L'OURS : HISTOIRE D'UN ROI DÉCHU (Michel Pastoureau)

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[quote=« Amazon »]Présentation de l’éditeur
Longtemps en Europe le roi des animaux ne fut pas le lion mais l’ours, admiré, vénéré, pensé comme un parent ou un ancêtre de l’homme. Les cultes dont il a fait l’objet plusieurs dizaines de millénaires avant notre ère ont laissé des traces dans l’imaginaire et les mythologies jusqu’au cœur du Moyen Âge chrétien. De bonne heure l’Église chercha à les éradiquer. Prélats et théologiens étaient effrayés par la force brutale du fauve, par la fascination qu’il exerçait sur les rois et les chasseurs et surtout par une croyance, largement répandue, selon laquelle l’ours mâle était sexuellement attiré par les jeunes femmes. Il les enlevait et les violait. De ces unions naissaient des êtres mi-hommes mi-ours, tous guerriers invincibles, fondateurs de dynasties ou ancêtres totémiques. Michel Pastoureau retrace les différents aspects de cette lutte de l’Église contre l’ours pendant près d’un millénaire : massacres de grande ampleur, diabolisation systématique, transformation du fauve redoutable en une bête de cirque, promotion du lion sur le trône animal. Mais l’auteur ne s’arrête pas à la fin du Moyen Âge. Inscrivant l’histoire culturelle de l’ours dans la longue durée, il tente de cerner ce qui, jusqu’à nos jours, a survécu de son ancienne dignité royale. Le livre se termine ainsi par l’étonnante histoire de l’ours en peluche, dernier écho d’une relation passionnelle venue du fond des âges : de même que l’homme du Paléolithique partageait parfois ses peurs et ses cavernes avec l’ours, de même l’enfant du XXIe siècle partage encore ses frayeurs et son lit avec un ourson, son double, son ange gardien, peut-être son premier dieu.
Biographie de l’auteur
Michel Pastoureau est historien. Directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, il a notamment publié au seuil, dans " la librairie du XXIe siècle ", l’Etoffe du diable. Une histoire des rayures et des tissus rayés (1991) et Une histoire symbolique du Moyen Age occidental (2004)

Broché: 419 pages
Editeur : Seuil (18 janvier 2007)
Collection : La Librairie du XXIe siècle
Langue : Français
ISBN-10: 202021542X
ISBN-13: 978-2020215428[/quote]

J’ai récemment reparcouru la partie concernant le statut de « roi des animaux » de l’ours, avant que ça ne glisse au lion, notamment sous l’influence de l’Église. Ainsi que la partie concernant l’onomastique, où Pastoureau passe en revue les noms de famille ou de ville qui renvoie à l’ours (Berlin, Berne…), mais aussi les noms tabous, où l’ours n’est pas nommé directement, mais nommé par périphrase, par exemple.
J’ai aussi beaucoup apprécié la partie concernant l’anatomie, quand les gens considéraient l’ours comme l’animal le plus proche de l’homme, avant le singe ou le cochon. Réellement intéressant.
Bref, un super sujet, un style léger et rapide, avec une petite touche ironique mais pas non plus en mode « wink & nudge ».
Bon, on sent que Pastoureau est un médiéviste : passé la Renaissance, il est beaucoup plus rapide. Les considérations et les pistes qu’il propose sont intéressantes, mais on sent que son corpus de prédilection, sur lequel il est plus à l’aise, est dans le passé. Ceci dit, cela fait sens avec le sous-titre du bouquin, puisqu’il s’intéresse davantage aux périodes où l’ours est le roi des animaux, qu’à la déchéance symbolique de l’animal. Mais j’aurais aimé, pour ma part, plus de choses sur la vision de l’ours aujourd’hui, notamment plus de choses sur le « nounours », et comment l’ancien roi des animaux est devenu un jouet, comment le grand fauve est devenu synonyme de douceur et de câlins.
Mais là, c’est une curiosité personnelle qui s’exprime, parce que, dans l’ensemble, ça reste un super chouette bouquin, avec un sujet passionnant. Et du coup, j’ai bien envie de me plonger dans d’autres bouquins de Pastoureau, notamment ceux qu’il a consacrés aux couleurs.

Jim

Un très très bon livre, comme tous ceux que j’ai lus de **Pastoureau **au demeurant.

[quote=« Jim Lainé »]…] Et du coup, j’ai bien envie de me plonger dans d’autres bouquins de Pastoureau, notamment ceux qu’il a consacrés aux couleurs.
Jim[/quote]

Bonne idée, d’autant que cette lecture peut permettre d’envisager la lecture des *comics *sous un autre angle : par exemple Hulk. :wink:

j’en avais déjà parlé sur l’ancien SP, mais dans la plupart des langues slaves, le mot ancestral pour « ours » a disparu. parce que nommer l’ours, c’était attirer son attention (vieux principe qui veut que quand on parle du loup, on en voit la queue, principe qui conduisait aussi à user de périphrases pour certaines créatures, comme les Erynies ).

Du coup, au lieu de dire ours, on a d’autres mots qui ont fini par prendre ce sens : dans certaines langues slaves, par exemple, on va dire « medo » pour ours, c’est à dire « le mielleux, le mange-miel »

[quote=« Nikolavitch »]
Du coup, au lieu de dire ours, on a d’autres mots qui ont fini par prendre ce sens : dans certaines langues slaves, par exemple, on va dire « medo » pour ours, c’est à dire « le mielleux, le mange-miel »[/quote]

Pas sympa pour l’ours ! On pourrait le comparer à un homme politique !

Sinon, ça se dit comment « mange-sirop d’érable » ?

Il a l’air passionnant, ce bouquin…
Surtout que je vis dans un endroit (les Pyrénées) où l’ours est encore bien vivant, et dont la présence suscite un nombre incalculable de débats.

[quote=« artemus dada »]Un très très bon livre, comme tous ceux que j’ai lus de **Pastoureau **au demeurant.

[quote=« Jim Lainé »]…] Et du coup, j’ai bien envie de me plonger dans d’autres bouquins de Pastoureau, notamment ceux qu’il a consacrés aux couleurs.
Jim[/quote]

Bonne idée, d’autant que cette lecture peut permettre d’envisager la lecture des *comics *sous un autre angle : par exemple Hulk. :wink:[/quote]

Au risque de m’écarter dangeureusement du sujet : je viens de lire ta série d’articles sur Hulk, et je suis (comme très souvent) soufflé, littéralement…
N’est-il pas trop prématuré de te demander ce qui va pouvoir constituer la matière de ton ouvrage à venir (même si ce n’est pas l’endroit pour ça) ? Les visites de de plus en plus fréquentes sur ton blog m’incitent à penser que ça va grandement m’intéresser (il y sera question de mythologie, non ?)…

[quote=« Photonik »]…]

Au risque de m’écarter dangeureusement du sujet : je viens de lire ta série d’articles sur Hulk, et je suis (comme très souvent) soufflé, littéralement…[/quote]

Merci.

J’en suis au tout début, alors je préfère ne pas trop en parler pour l’instant

J’espère que cela t’intéressera ; effectivement il y aura de la mythologie (d’une certaine manière).
Une mythologie, au sens large donc, qui me semble assez peu mise en avant. Mais chut … :wink:

Mercci pour tes réponses, Artie.

Tu maîtrises l’art du « teasing » à merveille !!

[quote=« Photonik »]Il a l’air passionnant, ce bouquin…
[/quote]

Il est très très bien.
Bon, on sent que Pastoureau, c’est un médiéviste, et que c’est ça qui l’intéresse. Par exemple, vu la qualité de ce qu’il envoie au sujet du Moyen-Âge, je l’attendais grave sur l’époque contemporaine, avec le nounours en peluche, et tout. Alors certes, il aborde le sujet, mais bon, on sent bien que ça l’intéresse nettement moins.

Là, je suis en train de lire le bouquin de Buéno sur les Schtroumpfs, et il cite les études sur le bleu de Pastoureau : faut que je me trouve ça.

Jim

[quote=« Jim Lainé »]…]

Là, je suis en train de lire le bouquin de Buéno sur les Schtroumpfs, et il cite les études sur le bleu de Pastoureau : faut que je me trouve ça.

Jim[/quote]

le **Bleu **de **Pastoureau **est excellent, et le bleu est une couleur qui gagne à être connue :wink: .

Je viens d’attaquer le bouquin, et je suis déjà sous le charme de l’approche de Pastoureau.
Des tas de choses passionnantes, comme cette idée notamment de l’Eglise considérant l’éradication de l’ours comme condition sine que non de l’évangélisation des territoires païens…
Je reviens en causer quand j’ai fini ça.

Oui Pastoureau est un chouette auteur (clair, lisible).

J’ai lu plusieurs de ses livres et c’est toujours excellent.

alors je l’ai lu, l’Ours, et si je l’ai trouvé passionnant, j’aurai quand même quelques réserves. On sent le bouquin « à thèse », et parfois, la tentation de l’auteur de triturer le truc pour que ça colle à la thèse. c’est diffus, mais assez présent, et ça m’a un poil gêné.

après, il y a là-dedans une immense érudition, et j’ai appris plein de truc (et du coup, j’ai remis le nez dans le Roman de Renard, et pris des notes par ailleurs sur les constructions symboliques antagonistes du loup et de l’ours, pour un truc sur lequel je bosse à mes moments perdus)(très intéressant, le fait que dans certains coins de la baltique, l’ours se dise Loki, alors que le dieu Loki est plutôt lié au loup, par ses mythes, et peut-être par son nom -quoique d’autres étymologies soient possibles)

Hmmmm, très alléchant tout ça.

Moi ça m’intéresse d’autant que là où je vis (Pays Basque, la Soule plus précisément) il y a de février à avril tous les dimanches une sorte de carnaval, les « mascarades », où un ours meurt et ressuscite à la fin. Une réminiscence, je pense, de ce que Pastoureau évoque au début du bouquin ("le premier dieu ?).

[quote=« Photonik »]Je viens d’attaquer le bouquin, et je suis déjà sous le charme de l’approche de Pastoureau.
Des tas de choses passionnantes, comme cette idée notamment de l’Eglise considérant l’éradication de l’ours comme condition sine que non de l’évangélisation des territoires païens…[/quote]

Ouais, très bon, ce passage.

Après, pour corroborer ce que dit Alex, le principal reproche que je ferais à ce bouquin (si je devais en faire un) c’est qu’on sent que Pastoureau a une formation de médiéviste, et qu’il y a certaines périodes, certains siècles, qui l’intéressent plus que d’autres, nettement. La période moderne (on va dire, XIXe, XXe et la suite…), il s’en fout un peu, il passe ça un peu rapidement, et moi, personnellement, j’aurais envie qu’un mec de sa pointure s’attarde longuement sur l’ours en peluche, par exemple, et ce genre de choses.
Somme toute, c’est selon moi un défaut véniel : c’est la trace des passions et des centres d’intérêt d’un auteur. Ce serait mauvaise grâce que de lui reprocher d’avoir des préférences…

Jim

Après, il n’insiste pas forcément assez (à mon sens) sur les parallèles à faire avec l’éradication des cultes chevalins dans le Nord : le tabou de la consommation de la viande de cheval dans les pays germaniques (Angleterre incluse) provient de là (on en a reparlé à l’époque des lasagnes maudites, d’ailleurs). Comme la consommation de cheval était une forme d’eucharistie dans les cultes liés à Odin (banquets rituels après sacrifice du cheval, etc.), la consommation en a été strictement interdite dans toutes les régions concernées au moment de la christianisation. Trois générations plus tard, la raison de l’interdiction avait disparu, et finissait par être oubliée, mais le tabou alimentaire demeurait.

Un bouquin « à thèse » dis-tu. Mais la plupart le sont, non ?
On a souvent un point de vue à faire valoir ?

Mais peut-être que ce n’était pas le sujet de son ouvrage.

Par exemple, il m’arrive de me dire que dans tel ou tel ouvrage il manque ceci ou cela, puis je m’aperçois que ce que je « reproche » à l’auteur c’est de ne pas avoir écrit un autre livre. :slight_smile:

C’est un peu ce que dis Jim me semble-t-il :

Reste que le même sujet sur la période que tu cites m’intéresse également. C’est certain.

Bien entendu, tu as raison. Mais la façon dont il martèle sa thèse nuit peut-être à son propos. en tout cas, ça a un côté « vous voyez, vous voyez ? » et justement, c’est pas toujours clair. il a tendance à faire parler certains faits d’une façon un peu discutable.

bon, pas au point d’un militant UMP qui sort des statistiques, hein, mais…

le coup du cheval, c’est un parallèle intéressant parce qu’il est très documenté. donc le travail par analogie aurait pu faire sortir des choses intéressantes, je crois.