MARVEL DELUXE : CAPTAIN AMERICA t.1-8 (Brubaker / Collectif) + OMNIBUS

Plus de 10 ans que je n’avais pas relu tout ça.

Suite à l’échec éditorial de la série précédente sous le label Marvel Knights où les 3 principaux scénaristes Rieber, Austen et Robert Morales auront été remerciés pour désaccord avec Marvel (1) et profitant de l’effet Disassembled, un cinquième volume de Captain America est lancé fin 2004 (cover date janvier 2005).
Ed Brubaker, sur les conseils de Bendis, aura été débauché de chez DC Comics où il venait de s’occuper principalement des séries Batman, Catwoman ou Gotham Central avec quelques séries Vertigo et surtout Wildstorm (Authority, Sleeper).
Le scénariste le rappelle dans son introduction à cet omnibus: il est un fan de captain America et surtout du run de Steranko et du personnage de Bucky Barnes. Tout cela se vérifiera.

L’ambiance ressemble beaucoup à celle du run de Steranko sombre (couleurs) et inspiré espionnage (2) mais aussi à sa série Wildstorm Sleeper., bien que plus superhéroique que cette dernière.
Le Red Skull a un nouveau plan de conquête mondiale impliquant le cube cosmique brisé lors d’un précédent combat lors du run de Mark Waid. Un oligarque russe Alek Lukin a ses propres plans qui vont venir compliquer tout cela avec son arme secrète. Ils veulent tous se venger de notre héros.
Cet omnibus couvre la première partie des plans de ces antagonistes jusqu’à la mort de notre héros.

Je me souvenais d’une narration décompressée mais j’avais oublié que chaque épisode est quand même rempli d’informations. L’action est trés découpée mais le scénariste livre beaucoup d’information entre autre sur la mythologie du héros. On revient sur les différends Captain America, ses amis, son histoire… et le reste de la série continuera de donner des indications sur l’histoire du personnage, ses histoires les plus importantes, son castings… tout en restant naturel, sans surcharger le lecteur ou venir le sortir de l’intrigue principale.
On a un run qui permet de faire un beau tour du propriétaire mais sans non plus faire visite du zoo comme Batman Hush ou le Hulk de Loeb.
Le #7 centré sur Jack Monroe est assez hallucinant pour cela. Il manque assez peu d’information (Vagabond est absente) sur l’histoire du personnage et le scénariste utilise même le réseau de la série New Invaders pour faire avancer l’intrigue, tout en restant cryptique, vu l’état de Nomad.
Il montre sa maitrise de la continuité et se permet même certaines retcons (3) intelligentes qui modernise la série.

Le scénariste utilise aussi les forces des dessinateurs qu’il a à sa disposition le réalisme de Epting et Perkins sur l’intrigue principale, le coté légèrement rétro de Lark sur les flashbacks de la seconde guerre mondiale, JP Leon sur la divagation de Nomad, Marcos Martin et Pulido livre un récit plus enjoué sur la seconde guerre mondiale, Weeks fait du superhéros.
Je reste un peu réservé sur les dessins « réalistes » de Epting ou Perkins. Je trouve que Epting abuse un peu des visages de 3/4 à moitié dans l’ombre et que les visages que nous donne les deux dessinateurs sont un peu trop tous identiques.
Cependant Epting peut livrer des scènes assez bluffantes de réalismes comme celle sir le métro New yorkais ou d’autres scènes d’action.

Dans un premier temps, l’intrigue glisse bien, les arcs s’enchainant bien et se répondant avec le one shot sur le 65th Anniversary. Seule le #10 lié à House oF M vient s’intercaler mais il est mis à la fin de cet omnibus.
A partir des ties Ins à Civil War, on peut penser que Brubaker a du changer ses plans initiaux. Certaines choses s’accélérant d’un coup.
Surtout, on ne voit pas encore que le scénariste ne raconte pas l’histoire de Steve Rogers mais plus celle de Bucky Barnes. Il écrit encore sur Rogers, même si la future absence est aussi une façon de parler de lui mais plus tard dans le run, il aura plus de mal à faire exister le personnage de Steve.
Winter Soldier se découvre ici peu à peu et Brubaker crée quasiment ce personnage de Bucky Barnes qui n’aura été qu’un archétype du sidekick jusque là, à part quelques exceptions (Adventures of Captain America de Nicieza/Maguire et un Sentinel of Liberty de Waid me viennent à l’esprit.
Il soigne aussi ces personnages en leur donnant à chacun des personnalités différentes qui sont visibles jusque dans des détails du comportement.
Cependant, les bémols sont minimes et ce premier acte du run est une véritable réussite. Il aura permit aux USA mais surtout en France à faire venir un lectorat sur la série qui jusque là était bloqué par des préjugés sur le personnage (qui parfois malheureusement persisteront sitôt le scénariste parti). Pourtant il reste bien dans le moule de la série. La seule variante restant l’approche plus Soldat que la série Marvel Knights et l’approche Bendisienne (Secret War/New Avengers) ont déjà porté et qui de toute façon était la sienne en tant qu’ancien fils de militaire. Jusqu’en 2002, Rogers avait refusé de s’engager au SHIELD ou d’être un agent gouvernemental. Depuis il est agent du SHIELD depuis toujours.
La dernière chose qui sera gardée de la série Marvel Knights est le costume à la « Cassaday » plus militaire avec la côte de maille dessinée en entier.

Il reste un des grands runs chez Marvel des années Quesada et sur le personnage. Il permet surtout un point d’entrée facile pour les nouveaux lecteurs et ceux qui ont des apriori sur le personnage.

A titre personnel, j’ai parfois plus de tendresse pour le run de Spencer ou de Remender qui sont plus ouvertement politique mais sur un plan plus objectif, Brubaker reste encore celui qui a remis le personnage à la vue du lectorat et qui en propose une version moderne la plus définitive. Il se permet même de le différencier de la version Ultimate en 2 cases, version alors la plus populaire du personnage.

D’autant plus que ce premier volume couvre la période la plus aboutie des cinq qui suivront.

A lire absolument!!

(1) Je parle de cet échec éditorial ici

(2) j’en parle plus longuement ici

(3) J’ai déjà fait des fiches sur l’utilisation de la continuité dans cette série ici
https://www.superpouvoir.com/author/mallrat/