J’en profite pour remettre une chronique que j’avais consacrée, il y a quelques années, à Don Martin.
DON MARTIN :
Les singes rient
Dessinateur vedette du magazine satirique MAD, Don Martin a un style bien reconnaissable, mélange presque bancal de personnages géométriques et raides, d’énergie épileptique et de mouvements brutaux, le tout saupoudré d’une laideur assumée, ses protagonistes étant aussi peu ragoûtants qu’ils sont hiératiques. Autant dire que ce cocktail ne peut que porter au rire. Un rire teinté d’une certaine cruauté.
J’ai toujours beaucoup aimé le travail de Don Martin. Ses hommes à la mâchoire carrée, ses femmes aux nez bulbeux et aux jambes poilues, tous aussi compassés qu’ils sont repoussants, ont une force comique les apparentant aux clowns. Il leur arrive les pires avanies, ils sont soumis à des déformations physiques qu’on imagine douloureuses, d’autant plus que les gags de Martin sont pour la plupart muets.
Né en 1931 (et décédé en 2000), Martin suit des études artistiques avant de faire quelques petits boulots et d’illustrer des pochettes de disques, notamment pour Miles Davis et Stan Getz. Il officie dans les pages de MAD entre 1956 et 1987, date à laquelle un désaccord avec Bill Gaines, au sujet des royalties dues à l’occasion de l’exploitation de rééditions en poche, entérine la séparation de l’illustrateur et de l’éditeur.
Selon moi, Martin est l’une des grosses influences de Gotlib. Ce dernier, né en 1934, commence à travailler dans la bande dessinée en 1962, dans les pages de Vaillant . On sait également, de source sûre, que la création des Dingodossiers dans Pilote en 1965, ne marque pas seulement la rencontre entre Gotlib et Goscinny, mais également manifeste la volonté des deux auteurs de retrouver le ton insolent et frénétique de MAD , dont ils découvrent l’un et l’autre qu’ils sont des lecteurs réguliers et partagent un goût certain pour un humour turbulent.
La grosse différence entre Martin et Gotlib réside dans l’usage démesuré que ce dernier fait de l’ensemble des outils disponibles au bédéaste. Le papa de la Rubrique-à-Brac déverse sur son lecteur une pluie d’onomatopées et d’idéogrammes tout en jouant sur les limites propres au support papier (il casse les bords de cases, il déforme le dessin, il avoue la présence du « quatrième mur »), autant de pistes que Martin n’explorera pas ou peu. Ce dernier se limite aux gesticulations de ses personnages, qu’il martyrise à l’envi.
Ce qui n’en fait pas moins un auteur particulièrement drôle. Son humour est absurde (n’est pas anglo-saxon qui veut), très visuel, assez violent, d’une cruauté sans nom. Il s’en prend à toutes les couches sociales et recourt sans vergogne aux pires clichés du genre (les missionnaires en Afrique ou les chevaliers en armure n’échappent pas à son jeu de massacre).
À la fin des années 1980, Glénat éditait le « S.P. », à savoir le « Sous Presse », un petit catalogue disponible chez les libraires et envoyé à qui s’inscrivait. Le dépliant annonçait, sur quelques pages, les sorties du mois. À une époque où les super-héros accédaient enfin à l’album, Don Martin, avec notamment l’album Les Singes Rient (dont les images de cette chronique sont tirées), figurait en bonne place, soutenu par la maison d’édition.
Aujourd’hui, le dessinateur est peut-être un peu oublié. Les efforts louables d’Urban Comics visant à le faire redécouvrir se sont heurtés à une certaine indifférence : ils ont édité un recueil qui lui est consacré (ils ont fait de même pour Sergio Aragonès) ainsi que deux compilations d’âneries en tous genres dédiées à Superman et à Batman, dans lesquelles figurent des planches de Martin et d’Aragonès. Autant de références qu’il convient de redécouvrir, si l’on veut se poiler bruyamment.
Quant aux plus vieux lecteurs, ils se souviendront assurément des Singes Rient , album désopilant dont le lettrage manuel est hélas maladroit et mal calé (mais bon, c’est bien souvent muet, alors ça passe) accompagné d’un autre volume, Les Chauves sourient , celui-ci estampillé « MAD », afin d’attirer les lecteurs. Deux tomes qui circulent encore régulièrement chez les bouquinistes, et qu’il n’est pas trop tard pour aller dénicher.
à quoi fait référence le « en », six ans et demi plus tard ? ~___^
Tori.
Parce qu’il a mis à jour le premier message. Donc, il « en » profite pour rajouter une chronique !
CQFD !
Ah, merci : je n’avais pas vu qu’il avait modifié le message du Doc.
Tori.