MESSIAH OF EVIL (Willard Huyck)

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REALISATEUR

Willard Huyck

SCENARISTES

Willard Huyck et Gloria Katz

DISTRIBUTION

Michael Greer, Marianna Hill, Joy Bang, Anitra Ford, Royal Dano, Elisha Cook Jr, Walter Hill…

INFOS

Long métrage américain
Genre : horreur
Année de production : 1973

Unis à la ville comme à l’écran depuis 1969, le couple Willard Huyck & Gloria Katz est indissociable d’un certain George Lucas, qu’ils ont rencontré à l’USC School of Cinematic Arts et avec qui ils travaillèrent régulièrement par la suite. On leur doit le scénario d’American Graffiti, le joli premier succès nostalgique de Lucas, et celui de Indiana Jones et le Temple Maudit, ainsi qu’une aide non créditée sur le script du premier Star Wars. C’était avant le bide énorme de deux productions Lucasfilm, Howard the Duck (réalisé par Huyck) et Radioland Murders, qui sonnèrent le glas de leur carrière cinématographique.
Avant la catastrophe Howard the Duck, Willard Huyck avait déjà réalisé trois films dans trois genres différents et tous passés inaperçus : la comédie Une Défense Canon en 1984 (un Eddie Murphy oublié…d’ailleurs, je l’ai vu plus jeune et je l’ai complètement oublié), la romance French Postcards en 1979 (avec quelques membres féminins du Splendid dans des rôles secondaires) et ce très étrange Messiah of Evil, tourné en 1971 mais sorti en 1973.

Arletty Jones se rend dans la petite ville côtière de Point Dune pour y retrouver son père, artiste peintre vivant en reclus, après avoir reçu des lettres au ton inquiétant. Trouvant la maison de son père désertée, elle tente de le retrouver et fait des rencontres insolites, notamment un dandy libertin « collectionneur de légendes » accompagné de ses deux maîtresses…trio qui s’installera chez la jeune femme.
Arletty finira par découvrir le journal de son père, rempli de récits terrifiants. Quelque chose est attendu à Point Dune, quelque chose dont l’influence maléfique transforme les habitants, quelque chose d’horrible…

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Pour qui connaît la suite de la carrière de Willard Huyck et Gloria Katz, il est vrai que ce premier long métrage détonne puisqu’il s’agit de la seule incursion du couple dans le genre horrifique. Mais pas une horreur trop graphique…du sang il y en a, mais pas des hectolitres, alors que cela aurait pu être le cas puisque le cannibalisme est l’un des éléments de l’histoire. L’horreur vient ici plutôt de la création d’une atmosphère (normal quand l’héroïne se prénomme Arletty) angoissante à souhait via la description de personnages étranges (et dont certains ne seront jamais vraiment développés pour garder intacte une aura de mystère), la mise en scène d’une petite ville quasi-déserte le jour et peuplée d’habitants zombifiés la nuit, et la demeure de l’artiste, qui a une vraie présence à part entière de par ces inquiétantes peintures en trompe-l’oeil qui lui donnent une résonnance presque organique.
Lors de scènes de suspense intense, ces fresques murales (dont l’une rend hommage à la Quatrième Dimension) ont l’air de prendre vie, de ne faire plus qu’un avec les acteurs dans des effets qui ne manquent pas de désorienter (effets qui n’ont pas coûté un rond d’ailleurs puisqu’il s’agit de la maison d’un ami artiste des auteurs).

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C’est justement l’ambiance qui prend le pas sur le scénario. La toute première scène (qui marque la seule expérience d’acteur d’un certain Walter Hill…c’était avant qu’il ne réalise son tout premier film, Le Bagarreur) et le générique troublant marque le ton d’une lente (dans tous les sens du terme, puisque le métrage est lui-même assez lent, ce qui participe à son ambiance particulière) descente dans un cauchemar éveillé, ponctué de moments glauques et malsains (inquiétant, cet albinos). Les deux mises à mort sont redoutablement efficaces, surtout celle prenant place dans le cinéma dans laquelle le réalisateur fait admirablement bien monter la tension. Là encore pas besoin de gore, les deux scènes n’en sont que plus percutantes grâce à une mise en scène adéquate qui instaure un véritable malaise, renforcé par une bande originale jamais envahissante.

D’inspiration lovecraftienne, Messiah of Evil est une expérience originale et envoûtante, un excellent film d’horreur onirique, aussi décousu par moments que brillant dans sa mise en scène (et bourré d’idées visuelles fortes pour un petit budget).
Entre ça et Howard the Duck, il y a vraiment eu un sacré grand écart…

J’adore ce « Messiah of Evil » récemment exhumé par l’excellent éditeur Artus. Comme c’était un peu la norme à l’époque (et j’avoue que c’est une veine qui me plaît beaucoup), des tas de choses restent suggérées, ce qui renforce le pouvoir de fascination du film. L’inspiration lovecraftienne, il y a de ça bien sûr, et peut-être aussi celle d’un film mythique qui a beaucoup influencé les cinéastes à peu près contemporains de Huyck : je pense au magnifique « Carnival of Souls » de Herk Hervey, merveille de minimalisme au twist final résolument novateur (et bien pompé depuis). Jugez plutôt : David Lynch (« ce film a longtemps hanté mes rêves ») et George Romero (pour les besoins de sa mythique « Nuit des Morts-vivants ») s’en sont réclamés…
J’ai retrouvé dans ce « Messiah of Evil » (pas sorti en France à l’époque, d’où ce titre anglais) un peu le même genre de feeling. Un film aussi puissant que feutré, une chouette combinaison.

[quote=« Photonik »] je pense au magnifique « Carnival of Souls » de Herk Hervey, merveille de minimalisme au twist final résolument novateur (et bien pompé depuis). Jugez plutôt : David Lynch (« ce film a longtemps hanté mes rêves ») et George Romero (pour les besoins de sa mythique « Nuit des Morts-vivants ») s’en sont réclamés…
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Je l’ai justement vu après Messiah of Evil et j’ai été scotché. Un pur chef d’oeuvre ! Le sujet arrive bientôt (si c’est pas ce soir, ce sera demain)…

Ah génial !! Il y aura de quoi dire…