Excellent album, qui place les structures et les lieux communs du récit dit « procedural » dans le cadre historique de la Rome antique. Une ambiance de polar du passé à laquelle Luca Blengino n’est pas étranger puisqu’il est le scénariste de la très recommandable série des 7 Merveilles, des albums où un mystère criminel s’est déroulé près de l’une des merveilles du monde antique.
On suit donc Marcus Cornelius Florens, un orateur, comprendre ici juriste, dont le médecin a été assassiné. Les soupçons se portent sur Alexandros, son fils, mais il est persuadé de l’innocence de l’héritier. Ce qui motive le héros, c’est surtout le défi, car il est un peu revenu de tout, blasé, lassé, plus rien ne le surprend. On a donc le droit au portrait d’un homme aussi brillant que prétentieux, emporté et imbu de lui-même. Un être paradoxal qui prétend n’être qu’un excellent conteur (la quatrième de couverture affirme que celui qui emporte un procès est celui qui raconte la meilleure histoire) mais demeure attaché à une certaine idée de la justice.
Le scénario est très bien tenu, articulé autour de cette figure haute en couleur et soutenu par le dessin d’Antonio Palma, détaillé dans les décors et expressif dans la représentation des visages. Il y a notamment une très chouette séquence de colère, qui sert à la fois à caractériser Marcus et sa cliente, l’épouse du défunt, mais aussi à relancer l’intrigue après un rebondissement assez fort.
Au-delà du portrait de l’orateur et des méandres juridiques, le récit est également l’occasion d’aborder le grand thème de la famille, au sens large (et quoi de mieux que Rome pour cela ?), en passant notamment par celui de la religion. L’intrigue réserve une belle surprise à la fin, illustrant la différence entre la justice et la vérité.
Reste que l’album aurait mérité un peu plus de soin dans le suivi, la post-production. On relève ici une faute d’orthographe, là une queue de bulle mal placée, tantôt une expression maladroite ou un choix de vocabulaire périlleux, tantôt un anachronisme dans les dialogues. L’erreur de montage qui a contraint à la destruction du premier tirage et à l’impression de deux autres n’est que l’indice le plus voyant que la finalisation de l’album, par ailleurs formidable et réjouissant, a été un peu rapide.
Jim