Drame/horreur
Long métrage britannique/canadien
Ecrit et réalisé par Philip Ridley
Avec Jeremy Cooper, Lindsay Duncan, Viggo Mortensen, Sheila Moore…
Titre original : The Reflecting Skin
Année de production : 1990
Né en Angleterre en 1951, Philip Ridley est un auteur qui exprime son art sur de nombreux supports. Il a écrit de nombreux romans et nouvelles, aussi bien pour un lectorat adulte que pour la jeunesse; il a écrit des poèmes, des pièces de théâtre, des pièces radiophoniques; il a composé des chansons; il est également photographe et a travaillé pour le cinéma, tout d’abord en créant des courts-métrages pendant ses études avant de signer le scénario des Frères Krays de Peter Medak, sur la vie de deux célèbres gangsters britanniques. Philip Ridley est également passé derrière la caméra à trois reprises, pour mettre en images ses propres scripts : L’Enfant Miroir (1990), Darkly Noon (1996) et Heartless (2009).
À l’origine, Philip Ridley n’avait pas prévu de réaliser L’Enfant Miroir (The Reflecting Skin en V.O.) mais il n’a pas pu trouver un metteur en scène en totale adéquation avec sa vision. Une idée qui lui est venue alors qu’il était encore en école d’art, après avoir complété une étude intitulée American Gothic, en référence bien évidemment à une célèbre peinture de Grant Wood. Edward Hooper et Andrew Wyeth font également partie des influences de Ridley pour ce qu’il a appelé « un été mythique, hallucinogène » dans la vie d’un enfant.
Comme son scénariste/réalisateur, L’Enfant Miroir est un long métrage pas si facile à catégoriser. Même s’il est plus que cela, on peut le résumer en un drame mâtiné d’horreur…une horreur psychologique, surréaliste traversée de petites touches d’humour cruelles. Cette cruauté s’exprime notamment par les sales blagues de gamins qui ne prennent pas conscience des conséquences de leurs actes. L’action se déroule dans les années 50 et le personnage principal est Seth, âgé de 8 ans et interprété par le petit Jeremy Cooper (qui n’a pas fait carrière par la suite). Seth trompe son ennui dans une campagne reculée, entre un père effacée et une mère excessive, en attendant le retour de son grand frère parti à l’armée…
Dès les premières minutes, il est clair que Philip Ridley épouse le point de vue de Seth qui observe le monde par le prisme de son imaginaire. Dans cet « univers intérieur », les champs sont d’une couleur éclatante (Ridley a lui-même aspergé le blé de peinture pour avoir la couleur qu’il désirait), les fermes prennent des formes étranges et inquiétantes et la voisine triste et solitaire pourrait bien être une vampire. La photographie est soignée et les plans sont magnifiques, minutieusement composés…une picturalité presque hypnotique…
Au fur et à mesure, tout s’écroule autour de Seth. Son père prend une décision tragique car son homosexualité a été révélée et il ne peut résister aux préjugés de l’époque; sa mère sombre de plus en plus dans la folie; son frère (campé par un Viggo Mortensen à ses débuts) revient malade, souffrant des troubles de l’irradiation; ses rares amis meurent mystérieusement. Le regard hanté de l’enfant se fait de plus en plus morbide et il fait du cadavre d’un bébé mort-né, qu’il prend pour un ange, son confident…vision déroutante, perturbante…
Chargé de symbolisme et porté par une très belle bande originale, L’Enfant Miroir est un film exigeant, un conte noir sous un soleil de plomb…jusqu’à un dernier plan où Seth doit ouvrir les yeux, faire face à la réalité, en l’exprimant par un cri perçant, déchirant…