MOONFALL (Roland Emmerich)

J’ai regardé la bande annonce d’un œil distrait, mais j’ai l’impression en gros qu’il y a une grosse saloperie d’outre-espace à l’intérieur de la Lune, qui est donc creuse, et tout et tout ça.
(Bon, je fais le blasé, mais je me connais, ces grosses conneries à images friquées, je vais pas résister et je vais profiter d’un grand écran pour m’en mettre plein les yeux.)

Jim

C’est ton côté droite, ça.

Ma face cachée, quoi.

Jim

Le film qui arrive vingt ans trop tard.
Sorti dans la mouvance d’Independence Day ou ce genre de choses, il aurait sans doute fait un malheur. Mais sorti aujourd’hui, avec la vague de films de super-héros qui s’ingénie à proposer des représentations inédites de concepts plus frais, il semble un peu dépassé.
Vingt ans trop tard.

Alors le film en soi ne manque pas de qualités : Emmerich, qui ne s’est toujours pas remis de Spielberg, tente de réduire la sauce et d’exprimer le jus de son influence, et ça marche plutôt bien : il est plus épuré, les ellipses sont tout aussi nombreuses mais c’est efficace, ça enrichit et dynamisme la progression narrative. Mais les contrastes spielberguiens fonctionnent souvent pour créer des effets de surprise ou des décalages humoristiques. Et ça marche d’autant mieux que le scénario propose des retournements, des obstacles (le récent Midway du même Emmerich parvenait à retrouver tout ça). Et là, justement, il manque au scénario des surprises, des déviations. C’est du pur Emmerich : un film qui dit ce qu’il fait et qu’il fait ce qu’il dit. En résulte une grande limpidité dans l’action mais un déroulement totalement prévisible. Donc une absence de sentiment de danger, d’oppression.
Esthétiquement, le film s’inscrit dans la logique d’ID4 et sa suite : une mise en image des théories complotistes les plus rigolotes (et peut-être les plus inoffensives), dans une esthétique bleutée tout à fait agréable mais déjà vue. Là aussi, vingt ans de retard. Ah, il y a plein de belles scènes (notamment la « vague de gravité » au moment du décollage, qui est peut-être l’image la plus « inédite » du long métrage, c’est dire comme il ressasse), mais peu de choses neuves. Tout cela, on sait le faire. Depuis Twister, le spectateur n’est plus impressionné à la vue de camions emportés par la bourrasque.
Bref, ouais, c’est chouette à regarder, il sait faire, mais il est tellement dans sa zone de confort que ça laisse un peu froid.
Il y a quelques éléments de logique qui ne collent pas : comment une civilisation en retard comme la nôtre, telle qu’elle est présentée par rapport aux forces en présence, a pu inventer une arme qui se trouve justement capable d’éliminer un adversaire qu’une autre civilisation bien plus avancée n’a pu contenir ? Mais admettons. Plus fâcheux, les explications sur la raison du conflit galactique en toile de fond sont confuses, au point qu’un personnage doive commenter que « cela n’a aucun sens ». On passera sur les trous de scénario, comme l’usage du GPS et des signaux de détresse sur une Terre où les réseaux satellites sont hors service…
Structurellement, le récit, qui semble vouloir se montrer généreux, oublie des intrigues un peu en cours de route : les secrets de la NASA, le personnage incarné par Donald Sutherland, et plein d’autres points sont laissés de côté à un moment, un peu comme tout le discours social au début de 2012. Mais bon, accordons-lui qu’on ne peut pas tout raconter dans un seul film. Plus dommage, le fait de présenter des personnages, qui d’ailleurs ont l’air intéressant, puis de les abandonner tout court, sur le ton de la mission qu’on annule. Résultat, le casting est réduit à sa plus simple expression là où un équipage plus large aurait pu apporter du pathos, du drame, des morts et, au final, ce sentiment de danger et d’incertitude qui manque cruellement au film. Réécritures ? Ou simplement improvisation au fil de l’eau ?
Malgré cela, le film se regarde sans déplaisir à cause de la fascination pour ces images à la fois catastrophiques et envoûtantes.

Là où il loupe définitivement le coche, c’est en se montrant conservateur. Oh, c’est pas bien méchant, c’est gentiment conservateur. Mais conservateur quand même. À de petits détails : l’héroïne noire est mariée à un noir, le héros blanc est marié à une blanche. Et ils sont, dix ans après la scène d’ouverture, tous les deux divorcés. La conclusion du film aurait pu se faire sur un baiser final qui aurait scellé leur alliance, mais non, même pas. Face à ça, comme des réflexes pavloviens, les tics conservateurs de l’écriture font que les deux personnages qui se sacrifient sont bien connotés : le beau-père meurt dans un dernier geste… ce qui est inepte parce que le procédé, souvent utilisé dans les films catastrophes pour réunir la famille, se coupe l’herbe sous le pied, le beau-père étant aussi le père de deux enfants qui ne sont pas liés au héros : à trop vouloir ressouder une famille en prenant les mêmes chemins creux, le scénario se tire une balle dans le pied. L’autre sacrifié est le personnage que personne ne regrettera (sauf peut-être son chat, le placide Fuzz Aldrin), car le héros, c’est dit en toutes lettres, le monde a besoin de lui. La stature de l’héroïne (au sujet de laquelle j’avais lu un court article dans la presse, qui vantait le travail de préparation de Halle Berry : je m’attendais à une performance à la Gravity, mais à part marcher sur des talons effectivement très hauts, j’ai du mal à deviner ce qu’elle a pu faire de dangereux sur le plateau) est également maltraité, dans ce qui ressemble à un chapelet de maladresses. Sous-directrice de la NASA, elle semble arrivée ici à la suite d’une « trahison », mais sa fonction est présentée comme s’il s’agissait d’une voie de garage, d’un placard doré. Et quand elle accède au poste de directeur, c’est parce qu’elle récupère le boulot des mains du patron qui démissionne face à l’énormité de la menace. Si l’on voulait faire comprendre qu’elle n’est pas à sa place, on ne s’y prendrait pas autrement.

Emmerich, c’est donc, aussi, ID4. Un film qui reste dans les mémoires non seulement pour le caractère spectaculaire et inédit de certaines images (la destruction de New York reste un tournant, je crois), mais aussi parce que c’est le film où un Juif et un Noir ont sauvé le monde. Sa suite présente non pas un Président, mais une Présidente. Autant de petits détails qui sortent les deux longs métrages de leur statut de pur divertissement un brin bas du front.
Rien de tout cela dans Moonfall.
Un film qui semble avoir vingt ans de retard.
Voire plus.

Jim

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Vu hier soir. Bon, il serait quand même temps que Roland Emmerich arrête avec ce genre de film (et vu l’échec de Moonfall, ça pourrait bien être le dernier) car il ne fait que se recycler ad nauseam. Il y a certes moults plans qui jouent la surenchère dans Moonfall mais malgré l’énormité de la menace, l’impression de déjà-vu ne m’a jamais quitté. Et difficile de vibrer pour ces personnages sans substance…oui, c’est spectaculaire et Emmerich semble continuer à s’amuser à détruire la Terre par tous les moyens possibles…mais c’est aussi bruyant, concon et creux…comme la Lune, quoi…

Oui, c’est pas foufou, c’est déjà-vu, mais ça fonctionne en regardant d’un oeil. J’ai trouvé rigolo les théories sur la mégastructure.
Par contre, après la suite d’Independance Day et Moonfall, ça se sent que Roland aimerait beaucoup faire un film où les p’tits Humains vont faire la bagarre dans l’espace avec les armes des extraterrestres.