Voilà
Oouuh magnifique ça
Jim
Jim
Excellent.
Jim
Je fais une pause dans ma relecture de New X-Men 152 pour essayer de comprendre cette fin de run et vous partager cette page
Frank Quitely !
Ha non pas ce passage là tiens
Ça c’est Silvestri sur l’arc de fin dans le futur « Here Comes Tomorrow »
Allez, comme promis. ça parle pas forcément « onomatopée », mais ça va lettrer, pendant 4 interviews datant de l’époque où je sévissais sur feu france-comics.com.
Publication dans leur jus !
On démarre par Eric Bufjens, le sympathique patron de feu les éditions Kymera
Interview Eric Bufkens
**> **
> Quand on est un petit éditeur, on doit un peu savoir tout faire. Après la traduction, Eric Bufkens a bien voulu nous parler du lettrage qu’il effectue depuis quelques albums chez Kymera.Salut Eric. Je pense qu’il n’est plus nécessaire de te présenter à nos fidèles lecteurs. Pourquoi as-tu souhaité lettrer tes dernières parutions ?
Par nécessité.
Mon collègue n’ayant plus le temps, j’ai préféré faire le lettrage moi-même plutôt qu’il fasse une mise en place sommaire que j’aurais dû corriger de manière extensive.
As-tu fait une formation particulière pour savoir lettrer ?
Non, absolument pas.
Mais avant de m’y mettre j’avais quand même relu et corrigé quelques milliers de pages de BD et harcelé de pauvres lettreurs qui ne m’avaient rien fait pour que tout soit nickel.
En quoi consiste le lettrage ? Peux-tu décrire ce métier à nos lecteurs ?
Déjà en matière de traductions, la tâche du lettreur revient majoritairement à remplacer les textes originaux. C’est donc un travail différent de celui du lettreur américain qui lui décide de la forme des bulles, de leur placement, des effets, etc.
On est plus dans une logique de placer le texte de manière harmonieuse dans la bulle, se demander s’il vaut mieux couper un mot pour suivre la forme de la bulle ou pas, de mettre en gras ce qui doit l’être. Mais évidemment tout dépend de la BD, lettrer un épisode de Superman et lettrer un album de Chris Ware n’ont rien à voir. J’imagine que pour certains albums, on a encore recours au bon vieux lettrage manuel.
Le tout est de s’adapter au matériel original. Par exemple lorsque nous avons repris la publication de Strangers in Paradise, nous avons gardé un format identique à celui de l’éditeur précédent mais avons changé la police de lettrage. Nous voulions en utiliser une qui permette d’avoir du texte en minuscules lorsque les personnages murmurent. C’est du détail, mais cela permet de respecter le travail et les intentions de Terry Moore.
Et pour toi, le lettrage peut comprendre également la maquette du titre, les onomatopées ou du texte hors bulle situé au cœur les dessins ?
Oui bien sûr.
Mais là encore, quand on évolue dans l’adaptation de comics, les logos des titres existent déjà en général. Et les onomatopées passent généralement bien en français, elles ressemblent aux nôtres. Le problème n’est pas le même dès lors qu’il s’agit d’adapter un manga.
C’est le non-lecteur de manga qui pose la question : les codes sont si différents en japonais ?
Oui, ça n’a rien à voir.
Déjà la première question à se poser, c’est garde-t-on les onomatopées originales ? Si oui, ajoute-t-on leur traduction en petit à côté ? Lorsqu’il faut les remplacer, ça demande un énorme travail de nettoyage et de reconstruction des pages et le résultat n’est pas forcément du plus bel effet. Comme en plus les lecteurs de manga sont généralement pointilleux (j’imagine qu’on ne fait pas mieux avec les comics), il s’agit en plus de ne pas dénaturer l’œuvre originale, ça peut donc devenir un vrai casse-tête.
Ensuite il y a des choses totalement intraduisibles dans les onomatopées japonaises, ils ont une approche du son entièrement différente. Je me demande même s’il n’y en a pas une qui exprime le silence, d’ailleurs… Mais je ne suis pas expert en la matière non plus.
Quelle est ta méthode de travail ? Traditionnel ? Moderne ?
Je ne suis pas certain de ce que tu entends par là, mais j’ai l’habitude d’utiliser Quark XPress. Et bien sûr Photoshop quand il faut bidouiller des textes « spéciaux ».
Tu travailles donc totalement sur support informatique. Quels matériels utilises-tu pour lettrer ? Un simple ordinateur, une souris et un clavier suffisent ?
Oui, voilà.
Aujourd’hui les éditeurs US fournissent les planches sur support informatique. Oubliée l’époque pas si lointaine où il fallait scanner avec une qualité suffisante les planches, voire se débrouiller avec des films !
Comme en plus tous les imprimeurs travaillent à partir de PDF, un simple PC de bureau suffit, plus besoin de Mac.
Cela t’est déjà arrivé de travailler sur des films ? Comment cela se passe ?
Pas directement, mais dans une « vie antérieure » j’ai pu y assister.
Déjà il faut pouvoir les scanner, et si c’est de la couleur tu peux avoir des films séparés. Soit il faut passer par une entreprise spécialisée, soit tu y parviens avec un scanner basique. Suivant la taille des planches, tu dois peut-être t’y reprendre à plusieurs fois puis les reconstituer.
Si tu veux une bonne qualité de l’ouvrage, tu envoies en général les films à l’imprimeur pour qu’il les utilise. Tu fournis la maquette du livre, et l’imprimeur l’intègre aux films.
Bref c’est très compliqué !!! Heureusement l’informatique a simplifié tout cela.
Mais ça pose encore un problème aujourd’hui pour la réédition de matériel ancien qui n’existe que sous forme de films (quand ils n’ont pas été égarés). Il faut traiter tout ça pour le remettre en format digital plus facile à gérer.
Donc, si je comprends bien, même avec du vieux matériel, on ne revient pas à l’ancienne méthode. As-tu besoin parfois de retravailler les bulles ?
Là je te parlais de ce que j’ai pu entendre dire par des éditeurs US. Mais ils ont effectivement tout intérêt à digitaliser au maximum leur fond de bandes dessinées. Quand je vois qu’'IDW ressort les vieux Grimjack par exemple, je me dis qu’ils ont dû bien s’amuser. Next Men aussi n’existait que sur film quand Dark Horse gérait encore les droits.
Je pense que chez Delcourt on pourrait t’en dire plus à ce sujet, je crois bien que le problème s’est posé avec Savage Dragon.
Pour ta question, oui cela peut arriver, principalement lorsque tu as de l’image derrière le texte.
Par exemple si tu prends la page 48 de SiP 13, j’ai dû refaire la bulle « Enceinte ! » puisqu’il était impossible d’effacer le texte original en gardant le fond. Donc j’ai dû copier le bébé le plus complet que j’ai trouvé, effacer tout le contenu de la bulle, reconstituer un bébé entier à partir de celui que j’avais puis le coller en plusieurs exemplaires dans la bulle avant de mettre le texte.
Je t’avouerai, et j’ai un peu honte de dire ça, que j’aurais sûrement lu cette bulle sans me poser la moindre question sur le travail effectué par le lettreur !
Je prends ta remarque comme un compliment. Si tu t’étais posé des questions, c’est probablement que le boulot aurait été mal fait. Puisque tu n’as rien vu, j’en déduis que le résultat semble naturel.
Tu n’as jamais reçu des Américains des fichiers vectoriels avec les bulles séparées du dessin ?
Il me semble bien qu’on a eu ça une fois, mais je ne sais plus du tout de quoi il s’agissait. Peut-être bien 100 Girls.
Penses-tu que le fait de traduire ces bandes dessinées t’aide à les lettrer ? Ou inversement ?
Je pense que ça aide à rester réaliste quant à la longueur des textes. Il faut parfois faire des compromis entre ce qu’on aimerait écrire et les capacités de la bulle.
Lorsque j’ai travaillé sur une BD historique par exemple (ce n’était pas pour nous) qui sortait à la fois en français et en anglais, je me suis copieusement pris la tête avec des anglais (je ne me souviens plus exactement s’il s’agissait de traducteurs ou des historiens eux-mêmes) qui insistaient pour qu’on change tel ou tel texte et refusaient de comprendre que c’était impossible à faire entrer dans les bulles (dessinées par rapports aux dialogues originaux en français). C’est bien joli de faire des effets de style, mais si ça oblige à réduire la taille du texte par rapport aux autres bulles le résultat est ridicule.
As-tu déjà créé une police de caractère ? Parce que pour certains personnages, elles sont souvent différentes (Robot, Moyen-âge, …) quand même.
Non. Déjà parce que je ne saurais pas le faire. Ensuite avec toutes les polices disponibles aujourd’hui, on trouve généralement son bonheur.
Il nous est déjà arrivé de rajouter les accents sur une police US par contre.
Quel est ton avis de la mise en gras de certains mots dans les bulles ? Est-ce aussi important en français que cela l’est en anglais ?
Franchement c’est aussi une question que je me pose ! ^^
C’est devenu plus une question d’habitude qu’autre chose je crois. Est-il réellement utile de « guider » le lecteur vers les termes importants d’un dialogue, voilà une question qui me laisse assez perplexe. Ça me rappelle les musiques « du méchant » et « du gentil » dans les films et séries US, des fois que les spectateurs ne comprennent pas que le type masqué avec la machette c’est le méchant et la jeune fille qui court bêtement devant lui la gentille (qui va accessoirement mal finir). Mais bon, ça fait désormais partie des codes de la BD, ce qui n’oblige pas pour autant à les suivre aveuglément.
Dans la mesure où nous adaptons des œuvres anglo-saxonnes, nous suivons ce qu’a fait l’auteur original. Il semble normal de respecter son choix.
Vu que tu es à la fois l’éditeur et le lettreur, l’autocritique ne doit pas être simple. Travailles-tu avec un relecteur comme pour la traduction ? Si non, est-ce qu’il t’ait déjà arrivé de te désavouer, de refaire une planche ?
Non, en général c’est moi qui revois tout, ce qui, je l’admets, est le meilleur moyen de laisser passer des erreurs. On repère toujours mieux les erreurs des autres que les siennes.
J’essaie au maximum de bien placer les textes du départ. Ainsi il reste principalement des corrections de détail, mots à déplacer pour un résultat plus harmonieux ou bulles à décaler un peu, d’autant que ce qu’on voit à l’écran dans Xpress ne correspond jamais exactement à la page en PDF.
Tu dois donc visionner un album page par page PDF pour être sûr que tout colle à l’impression ?
Oui, mais de toute façon c’est la même chose si ce n’est pas moi qui fais le lettrage puisque je suis « l’editor ». Je vérifie et refais (ou fais refaire) les PDF ou sorties papier autant de fois que nécessaire, ce qui d’ailleurs empêche rarement que je trouve encore des choses à corriger sur le traceur fourni par l’imprimeur.
C’est pour ça que j’ai rarement envie de relire un ouvrage qu’on a édité puisque je le connais déjà par cœur (et qu’en plus ce serait l’occasion de voir toutes les pétouilles que j’ai pu laisser passer).
Est-ce qu’il y a des différences entre le lettrage pour un comic-book et celui pour un livre ?
Pour un roman, c’est purement de la mise en page.
Il suffit de copier le texte de chaque chapitre, et voilà. Puis vérifier que tout est là, qu’il n’y a pas des ponctuations qui se baladent en début de ligne, si on peut éviter certaines césures, etc.
Et par rapport à un artbook ?
Là c’est encore différent, il faut évidemment une adéquation entre le texte et l’image pour un résultat harmonieux.
Mais mon expérience en la matière est trop limitée pour que je puisse t’en dire plus. Le seul que nous ayons édité, c’est le tirage limité dédié à Ma Yi que nous avons fait pour le dernier festival d’Angoulême (avis aux amateurs, il en reste quelques-uns, à commander sur www.unebd.com) et qui contient très peu de texte.
Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans ce métier de lettreur ?
Hmm… Voilà une question étrange dans la mesure où on ne peut pas réellement dire que c’est mon métier. Comme pour beaucoup d’autres choses, j’y suis venu sur le tas (tiens, ça nous ramène à la traduction).
Mais là comme pour le reste, j’aime que ça soit bien fait. Si c’est pour mal faire, autant ne rien faire du tout ! J’ai vérifié tellement de textes et pages de BD que dès que je lis quelque chose (là je parle des publications des autres), je ne peux pas m’empêcher de tiquer à la moindre faute d’orthographe ou bulle qui aurait pu être mieux présentée.
Alors une autre question étrange : qu’est-ce que tu n’aimes pas dans le lettrage ?
De devoir parfois faire des compromis sur la traduction afin que le texte puisse entrer dans la bulle.
Ou alors il faut commencer à changer la taille de la police d’une bulle à l’autre, mais on ne s’en sort plus. Je le fais parfois lorsque la différence est infime mais nécessaire, sinon ça devient du n’importe quoi et le lecteur n’a plus de repères pour savoir si un personnage parle normalement ou murmure.
Qu’est-ce que tu trouves le plus facile à faire ?
Importer un chapitre de roman dans la maquette !
Plus sérieusement, ce n’est pas très compliqué de mettre du texte dans des bulles (je parle uniquement de l’aspect « technique », pas de la recherche de la police adéquate à faire en amont), ça demande juste du soin et de l’attention.
Et le plus difficile à faire ?
C’est un domaine qui ne me concerne pas, mais probablement le lettrage de manga lorsqu’il faut remplacer les onomatopées japonaises et « redessiner » en dessous. C’est fastidieux et difficile.
Quel est lettrage le plus compliqué que tu es eu à faire ?
Aucun, je te rappelle que je n’ai fait que quelques albums pour le moment.
Chaque album va plus ou moins vite selon le nombre de bulles et la quantité de textes en gras ou de changements de taille de la police.
Tu aurais pu rencontrer une vraie difficulté dans tes quelques albums. Quelles sont, à ton avis, les qualités requises pour être un bon lettreur ?
De la patience et le goût du détail.
Un certain sens de l’esthétique aussi (par exemple quiconque utilise encore la police Comics sans MS mérite d’être banni à tout jamais dans les limbes) et un bon niveau en graphisme numérique pour les lettrages les plus compliqués.
Tu sais que sur France-Comics, on a l’habitude de terminer nos interviews par une forme de tribune libre. Alors imagine des bulles sans texte et si tu veux rajouter quelque chose à ton témoignage, c’est le moment :
- Quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?La question à laquelle personne ne pense, je ne la connais donc pas.
- Quelle question aurais-tu aimé que je ne te pose pas ?
Quelle est la plus grosse bourde de lettrage que tu aies faite ?
- Et quelles auraient été les réponses ?
Aucune idée.
Ne pas relire tranquillement un livre une fois qu’il est imprimé me confère l’incroyable capacité de pouvoir nier totalement cette possibilité.
Comme ça, pas de remords ! Encore merci Eric pour ta participation et ta disponibilité.
Cool.
Merci.
Jim