Discutez de Mort de trouille
Deux jeunes collégiens, Robin et Maxime, potes comme cochons, se passionnent pour de nombreux mystères, voyant souvent du surnaturel là où il n’y a rien que de très banal, expliquable par la science. D’ailleurs, le père de Robin est médecin, il sait donc de quoi il parle. Cependant, il arrive aux deux garnements de tomber sur des choses relevant du fantastique, et c’est ce balancement entre le normal et le paranormal, directement hérité de Scoobi-doo, qui fait le charme de la série Mort de trouille.
Lancée en 2000 chez Casterman, durant l’opération « nouvelles têtes » de l’éditeur, Mort de trouille comprendra cinq albums et un hors-série. Mauricet, en grand fan de fantastique, de comics et de super-héros, s’en donne à cœur-joie en termes de références et de clins d’œil : une bibliothécaire qui a l’allure d’Amanda Waller, un héros de dessin animé dénommé Jarvis… Les noms des personnages (et au premier chef ceux des deux héros) renvoient à l’environnement proche du dessinateur et de ses amis, également. D’ailleurs, à l’époque de la sortie du premier tome, Semic venait de publier une compilation de ses gags de Cosmic Patrouille, précédemment parus dans Spirou, et la couverture apparaît en affiche d’un abri-bus au détour d’une case.
À chaque album, les auteurs abordent une figure du fantastique. Dans ce premier volume, il s’agit du vampire. Et l’enjeu du récit consiste à déjouer les attentes, à la fois en termes d’enquête (les deux gamins croient voir du fantastique là où il n’y en a pas, mais finissent par tomber sur quelque chose), et en termes de clichés du genre, ce qui contribue à casser tout manichéisme.
Jim
Après le vampire, Virginie Vanholme et Alain Mauricet se penchent sur une autre figure du fantastique, le fantôme.
Cette fois-ci, pas de doute à avoir, que ce soit pour le lecteur ou pour les héros : le surnaturel est bien présent, occupant une place de plus en plus grande dans l’intrigue. Une cantatrice, disparue en 1937, revient hanter Maxime et Robin (alors en vacances chez la mère du premier). Les deux enfants mènent l’enquête, dans la tradition des romans jeunesse où de jeunes protagonistes se frottent à la fois à un mystère et au monde des adultes : il y a une ambiance Six Compagnons dans ce tome.
Le dessin est très à l’aise, avec un petit zest super-héroïque qui se manifeste dans le rendu des apparitions du spectre. La composition des cases est ingénieuse, notamment quand il s’agit de mettre en scène les portraits de la chanteuse, qui donnent l’impression de participer à l’action et de regarder les héros. C’est plutôt bien joué, et la toute dernière séquence durcit le ton, entamant à cette occasion un processus qui sera sensible sur l’ensemble de la série.
Jim
Pour le troisième tome (qui est le premier que j’ai lu, si je me souviens bien), Vanholme et Mauricet se penche sur la figure de la sorcière. Cette fois-ci, Robin et Maxime voit arriver une nouvelle élève dans leur classe, et le second tombe bien rapidement sous le charme de l’arrivante.
Cette fois-ci, peu d’enquête, mais de l’action. Le lecteur a droit à des informations avant les deux jeunes héros, ce qui permet de gonfler le suspense. Sophie, la petite sœur de Robin, prend plus d’importance dans le récit qu’à l’occasion des deux premiers tomes. Courses-poursuites, métamorphoses, sortilèges, alignement de planète et Halloween sont au menu.
On constate un durcissement du ton à nouveau, l’affrontement entre les deux enquêteurs juvéniles et les sorcières auxquelles ils s’opposent prenant une dimension purement physique… et assez violente. Les auteurs parviennent à conserver assez d’humour pour faire passer la pilule, mais du coup, l’évolution de la série prend les allures d’un conte initiatique, les collégiens devant s’endurcir à chaque nouvelle menace. Et comme pour le premier tome, la fin reste ouverte sur des déclinaisons possibles, astuce qui se marie très bien avec l’ambiance surnaturelle générale.
Jim
En vacances dans le sympathique petit village de Saint-Tournon (là encore, les initiés décèleront un clin d’œil), Max et Rob sont confrontés à une bête qui massacre le bétail local. La tension monte alors qu’un prêtre aux allures de prédicateurs promet les pires tourments aux villageois s’ils ne se rangent pas sous la bannière du Christ. Au thème de la bête fauve (le spectre de celle du Gévaudan planant sur le récit), les auteurs ajoutent celui de l’enfant sauvage, alors que l’intrigue dévoile les secrets de la petite communauté campagnarde.
Ce quatrième tome confirme l’orientation plus sombre de la série. Si l’on sourit encore beaucoup, la tonalité est plus sérieuse. La charge contre la religion, dont le représentant est ici portraituré sous l’allure d’un fanatique, est assez étonnante pour une bande dessinée grand public. Mais cela demeure somme toute assez agréable, en ce sens que Vanholme et Mauricet n’hésite pas à aborder des sujets profonds dans une bande dessinée de divertissement.
Cette orientation se fait sentir également dans le trait de Mauricet, qui lorgne vers un réalisme plus poussé que dans les volumes précédents. Dans le même ordre d’idée, il fait davantage déborder ses cases vers le bord de la page, utilisant des fonds sombres voire noirs, tordant les cases afin d’insuffler un mouvement, bref sortant du régime classique de la BD d’aventure franco-belge. Ce quatrième tome est sans doute celui qui lorgne le plus vers les techniques narratives des comics.
Jim
Couvrant le vaste spectre du fantastique, Virginie Vanholme et Alain Mauricet se penchent, à l’occasion du cinquième tome de la série, sur la figure du savant fou. Ils tissent une histoire qui commence par une expérience ayant traumatisé de nombreuses générations d’écoliers, à savoir celle de la cuisse de grenouille qui s’agite sous l’effet d’un courant électrique. Ils continuent avec l’enquête policière sur des membres humains volés à la morgue…
Le récit est l’occasion de s’intéresser à deux personnages secondaires, le père de Robin et la mère de Maxime. Le premier est médecin légiste, la seconde cherche l’amour sur les réseaux sociaux, et tous deux seront mêlés à une intrigue qui mélange laboratoire clandestin, opérations chirurgicales interdites et vie après la mort.
Si l’album est moins extrême que le précédent, il reprend certaines de ses approches, parmi lesquelles les cases en bord de page ou les marges sombres, confirmant l’orientation plus sombre de la série.
Jim