Documentaire en 8 épisodes produits par CNN, L’histoire des sitcoms (qu’on peut regarder sur MyCanal) dresse le portrait d’une forme de comédie incroyablement populaire depuis plus de 70 ans. La série est partagée entre archives historiques, extraits d’épisodes et interviews dont le nombre important reflète le volume de cette production.
On couvre un large spectre allant d’I Love Lucy (1951) à des œuvres toujours en cours qui permet de (presque) oublier personne. Pour le spectateur français c’est aussi la découverte de toute une décennie (les années 70) et une production qui changea totalement la donne que ce soit avec The Mary Tyler Moore Show ou, surtout, avec les séries de Norman Lear (grand créateur sous-estimé en France et dont ce documentaire permet d’apercevoir l’importance phénoménale) de All in the Family à 704 Hauser en passant par Maude, Good Times ou Les Jeffersons.
C’est un réel plaisir que de voir ou revoir plein d’extraits, que d’entendre parler tant d’acteurs, actrices, scénaristes etc et il y a quelques renvois de balles ou anecdotes vraiment cool ou émouvant (les réponses à la question : « Friends ou Seinfeld ? », Henry Winckler décrivant sa première scène avec Robin Williams, Ted Danson évoquant les antisèches de Nicholas Colasanto qu’ils retrouvèrent sur le plateau après sa mort, l’incroyable final de Newhart etc.)
Ca donne bien envie de voir ou découvrir plein de série…
Cependant il y a plusieurs choses qui me chiffonne. Le découpage en sujet thématiques (la famille, les amis, le travail etc.) peut sembler pertinent mais il oblige à des choix étranges et des répartitions quasi-strictes occultant de fait que beaucoup de séries sont à la croisées de plusieurs thèmes. Une série comme Malcolm est ainsi évoquée dans l’épisode « lutte des classes » mais jamais dans celui consacré à la famille. Et de tels choix il y a quelques-uns. Pourquoi parler de Fleabag par exemple qui est une série britannique ? Et pourquoi que celle-ci ? Pourquoi dans ce cas ne pas évoquer l’influence de la fiction anglaise sur l’américaine (j’y reviendrais) ?
L’autre limite se trouve dans l’angle narratif du documentaire. Au fur et à mesure des épisodes on se rend rapidement compte de la mécanique et du fait qu’au final c’est plus une histoire de la représentation et des sujets dans les sitcoms qu’une histoire de cette forme. Certes l’un et l’autre sont liés mais le choix du documentaire est d’aborder que cet premier versant. C’est important oui, seulement au bout du 5ème épisode, je pense qu’on a bien compris qu’avant il y avait que des blancs à la télé et qu’aujourd’hui c’est mieux (et si vous avez pas compris à travers tout les épisodes, il y en a un spécifiquement dessus). Le problème de cette approche est qu’elle présente vite ses propres paradoxes sans jamais les questionner. Autre soucis, cette idée d’une évolution forcément positive au fil des décennies ce qui est assez contestable. A ma connaissance peu de série on emboitées le pas de Maude quand à la question de l’IVG. De même j’ai pas eu trop l’impression que la question de la drogue ou de l’alcool était beaucoup évoqué (une série comme Mom étant une des grandes oubliés du documentaire).
On notera tout de même que le documentaire n’occulte pas le fait que certains grands noms de l’époque se révèle être aujourd’hui des ordures finies (Bill Cosby et Roseanne Barr) à l’inverse j’ai l’impression d’une sorte de vision déformée vis à vis de certaines sitcom (Ellen) et j’ai toujours du mal avec ce reflexe de critiquer Friends pour son manque de diversité. Oui mais quand jamais la série est citée pour ce qui touche au évolutions vis à vis du mariage gay ou de la gpa on se dit qu’il y a quand même des cibles faciles (sans compter d’autres paradoxes tel l’épisode sur la place des noirs dans les sitcoms qui te montres qu’elles aussi sombrent dans la représentation grossières d’autres communautés).
Mais le véritable défaut de ce documentaire est que jamais il n’aborde l’aspect technique et artistique du sitcom. Jamais, ou peu, celui-ci est défini, jamais on n’abordera les évolutions techniques au fil du temps que ce soit dans la réalisation ou l’écriture. Jamais on explique comment ceux-ci sont tournés ou qu’elle est l’importance du public. jamais (ou peu) on évoque le pouvoir d’adhésion d’une oeuvre s’étalent sur des années de diffusion. Angle mort du documentaire qui, de fait, semble mettre sur un pied d’égalité la majorité des séries cités alors que non il y a quand même une hiérarchie à poser et que celle-ci est souvent bâti sur l’apport gigantesque de certaines. Résultat on comprend que peu pourquoi cette forme de comédie est populaire encore aujourd’hui.
Et pourtant il y eu des moments où les intervenants commençait à gratter là où il fallait comme quand on évoque le rôle de la publicité dans l’essor et la fin des sitcoms « blacks » des années 90. Mais c’est trop peu et c’est vraiment dommage. Parce que, par exemple, le rôle des coupures pub est déterminant dans le rythme effréné de ces séries et c’est intéressant de voir comment elles s’en affranchissent en arrivant sur le câble. De la même manière comment est-on passé d’une réalisation à trois caméras fixes en studio à une réalisation avec caméra en mouvement et décors réel ? Egalement jamais n’est évoqué la rentabilité incroyable des sitcoms sous sa forme initiale qui explique, de fait, leur longévité.
Bon j’ai l’air de charger la barque et c’est vrai je le fais parce qu’en oubliant cet aspect le documentaire se prend les pieds dans le tapis assez régulièrement comme évoqué plus haut. Alors oui les sitcoms sont un témoignage culturelle des Etats-Unis mais elles ne sont pas que cela, elles sont aussi des œuvres artistiques. Traité l’un sans l’autre c’est prendre le risque de souvent trébucher comme c’est le cas ici.
Je me demande si je n’aurais pas préférer une approche par décennies parce que mine de rien quand le documentaire prend cet angle (quand on parle de Normal Lear, quand on aborde les années Reagan etc) on assiste alors à quelques choses de passionnant parce qu’on couvre tout les aspects en même temps et qu’on montre alors à quel point les sitcoms sont malléable et que c’est cela qui fait leurs forces.