Discutez de L’état morbide
Après avoir croisé pendant des années ses productions, sans jamais m’y intéresser plus que ça, j’ai déniché récemment les trois tomes de L’État morbide de Hulet, chez Glénat, publiés au tournant des années 1990.
Les couvertures, les palettes de gris crasseux, l’ambiance très lointainement gothique m’avaient tenu éloigné de cette série. Le titre lui-même résumait mon sentiment à l’égard de ce récit, au point que j’avais relégué cela dans un tiroir où je mets en général des auteurs comme Sorel, le tiroir « pas pour moi ». Mais la possibilité de trouver les trois tomes à prix honnête, dans un bon état et d’un seul coup, m’a incité à donner une chance à l’ensemble.
En soi, j’aime bien : les histoires de fantômes et de maisons hantées, avec ou sans arnaque à la clé, j’ai toujours bien apprécié. Ensuite, Hulet signe des planches désordonnées, articulées autour de pans constamment biaisés, et parvient à conserver une grande lisibilité. Si les cases sont dans le désordre, les bulles se lisent, pour l’essentiel, dans l’ordre, et rares sont les moments où le sens de lecture est bancal.
Qui plus est, dans le récit, son héros est un dessinateur de BD qui cherche l’inspiration (et qui, bien sûr, ne la trouve pas, les lecteurs de Stephen King reconnaîtront sans doute une filiation). Chose intéressante, le premier tome donne à lire le contenu des planches de ce « récit dans le récit », dont l’intrigue est assez complète, ne se contentant pas d’installer l’habituel jeu de miroirs entre ce que vit et ce que raconte le héros. Plus qu’une illustration de son expérience, sa BD est complémentaire, elle fournit un nouvel éclairage. Et dans la composition des planches, Hulet intègre les cases représentant la vie et celles représentant la BD avec un large éventail d’astuces.
Le premier tome est plutôt prenant, faisant monter la tension graduellement avant de terminer sur une chute (à tous les sens du terme) bien percutante. Le deuxième bouquin change un peu de braquet, puisqu’il nous donne à découvrir les ficelles derrière ce qui semble être une vaste fumisterie née d’un esprit dérangé (et hanté, pour le coup, par des souvenirs douloureux). Tout n’est pas rationnellement expliqué, mais un squelette logique commence à apparaître. Le troisième volet, quant à lui, fait un léger saut dans la chronologie, revient à une atmosphère plus fantastique, relie les explications rationnelles à un enjeu surnaturel. Il pourrait constituer un lien entre les deux premiers tomes et un tremplin vers une conclusion maîtrisée, mais il affiche une structure plus foutraque, qui rend la fin un peu rapide, voir capillo-tractée. La dernière séquence, en guise d’écho à l’ouverture du récit, fonctionne bien, mais laisse un sentiment de trop peu : le lecteur reste peut-être un peu sur sa faim.
Dans l’ensemble, la trilogie est plutôt sympa. Le rythme des deux premiers volets est maîtrisé, les dialogues sont entraînants, même si l’on peut reprocher, dans le premier tome, que tous les personnages fassent preuve d’un ton pince-sans-rire qui nuit à la caractérisation, et dans le second que les pensées du héros soient formulées de manière si « littéraire », à grands renforts de jeux de mots, d’associations d’idées et de déclinaisons de champs lexicaux. Mais globalement, ça se lit de manière fluide.
Graphiquement, Hulet dessine bien, malgré les hachures croisées qui m’évoquent un Bilal première période ce qui n’est pas de mon goût. Mais il sait faire. Les personnages bougent de manière naturelle (rétrospectivement, j’ai pensé à Frank Quitely, il serait intéressant de savoir si ce dernier connaît le travail de Hulet) et les cadrages sont inventifs.
Je ne suis pas étourdi ni époustouflé, mais je constate que la trilogie, surtout dans ses deux premiers actes, laisse un léger goût de nausée, et j’ai bien l’impression qu’en cela, l’auteur a atteint son but.
Jim
Je suis assez d’accord sur plein de choses avec toi.
drôle de trilogie quand même. Bon, j’avais fini la lire le dimanche matin avant que soit lancé le confinement et que je rentre en gestion de crise, mais cela dit, l’ambiance de la BD est assez particulier et un brin tendu quand même pour que je le ressente encore en regardant les couvertures, même si par le biais de deux ou trois perso, l’auteur laisse passer un peu de légèreté (mais assez peu). En fait, pendant deux tomes, il joue avec le lecteur en alternant explication rationnelle et irrationnelle, puis dans le troisième, il vire au fantastique; mais … mis en abyme finale (voire une double) assez particulière qui fait que je reste à me demander si j’ai bien tout suivi (mais je pense que j’ai dû comprendre). En tout cas, j’ai été bien pris par l’histoire.
J’ai trouvé le dessin vraiment très agréable, assez précis (les décors de Bruxelles, j’adore. Waterloo, c’est excellent. Surtout que ça a un petit peu changé là-bas, depuis), avec une mise en page assez particulière qui nécessite un tout petit temps d’adaptation pour comprendre l’enchaînement de lecture des bulles. Le coup de crayon n’est pas raide, les visages sont expressifs. Il est très réaliste mais tout en restant du dessin, sans que ça fasse photoréaliste.
Il y a aussi un soin apporté à la couleur, qui sort quand même des productions franco-belges classiques. ça participe fortement à l’ambiance.
En tout cas, je suis bien content de l’avoir lue, merci à celui qui m’a offert cette trilogie.
De rien.
Une intégrale est prévue pour fin juin.
Jim
J ai du lire ça. Un emprunt à la biblio ?
C’était donc toi au bar ???
L’État Morbide - Intégrale
Une merveille du sublime et de l’angoisse.
Charles Haegeman se présente pour visiter un appartement à louer dans un immeuble du quartier Sainte-Catherine à Bruxelles. Outre l’aspect singulièrement glauque du bâtiment, l’accueil qui lui est réservé par une certaine Madame Spiegel est sinistre et inquiétant, tout comme semblent l’être les différents locataires de l’immeuble qui lui sont présentés. Climat propice s’il en est pour mener à bien son projet de bande dessinée, lui-même particulièrement macabre, dans un univers futuriste post-apocalyptique. Mais voilà que la découverte d’un journal rédigé par le précédent occupant de l’appartement le détourne complètement de son projet et le précipite dans la folie malsaine qui a élu domicile en ces lieux maudits…
Une lente et insidieuse progression du banal à l’extraordinaire, digne des grands maîtres de la peur. Rééditée sous forme d’intégrale, cette œuvre magistrale, située entre David Lynch et Francis Bacon, vous glacera le sang…
Auteur : Daniel Hulet
Editeur : Glénat
Date de parution : 30/06/2021
Collection : 24x32
Format : 24cm x 32cm
EAN : 978-2344048542
ISBN : 2344048545
Nombre de pages : 160
Format : 24,00 x 32,00 cm
Diable. Ils font des Integrales Hulet ? Immondys serait dedans ?
Pas d’intégrale Immondys à ma connaissance. Plus tard, peut-être.
Jim
Merci