Après le sujet sur l’encrage, et suite à la proposition de @Skypaul, voici un sujet sur le lettrage.
Je vais commencer par copier-coller certaines conversations, mais je suis sûr que vous aurez des tas de choses cools à montrer.
Jim
Après le sujet sur l’encrage, et suite à la proposition de @Skypaul, voici un sujet sur le lettrage.
Je vais commencer par copier-coller certaines conversations, mais je suis sûr que vous aurez des tas de choses cools à montrer.
Jim
Reprise d’une discussion plus ancienne :
Tiens… Je ne pensais pas que le lettrage pouvait se faire avant l’encrage.
Je crois que les deux se faisaient : certains lettraient avant, et donc lettraient directement sur l’original. D’autres lettraient après, et donc collaient. J’ai les deux versions parmi mes planches originales, mais avec une prédominance pour les premiers.
Et je pense savoir pourquoi : si tu lettres avant l’encrage, ça veut dire que les bleus pour la colorisation sont faits à partir d’une version lettrée + encrée, et donc que le coloriste peut lettrer les grosses onomatopées ou les interjections aux lettres évidées. De plus, le coloriste (avant l’informatique) doit savoir où sont les bulles afin de les laisser en blanc.Et je ne pensais pas qu’à cette époque, c’était encore fait « à l’ancienne », avec les tracés pour « l’écriture »…
Comment pensais-tu qu’ils procédaient ?
Le lettrage informatique date des années 1990, et j’ai quelques planches du milieu de cette décennie, en provenance de chez DC, qui sont encore lettrées à la main. La systématisation informatique, c’est sans doute au tournant de la décennie suivante.
Comment pensais-tu qu’ils procédaient ?
Le lettrage informatique date des années 1990, et j’ai quelques planches du milieu de cette décennie, en provenance de chez DC, qui sont encore lettrées à la main. La systématisation informatique, c’est sans doute au tournant de la décennie suivanteJe pensais que la transition s’était faite lors de l’arrivée d’Image en fait. Début des années 90. Mais pour être tout à fait franc, le lettrage est un aspect que je découvre depuis peu. Ce n’est pas un aspect sur lequel je me focalisais.
Par contre, j’ai des souvenirs d’approches intéressantes qui datent justement de la même période, comme celle-ci :Et petite question :
Le lettreur s’occupe-t-il des onomatopées ? Et comment fonctionne le travail avec le dessinateur? Simonson et Alan Davis possèdent un style d’onmatopées bien spécifique. Ce style est-il esquissé par le dessinateur pour après être fini par le lettreur ?
Jim
Je pensais que la transition s’était faite lors de l’arrivée d’Image en fait.
Je pense que les dates sont bonnes, mais que cette transition, comme tu dis, a été bien plus longue qu’on pense. Je me base sur ce que j’ai observé de la colorisation informatique. Jusqu’à la fin des années 1990, on a vu des coloristes traditionnels travailler (notamment chez Marvel, je pense aux Heroes for Hire d’Ostrander…), associés à des gens chargés de la « séparation ». Cette période est clairement marquée par une « transition » : en effet, les coloristes traditionnels fournissaient aux gens chargés de la séparation des repères colorimétriques que ces derniers changeaient en fichiers numériques.
Là, un petit retour en arrière s’impose : le coloriste traditionnel (c’est-à-dire celui qui place les encres de couleurs sur un bleu, comme on peut le voir dans un vieux reportage de Temps X) fournissait une épreuve sur laquelle chaque zone de couleur était identifiée par un code composé de lettres des trois couches couleurs d’impression (Cyan, Magenta, Jaune) et de chiffres indiquant l’intensité desdites couleurs. Ce document était envoyé à des chromistes, qui se chargeaient de transférer ces informations sur les films d’impression afin de constituer l’outil qui servira à transcrire cela sur le papier.
Un exemple :C’est un extrait de la mini-série Robin II, on est en 1991, et c’est Adrienne Roy qui travaille. Clairement, ce document, elle le fabrique à destination des chromistes (à l’origine, c’est un métier propre à l’imprimerie, des gens faisant partie des équipes de l’imprimeur, et dont les postes ont été développés à l’occasion de l’avènement de la presse écrite et des progrès de l’impression à la fin du XIXe siècle, mais je pense que les chromistes, on en trouvait chez les « flasheurs », les gens qui fabriquaient les films d’impression à partir des documents, traditionnels ou numériques, fournis par les éditeurs).
Pour info, un aperçu de la version remastérisée :
Et donc, vers la seconde moitié des années 1990, la colorisation informatique s’est développée. Notamment sous l’impulsion de l’éditeur Malibu (le premier à héberger les Image Boys avant que ceux-ci ne donnent à leur label une indépendance), qui sera d’ailleurs racheté par Marvel sans doute dans l’unique but de mettre la main sur ce savoir-faire. Mais d’une part, chez les éditeurs, il n’y a pas encore ce savoir-faire, d’autre part chez les imprimeurs, tout le monde n’est pas encore passé en CTP (« Computer To Plate »), une technologie qui fait qu’on peut imprimer à partir de fichiers numériques, et non en passant par les films d’impression. Donc, cette fameuse « période de transition » dure un peu parce qu’il y a toute une chaîne de fabrication qui n’est pas modernisée aussi vite que la colorisation : flasheurs, imprimeurs, mais aussi rédactions et, bien entendu, coloristes.
L’une des conséquences de cette progression à plusieurs vitesses, c’est que certains éditeurs préfèrent s’appuyer sur des coloristes chevronnés (Adrienne Roy en fait partie), afin qu’ils continuent à fournir des guides colorimétriques, mais cette fois-ci à un studio de colorisation qui fournira un fichier définitif, dit de « séparation couleurs », lequel ira ensuite entre les mains du flasheur qui fabriquera les films d’impression. Pour l’éditeur, c’est la garantie d’un certain « contrôle qualité » et d’une continuité esthétique. Ce qui n’empêchera pas que certains responsables de la séparation couleurs s’amusent avec les effets de dégradés, obtenant des résultats pas toujours heureux (la colo des Marvel et des DC de la toute fin des années 1990 pique parfois les yeux).
La phase suivante, c’est l’avènement de studios de colorisation qui gèrent les différentes étapes de la mise en couleurs, remplaçant à la fois le coloriste et le séparateur. L’un des exemples connus est le studio Liquid! qui mettait en couleurs les X-Men de Pacheco, par exemple.Pour le lettrage, je pense qu’on peut y voir le même phénomène : d’un côté des professionnels chevronnés qui doivent cavaler pour se mettre à la page question technique, de l’autre une chaîne de production qui doit s’adapter face aux progrès techniques (et quand tu as investi des sommes considérables dans des rotatives et autres machines, tu n’es pas pressé de devoir tout changer pour coller aux nouvelles technologies). Rajoutons à cela l’inertie propre aux grosses boîtes qui ont des habitudes et des traditions, là où Image, par exemple, constitue ses équipes au fur et à mesure de sa croissance, et on a donc une « période de transition » qui peut dure.
le lettrage est un aspect que je découvre depuis peu
C’est un truc qui me passionne depuis des décennies.
Par contre, j’ai des souvenirs d’approches intéressantes qui datent justement de la même période, comme celle-ci :
Ah pinaise, les X-Force de Greg Capullo. Qu’est-ce que j’aime ces épisodes. Encré par Candelario, le trait ne perd pas du tout en vigueur, tout en ayant une clarté exemplaire. Le lettrage est de Chris Eliopoulos, qui s’inscrit dans la lignée d’Orzechowski, le légendaire lettreur des X-Men de Claremont. Et il exploite des trucs que j’aime bien, genre les expressions en gras avec un souligné en dessous : c’est super expressif.
(Et pour la petite histoire, les couleurs sont de Mary Javins, récemment nommé rédactrice en chef chez DC. On devine ici qu’elle a travaillé à partir d’un bleu fabriqué d’après la version lettrée + encrée, et qu’elle a mis en couleurs les lettres évidées dans les paroles : on repère une petite erreur dans le rouge du point d’interrogation, en bas à droite.)
Le lettreur s’occupe-t-il des onomatopées ?
Normalement, oui.
Mais parfois, le dessinateur les trace directement sur son crayonné. Dans un article de Scarce consacré à Dale Keown, on voit certains de ses crayonnés, et les onomatopées y figurent déjà. Je pense que c’est plutôt rare, cependant.Et comment fonctionne le travail avec le dessinateur?
La plupart du temps, le dessinateur réalise des cases « vides » de tout texte.
C’est au moment du « script », donc de la rédaction des dialogues, que le scénariste vient placer les onomatopées.
J’ai vu Todd Dezago bosser sur les dialogues d’un épisode d’Impulse, alors qu’il était dans les locaux de Semic (donc première moitié des années 2000). En gros, il disposait de copies des planches (à l’époque, je crois que c’était Carlo Barberi), sur lesquels il traçait au marqueur des bulles ne contenant qu’un numéro. Et il faxait le tout au responsable éditorial et au lettreur.
À l’exemple de ça :Ensuite, il rédigeait un fichier texte listant les bulles et faisant correspondre le numéro avec le texte qui sera contenu (l’habitude voulait, à l’époque, que l’on mette EN CAPITALES les mots que le lettreur devait mettre en gras). Dans cette liste, il y a bien entendu les onomatopées.
Aujourd’hui, je pense qu’ils font toujours pareil, à la différence que tout est informatisé, on passe par des JPEG ou des PDF.Simonson et Alan Davis possèdent un style d’onmatopées bien spécifique. Ce style est-il esquissé par le dessinateur pour après être fini par le lettreur ?
Dans le cas de Simonson, il a longtemps travaillé avec un lettreur privilégié, John Workman. Donc je pense qu’ils devaient échanger beaucoup. Même chose pour Chaykin qui bossait essentiellement avec Ken Bruzenak. Pour peu qu’ils aient une proximité géographique, voire qu’ils bossent dans un studio, et l’affaire était facilité.
Pour Alan Davis, je ne sais pas.
Jim
Mention spéciale aux onomatopées d’Incredible Hercules.
Je renvoie vers un lien que notre ami Artemus Dada avait signalé en son temps :
7e, antiquaire, cinéma, sexe, mysticisme, philosophie, culte, occulte, podcast, critique, film, cosmique
Jim
Pour Davis, j’ai peut être un début de réponse :
On notera que Dale Keown sur Hulk dessinait certaines de ses onomatopées, avant passage du lettreur.
Jim
Un concentré de l’apport crucial du lettreur John Workman au Thor de Simonson :
En provenance de ce compte Twitter : https://twitter.com/B_W_H_A_M
Jim
Sur le Facebook de Blambot (célèbre fonderie et atelier de lettrage), on trouve quelques images tirées des Uncanny X-Men de la période Byrne, des gros plans sur le travail de lettrage de Tom Orzechowski, sans doute l’un des meilleurs lettreurs de la profession (avec, à mes yeux, John Workman et Ken Bruzenak, qui composent ma trinité sacrée, et ensuite, y a Todd Klein, John Costanza, Gaspar Saladino…).
Et donc, vraiment, c’est magnifique. On voit l’étourdissante régularité du travail, ces lettres parfaitement alignées avec juste ce qu’il faut de tremblements et de grattements sur le papier pour donner de la vie.
On constate aussi les retouches sur les titres. Et puis une retouche intéressante : sous les noms de Claremont et Byrne, on devine qu’une première version avait donné « writer » d’un côté et « penciler » de l’autre, et après un coup de gouache, on remarque que la ligne devient « author - co-plotters - penciler ».
Ces zooms permettent aussi de constater que l’encrage de Terry Austin est bien plus tremblé qu’on ne le soupçonne (l’une des vertus du rétrécissement), et surtout qu’Orzechowsky a gouaché certains arrondis de bulles et certains bords de case. J’en conclus donc que dans son cas, le lettrage arrive donc avant l’encrage (ce qui n’est pas toujours le cas). Mais ça veut sans doute dire aussi que le lettreur trace les bords de case avant l’encreur (reste la possibilité que l’encreur ait gouaché certains bords de case entourant des blocs de texte, mais je pense que ce n’est pas le cas, je pense que c’est une décision prise par Orzechowsky puisque cela concerne son travail).
Cerise sur le gâteau, il y a cette magnifique case, avec un coup de gouache en haut sur lequel Terry Austin est repassé afin de placer ses effets d’énergie (gouachage à mon avis, comme je le disais plus haut, effectué par Orzechowsky qui estime que cela met en valeur la bulle), et surtout cette trouvaille merveilleuse : faire passer le rayon oculaire de Cyclops dans le « O » de « Zakow ».
On ne se rend pas toujours compte à quel point Tom Orzechowsky a contribué à donner à Uncanny X-Men sa personnalité, sa tonalité, son ambiance, ni à quel point il a fait partie d’une équipe qui représentait, à peu de choses près, le gratin des créateurs de l’époque.
Jim
Nate Piekos, fondateur de Blambot, toujours lui, semble impressionné par le lettrage de Tom Orzechowsky et poste des photos de l’Artifact Edition des X-Men de Byrne :
On note des coups de gouache, en effet…
… mais aussi, de temps en temps, des collages. Et sérieux, quelle précision !
Jim
Ah… quand même.
Bon, j’avais interviewé des lettreurs de traductions de comic books du temps de france-comics.com. Ça intéresse ?
Grave !
Jim
Grave bis!
J’parle pas aux gens qui disent « grave » comme des vieux jeunes.
(Vous allez attendre que je rentre chez moi, vils chenapans)
J’parle pas aux gens qui disent « grave » comme des vieux jeunes.
C’est qu’ils sont restés aux tablettes d’argile.
Il voulaient dire « poste » ou « publie ».
Tori.
Vous allez attendre que je rentre chez moi
Tous les prétextes pour pas bosser.
(J’admire)
Jim
Prétexte de 48h même
Ça intéresse ?
Groove
Yeah baby.
C’est strict ici
Oui. Si tu digresses pas, tu as un gage.
gresses