REALISATEUR
René Laloux
SCENARISTES
René Laloux, Jean « Moebius » Giraud et Jean-Patrick Manchette, d’après le roman L’Orphelin de Perdide de Stefan Wul
DISTRIBUTION
Jean Valmont, Michel Elias, Frédéric Legros, Yves-Marie Maurin…
INFOS
Long métrage français/hongrois
Genre : animation/science-fiction
Année de production : 1982
« Dans tous les romans de Wul, en majorité, il y a une grande idée de départ. Il y a les deux tiers du début qui sont formidables, bien construits, avec une cohérence dans la dramaturgie, etc. Et le dernier tiers, c’est un peu merdeux. Ou il n’a plus le temps, ou il fatigue, ou ça commence à devenir paresseux. »
Le réalisateur René Laloux avait un avis bien tranché sur les livres de l’écrivain français Stefan Wul (l’un des noms de plume de Pierre Pairault). Mais même s’il n’est, semble-t-il, jamais sorti pleinement satisfait de ses lectures, il passa de nombreuses années à développer des projets autour des écrits de l’auteur de Niourk et Oms en série.
Suite au succès de La Planète Sauvage (1973), récompensé à Cannes, René Laloux avait dans ses projets une série télévisée anthologique qui aurait tiré son inspiration de plusieurs romans de Wul. La direction artistique de chaque épisode devait être confiée à des illustrateurs de la célèbre revue Métal Hurlant.
Cette idée fut finalement abandonnée pour privilégier la production d’un nouveau long métrage basé sur L’Orphelin de Perdide, une histoire plus « grand public » que La Planète Sauvage qui suit les pas de Piel, un jeune garçon qui se retrouve seul sur la planète Perdide après le décès de son père. L’homme mourant a pu réussir à contacter un des ses amis, le pilote Jafar, pour le supplier de venir sauver son fils. Jaffar va garder le contact avec Piel par l’intermédiaire d’un micro-émetteur-récepteur…mais le voyage vers Perdide ne sera pas de tout repos…
Après Roland Topor sur La Planète Sauvage, René Laloux a collaboré sur Les Maîtres du Temps avec Jean « Moebius » Giraud (qui a également travaillé à la même période sur Tron des studios Disney). René Laloux et Moebius ont adapté le roman de Wul en procédant à plusieurs modifications (la plus importante étant ces fameux Maîtres du Temps qui donnent au film son titre et qui sont absents de la version papier). Le romancier Jean-Patrick Manchette, principalement connus pour ses polars, s’est ensuite chargé de l’écriture des dialogues.
On doit aussi bien évidemment à Moebius la conception graphique des Maîtres du Temps, qui est de toute beauté : chaque monde traversé a son identité propre, de l’idyllique et poétique Devil’s Ball au rugueux et désincarné Gamma 10; les décors sont remarquablement travaillés et fourmillent de détails et de trouvailles; les personnages et créatures sont savoureusement caractérisés et de l’ensemble se dégage une atmosphère qui se prête autant à l’action qu’à la contemplation.
L’animation ne rend pourtant pas toujours justice au travail de Moebius : étalée sur près de 5 ans, et réalisée en grande partie en Hongrie pour des raisons budgétaires, celle-ci souffre de quelques imperfections et certains passages sont un peu laborieux (comme le bain de minuit de Jafar et Belle)…mais ces quelques défauts s’effacent devant l’inventivité du long métrage, étrange, merveilleux et touchant, et la diversité des péripéties vécues par les protagonistes.
L’aventure du petit Piel prend ainsi par moments les aspects d’un véritable conte de fée, tandis que l’escale impromptue de Jafar sur Gamma 10 (là aussi différente de celle du livre) et son ambiance particulière se fait plus intense et intrigante de par la nature de la menace imaginée par Laloux et Moebius. Jad et Yula, les petits gnomes extra-terrestres télépathes eux aussi inventés par les scénaristes, ajoutent une touche plus légère tout en étant aussi important dans les instants les plus graves, comme pour l’étonnante révélation finale, qui amène à poser un regard différent sur l’histoire et qui précède une magnifique dernière scène, poignante et mélancolique.
Après Les Maîtres du Temps, René Laloux a enfin pu concrétiser Gandahar (1988), une adaptation d’un roman de Jean-Pierre Andrevon sur laquelle il planchait depuis les années 70 avec le dessinateur Philippe Caza. Ce fut son troisième et dernier film, car ses projets suivants tombèrent à l’eau faute de financement. René Laloux se retira alors du monde du cinéma pour se consacrer à d’autres activités, comme l’écriture (il a notamment publié Ces dessins qui bougent, un livre sur le cinéma d’animation).
Je suis le pochard galactique
Celui qui boit comme un trou noir
Je suis le clochard du cosmique
Le vagabond astronomique
Celui qui erre sans son sonar
Pourtant petit je te l’assure
J’ai certains soirs un tel cafard
Qu’il m’arrive même de faire le mur…