L'OEUVRE DES WACHOWSKI - LA MATRICE D'UN ART SOCIAL (Aurélien Noyer, Yoan Orszulik, Julien Pavageau)

Les Wachowski ont connu une longue carrière de réalisatrices, productrices et scénaristes pour le cinéma, la télévision, les comics ou le jeu vidéo. En près de vingt-cinq ans, elles se sont imposées comme des figures incontournables de la pop culture et du cinéma hollywoodien. Pourtant, en raison de longs-métrages parfois trop expérimentaux voire avant-gardistes, elles n’ont pas réussi à fédérer et faire l’unanimité avec leurs réalisations postérieures au premier Matrix .

Si elles se refusent toujours à expliciter le sens de leurs films, les Wachowski hésitent moins à exposer leur conception du cinéma. Selon elles, il est à la fois un art esthétique, c’est-à-dire qui tire son sens non seulement de ce qu’il représente mais surtout de comment il le représente, et un art social, produit d’une collaboration d’artistes destiné à avoir un impact sur l’ensemble du public.

C’est autour de ces deux axes que s’articule L’OEuvre des Wachowski. La matrice d’un art social . Fruit du travail méticuleux et éclairé des auteurs Julien Pavageau, Aurélien Noyer et Yoan Orszulik de la chaîne YouTube Le Ciné-club de M. Bobine , ce livre offre une analyse transversale de la filmographie aussi dense que passionnante des Wachowski.

Éditeur ‏ : ‎ THIRD ED (25 novembre 2021)
Langue ‏ : ‎ Français
Relié ‏ : ‎ 218 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2377842011
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2377842018
Poids de l'article ‏ : ‎ 660 g
Dimensions ‏ : ‎ 16.4 x 2.2 x 24.6 cm

C’est comme les vidéos de M Bobine mais à l’écrit (et j’avais bien la voix en narrateur durant la lecture merci hein!). Ce qu’on perd en illustration des propos on le garde en quantité des sujets abordés. Ça ne convaincra pas ceux qui n’aiment pas le travail des sœurs même si c’est une belle démonstration de sa richesse et cela sans mettre de coté les loupés.

Le livre a une approche qui me plaît totalement (et généralement les essais et auteurs que j’apprécie sont sur cette ligne) : celle de se baser avant tout et pour tout sur les œuvres et d’aller chercher les éléments extérieur si besoin mais de manière limité. Ça évite beaucoup de loupé et ça se concentre alors sur l’essentiel.

Et c’est particulièrement bien trouvé avec des créatrices très réservées sur leurs vies personnelles et se prêtant au peu au jeu de l’interview ou du décryptage de leur propre travail. C’est également pertinent avec des artistes qui ont une conception de l’art et du travail non comme une structure verticale mais tel un réseau de synapse et de connexions nerveuses. Bon je simplifie mais voila l’idée du livre, décrire cette approche et expliciter comment elle est au centre des œuvres des frangines. Le collectif au service de l’art.

Je regretterais quand même une absence totale d’image. Il me semble que c’est un choix de l’éditeur de ce que j’ai pu lire d’autres chez eux mais ça reste dommage de ne pas avoir quelques illustrations pour renforcer certains propos. Ne serait-ce que dès lors, il vaut mieux avoir vu les films ou séries pour apprécier les écrits. C’est pas dommageable non plus, ayant jeté l’éponge sur Sense8, j’ai pas peiné à comprendre toutes les idées ou développement liés à la série télévisé mais cela aurait donné plus d’impact à l’argumentation

Si on sent bien les attirances des auteurs pour certaines œuvres des réals et, à l’inverse, ce qu’ils aiment moins, il y a le recul suffisant pour que la critique dépasse le j’aime/j’aime pas et aille explorer un vaste champs de possibilité.

Deux regrets pour l’amateur de BD et la biatch de Babylon 5 que je suis : D’abord que la deuxième partie de la décennie 90 du comic US soit guère abordée dans le chapitre consacré aux résonances*. Les œuvres sorties chez Vertigo et Images participent fondamentalement à ce bain créatif. C’est Warren Ellis qui transforme Stormwatch en une série ultra cyberpunk tendance La Vérité est Ailleurs qui devient peu à peu une réflexion sur la figure du super-héros (et qui avec la suite The Authority en fait un énorme blockbuster), c’est encore ce même Ellis qui nous balance à la gueule Transmetropolitan. C’est enfin (et j’en oublie) Grant Morrison et ses Invisibles dont je regrette souvent qu’il soient si peu évoqué quand on parle de Matrix.

Ensuite que les ponts entre Babylon 5 et Sense8 soit peu abordés. Je sais que Sullivan le Postec l’avait fait dans un article (impossible de savoir où exactement) en évoquant l’un des aspects de la série à savoir les télépathes et le Psi-corp. Il y a notamment dans un des premiers épisodes de la série (Mind War, le 6ème épisode, à mes yeux le 1er grand épisode de la série) un dialogue qui ne détonerait pas dans le peu que j’ai vu de Sense 8 :

« Do you know what it’s like when telepaths make love, Commander? You drop every defense, and it’s all mirrors: reflecting each other’s feelings deeper and deeper - until, somewhere along the line, your souls mix. »

(sans compter le fait que la grande guerre entre le mal et le bien se résout par un rejet de ces deux notions (du moins Ordre et Chaos) pour revendiquer une troisième voie que les protagonistes bâtiront eux-même)

En dehors de cela le livre est vraiment passionnant à lire. Tellement que moi qui suis quand même assez lent maintenant pour finir un bouquin, je l’ai lu en deux jours.

*Pour ceux qui voudrait en savoir plus, M Bobine a consacré une émission à ce chapitre :

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