REALISATEUR
Ruggero Deodato
SCENARISTES
James R.Silke et Alberto Piferi
DISTRIBUTION
David Paul, Peter Paul, Richard Lynch, Eva LaRue, Virginia Bryant, Michael Berryman, George Eastman…
INFOS
Long métrage italien/américain
Genre : aventures/fantastique
Titre original : The Barbarians
Année de production : 1987
Ah, Cannon Group…la société de production fondée par ces deux margoulins mégalomanes de Menahem Golam et Yoram Globus évoque à tout fondu de cinoche de genre des images de ninja blanc (Michael Dudikoff), de Chuck Norris, de ninja à moustache (Franco Nero), de justiciers dans la ville grabataires, de Chuck Norris, de méga-violence racoleuse, de films sur le disco et la Lambada et de Chuck Norris (et puis, Golan & Globus ont découvert Jean-Claude Van Damme). Dans cette production pléthorique, où la bonne série B côtoyait régulièrement le nanar jouissif, on distingue aussi des choix audacieux, comme le Barfly de Barbet Schroeder et le Runaway Train de Andrei Konchalovsky. Mais on pouvait toujours compter sur les cousins israéliens pour investir leur fric dans les productions les plus improbables.
En 1987, après plusieurs années fastes, la compagnie connaît ses dernières heures. La Cannon met plusieurs dizaines de millions de dollars (un record pour Golan & Globus) dans plusieurs projets qui se planteront lamentablement au box-office. Il faut dire que le public a globalement boudé Dolph Lundgren en Musclor, Richard Chamberlain en Indiana Jones du pauvre (les deux Allan Quatermain), Stallone en camionneur champion de bras de fer et surtout un Superman IV qui a fini d’achever une franchise qui avait déjà du plomb dans l’aile.
Mais pas démonté du tout par ces échecs, la Cannon va surfer sur la vague des sous-Conan assez populaire à cette époque avec un Barbarians qui fut annoncé dans un premier temps comme proposant une vision sérieuse du genre.
Seulement voilà, pour amortir les coups, la Cannon décida de produire le film avec les Italiens…et en 1987, le cinéma d’exploitation transalpin s’est, à une ou deux exceptions près, enlisé dans la médiocrité la plus complète et a complètement perdu la créativité des années précédentes. Et surtout, les producteurs ont choisi comme stars du film deux improbables montagnes de barbaque, les jumeaux culturistes David et Peter Paul.
Figures récurrentes des salles de musculations et des magazines spécialisés du débuts des années 80, les jumeaux Paul sont vite courtisés par le cinéma suite au succès de colosses comme Arnold Schwarzenegger et Lou Ferrigno. Ils débutent dans l’une des premières réalisations de Joel Schumacher, la comédie D.C. Cab avec Mr T. et Gary Busey, en prenant le pseudonyme de Peter et David Barbarian (il faut dire que leur physique s’y prête bien). Les frangins, qui n’ont aucun plan de carrière, végètent jusqu’à ce qu’on leur offre leur première chance en haut de l’affiche…et elle viendra donc de la Cannon qui annonce donc fièrement les « Barbarian Brothers » comme héros de The Barbarians.
Ruggero Deodato, le spécialiste du film de cannibales dégueu qui a accepté ce film de commande, tomba de haut lorsqu’il rencontra ces deux énormes gaillards, au sourire constamment béat et qui prenaient tout à la rigolade en poussant constamment des cris de sanglier en rut. Conscient qu’il ne pourra jamais livrer un travail sérieux avec ces énergumènes, Deodato décida donc de retravailler l’histoire pour l’emmener sur le terrain de la parodie.
Dans The Barbarians, les Barbarian Brothers passent donc leur temps à sourire commes des bêtas, à ne rien prendre au sérieux (ce qui n’a pas été du goût de tous leurs partenaires…l’inévitable George Eastman, l’homme à la tête de lion de Ironmaster qui campe ici un marchand d’armes à l’accent hilarant en V.F., a détesté leurs gamineries et leur « vulgarité ») et à pousser des cris de sangliers en rut. On pourrait penser qu’ils jouent le rôle de leur vie, mais on ne peut décemment pas appeler ça jouer…
Ils sont Kutchek et Gore, deux jumeaux de la tribu des Ragnik, séparés à la naissance et entraînés pour devenir des machines de guerre. Lorsqu’ils se retrouvent à l’âge adulte, ils en profitent pour s’évader et monter un plan (enfin, ils essayent) pour se venger du roi Kadar, responsable de leurs années d’esclavage. Ils découvrent que la reine des Ragnik est toujours à la merci de Kadar, qui est tombé amoureux d’elle, et que le puissant rubis des Ragnik qu’il convoitait n’a pas encore été retrouvé…
Je déteste les films d’horreur de Ruggero Deodato, mais je reconnais qu’il a su imprimer un certain souffle à son héroïc-fantasy de cour de récré. De la course-poursuite très mad maxienne de la première scène (enfin, il faut imaginer Mad Max avec des chariots et des chevaux, hein) aux aventures cartoonesques des deux frangins mous du bulbes peuplées de méchants caricaturaux et de monstres caoutchouteux, le rythme est soutenu et l’action ne faiblit jamais.
Et pourtant, qu’est ce que c’est con, tout en étant emballé avec une bonne humeur communicative. Les Barbarians Brothers enfilent comme des perles les punchlines aussi débiles que réjouissantes, les décors tiennent à peine debout (je sauve juste le marais de la scène finale, plutôt soigné malgré le dragon ridicule) et les costumes sont d’un mauvais goût prononcé.
Les deux grands méchants du film ne sont particulièrement pas gâtés sur ce plan. Le roi Kadar est interprété par Richard Lynch, une vrai gueule de cinéma rendue encore plus inquiétant après un trip au LSD qui a mal tourné (il s’est immolé et garda toute sa vie les cicatrices de l’accident). Marqué à vie donc, il fut catalogué à vie dans les rôles de méchant (ce qu’il a toujours fait avec talent), des plus grandes productions aux pires séries Z. Dans The Barbarians, il est une sorte de version drag-queen/rasta/romantique de Thulsa Doom…un sacré mélange.
Un peu plus sous-employé, Michael Berryman est le « Dirtmaster », l’un des sous-fifres de Kadar (qui a envie de grimper les échelons puisqu’il complote contre le roi avec l’aide de la sorcière pour retrouver le rubis des Ragnik avant lui). Handicapé par une maladie rare, Michael Berryman a subi dans sa sa jeunesse de nombreuses opérations qui lui ont sauvé la vie mais qui lui ont donné ce visage déformé qui a fait de lui l’une des gueules les plus reconnaissables du cinéma d’horreur. Militant écologiste actif et engagé dans plusieurs associations d’aide aux enfants handicapés, Berryman a passé son temps à personnifier des monstres à l’écran. Ruggero Deodato, qui l’avait déjà dirigé dans Amazonia : La Jungle Blanche, lui a encore réservé un look croquignolet et Berryman passe son temps de présence à beugler, effet comique à chaque fois renforcé par la vision de la petite corne de rhinocéros qu’il trimballe sur son front.
Spectacle aussi régressif que rafraîchissant pour les zygomatiques, Les Barbarians connut son petit succès et lanca vraiment la carrière des frangins Paul qui enchaînèrent ensuite quelques comédies stupides dans la première moitié des années 90 avant de se retirer des plateaux de cinéma (juste le temps de se faire couper au montage du Tueurs Nés d’Oliver Stone).
Mais ce bon résultat au box-office ne sauva pas pour autant la Cannon qui coula définitivement deux ans plus tard…