Drame/suspense
Long métrage américain
Réalisé par Alfred Hitchcock
Scénarisé par Jo Swerling d’après une histoire de John Steinbeck
Avec Tallulah Bankhead, William Bendix, Walter Slezak, Hume Cronyn, John Hodiak, Canada Lee…
Année de production : 1944
Lorsque Lifeboat, le septième film américain de Alfred Hitchcock, sort en 1944, il est globalement encensé par la critique. Mais très vite, des voix influentes se mettent à dénigrer le long métrage. Les journalistes et éditorialistes Dorothy Thompson et Bosley Crowther ont descendu en flammes le travail du maître du suspense, trouvant l’histoire dangereuse dans sa façon de décrire les protagonistes américains et britanniques par rapport à l’antagoniste allemand. Pour eux, Lifeboat aurait carrément pu servir de « propagande pro-Axe ». Les choses ne se sont pas arrangées quand l’écrivain John Steinbeck, qui a écrit le traitement original, a voulu se dissocier de la production, souhaitant même que son nom soit retiré de l’écran tant il n’a pas apprécié les différences entre son histoire et le résultat final.
Parler de Lifeboat comme d’un film « pro-nazi » (l’appellation est reprise dans le titre d’un documentaire bien fait et très instructif qui accompagne la récente diffusion sur Ciné + et qui revient en détail sur cette soi-disant controverse) est bien évidemment d’une grande exagération…pour ne pas dire complètement idiot pour reprendre les termes de l’actrice principale Tallulah Bankhead. Mais il est aisé de comprendre ce qui n’a pas plu à ces stars de la presse car dans une période où le cinéma était censé remonter le moral aux spectateurs américains, la vision d’Alfred Hitchcock a fait de Lifeboat, initialement une oeuvre de commande, un film profondément pessimiste.
Hitchcock aimait l’idée de faire dérouler une intrigue dans un décor restreint…et il n’y a pas d’espace plus limité que le canot de sauvetage dans lequel se réfugient huit personnalités très différentes après le torpillage de leur paquebot par un sous-marin allemand. Le U-Boat a également été détruit dans le choc et le seul survivant, un marin allemand appelé Willi, est accueilli à bord contre l’avis d’une partie des naufragés…ce qui va exacerber les tensions…
À l’exception d’un plan large, la caméra ne va jamais quitter ce canot, Hitchcock réussissant à ne rendre jamais statique des plans qui auraient pu être composés de façon théâtrale. Il a pu compter sur une excellente distribution (pas des têtes d’affiche reconnues mais une grande actrice de théâtre comme Tallulah Bankhead et de très bons second rôles comme John Hodiak, Henry Hull, William Bendix et Walter Slezak) pour donner vie à des personnages brillamment caractérisés et si le seul naufragé noir (hélas absent de la plupart des affiches comme on peut le voir ci-dessus) n’échappe pas à quelques petits clichés, son portrait ne manque pas de personnalité.
La guerre a réuni sur ce canot un véritable microcosme, ce qui donne lieu à des interactions intéressantes, des émotions tourmentées sans qu’elles soient appuyées par la musique car il n’y en a quasiment pas. L’ajout du marin allemand qui se montre adroit dans la manipulation fait monter progressivement les enjeux jusqu’à un dernier acte particulièrement intense. Et même si la violence est suggérée, la dureté de certaines situations reste très efficace…