suis en train de relire : on en reparle bientôt). J’espère que Pika mettra de l’ordre dans tout ça à l’occasion de leur réédition, car c’est une histoire qui, malgré ses défauts, est fort sympathique.

Jim

Punaise, les dessins.

Oui, Hoshino, en plus d’avoir souvent des idées intéressantes, a un bon coup de crayon.

Surtout si ça ne crée pas de nouvelle ligne temporelle : ce que tu envoies dans le passé devrait se retrouver dans le présent… Il vaudrait bien mieux envoyer ça dans le futur et laisser les humains du futur se démerder avec ! ~___^

Tori.

Le deuxième tome est très sympathique, continuant sur la lancée, avec une déferlante de révélations, liées en grande partie à la présence d’animaux qui n’appartiennent pas à la même période, ce qui laisse penser aux personnages qu’il n’y a pas qu’un seul conduit entre deux époques, mais plusieurs.

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Les théories fusent, Hoshino glisse quelques vignettes représentant les idées mises en scène, notamment une qui représente une enfilade de Terres qui évoquera plein de choses aux amateurs de comics (chez DC en particulier). La grosse révélation, c’est que l’endroit où les protagonistes sont arrivés se situe à une époque où un énorme objet cosmique se rue vers la Terre. Les dialogues laissent entendre que c’est peut-être l’événement qui a provoqué la disparition des dinosaures. Le scénario n’insiste pas, ne tranche pas, mais l’important pour les héros, c’est de s’en aller. Sauf que le choc provoqué par la collision risque de se répercuter au monde du présent via le conduit qui a été installé, et donc l’humanité s’empresse de « reboucher » le passage.

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Tout cela conduit à des choses étonnantes, par exemple une partie des personnages souhaite sauver un maximum de dinosaures (super : pour les reproduire sur une Terre polluée rongée par la corruption et le pognon, donc les pires représentants sont en partie responsables de l’expédition ? Hmm…). Le rythme est soutenu, les personnages sympathiques, et la conclusion assez étonnante, bouleversant le statu quo (et on comprend qu’il y ait une suite, effectivement).
Reste que Hoshino utilise souvent des bulles éclatés dès qu’un personnage prononce un avis tranché ou une opinion péremptoire, et représente le locuteur bouche grande ouverte, ce qui donne l’impression que les gens hurlent pour exprimer somme toute des banalités. Ça (me) désarçonne. Rajoutons à cela des défauts relevés dans le premier tome et qui empire ici (bulles mal calibrées ou inversées, travail d’adaptation pas poussé…), et ça rend la lecture hésitante, la mécanique grippée. Dommage.

Jim

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À la décharge de Casterman, à l’époque, ils n’avaient probablement pas reçu des Japonais des fichiers informatiques, ce qui leur aurait permis de modifier facilement la taille des bulles… Il aurait plutôt fallu qu’ils se débrouillent pour qu’elles soient remplies, mais en jouant sur le texte qu’elles contiennent.

Tori.

Voilà, un peu de relecture et d’adaptation, ce qui peut devenir compliqué avec un lettrage plus « traditionnel », mais tout de même, en travaillant un peu en amont sur les fichiers word du traducteur, y a moyen.

Je ne suis pas sûr qu’on puisse modifier la taille des bulles : déjà, je ne suis pas sûr, comme tu l’expliques, que les Japonais aient fourni des fichiers informatiques, sans doute plutôt des films d’impression (au mieux : vu les couvertures, j’ai l’impression que Casterman s’est débrouillé avec des bouts de ficelle).

On notera aussi la différence de qualité de certains prestataires. Ici, le lettrage est assuré par le studio Pomme Verte. Sur Le Chien Blanco, c’est Martine Segard qui s’en charge. Son nom est connu pour avoir assuré le lettrage de nombreuses parutions supervisées par Fershid Bharucha sur les comics, et elle sait faire. La différence de qualité est frappante, Le Chien Blanco est très bien lettré (à défaut d’avoir une traduction nickel).

Jim

Un petit message de rappel : le premier tome de cette réédition sort mercredi.

Tori.

Mince, j’ai piscine.

Haha.

Moi, c est samedi.

Hop, pour les faignasses qui n’ont pas envie de scroller, faisons le rappel dans les formes, avec des visuels…

Mais le tome 2, c’est pour septembre, Jim !

Tori.

C’est pas grave !
Si j’y pense, je referai un rappel, en remettant les deux !
Parce que je suis un fou dans ma tête !
:wink:

Jim

En septembre ? J’ai piscine aussi.

Tu te prends pour Adjani, ou quoi ?

Tori.

C’est vraiment une bonne BD. Si tu as l’occasion, fonce. Même si c’est en sens de lecture japonais. Avec un nouveau lettrage et une nouvelle traduction, ça peut proposer une chouette découverte.

Jim

Le rayon mangas dans une librairie, c’est comme les églises dans les villages : ils me sont invisibles.

Pourtant, dans les deux cas, tu peux d’y promener, regarder, admirer, et ne pas acheter ce qu’on veut t’y vendre.

Jim

Justement : à force ça lasse.

À propos de lettrage : celui de la réédition de Blanco n’est pas terrible… Et les textes sont trop petits : ils semblent parfois perdus au milieu des bulles !

Tori.

J’ai feuilleté le premier tome de la réédition…

… et j’ai trouvé l’impression vraiment bonne, sur un chouette papier (bien meilleur que celui de l’édition Casterman que j’ai). En survolant quelques pages, j’ai repensé à ce que disait Tori sur les bulles dont le contenu flotte un peu dans le phylactère (à propos de Blanco), mais ici rien ne m’a choqué. Et la lecture en diagonale de quelques vignettes m’a laissé l’impression que la nouvelle traduction est plutôt chouette.
Diable, ça donne presque envie de reprendre cette édition (maintenant que je commence à m’habituer à ce sens de lecture…).

Jim