Discutez de Mourir au paradis
La critique de Mourir au paradis T.1 (simple - Dargaud) par ginevra est disponible sur le site!
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Dans une résidence sécurisée pour riches, un livreur d’origine sud-américaine, et que les habitants ainsi que le responsable de la sécurité appellent tous « Pancho » (car tous les livreurs s’appellent Pancho, ça les dispense d’apprendre leur nom), fait sa tournée, servant ainsi de guide dans ce dédale de demeures chic où les fortunes vivent à l’écart du monde.
Tel est le décor que Pierre Christin choisit pour Mourir au Paradis, un portrait acide de la jeunesse américaine désœuvrée, qui se noie dans sa gourmandise, son goût du sang ou son admiration béate de l’Allemagne nazie. C’est d’ailleurs lors d’une reconstitution d’une soirée de dignitaires issus de l’Allemagne hitlérienne que les choses tournent mal, qu’une mort accidentelle est maquillée maladroitement en attentat, dans une tentative d’en imputer la responsabilité aux « Panchos ».
D’une certaine manière, Mourir au Paradis est un peu la réponse à Partie de Chasse. Là où Christin et Bilal évoquait les vieux de l’URSS, ici, c’est la jeunesse américaine qui sert de prisme au portrait d’un empire déclinant. On y retrouve l’autarcie mentale, la décadence, la paranoïa, l’atmosphère fin de race et même une parodie de partie de chasse au stand de tir qui ne me semble pas innocente du tout tant elle jette un pont entre les deux récits. Bien sûr, Alain Mounier n’est pas Enki Bilal, et Mourir au Paradis est moins bien armé pour passer au statut de classique, mais ça cogne bien.
Cependant, pour habile que soit l’écriture, qui définit des personnages (un peu inexpressifs) par le truchement de dialogues assez bien ciselés et d’attitudes éloquentes, Christin ne recule pas devant quelques facilités : les deux personnages francophones (une jeune Française en vacances et un fils bilingue de famille juive) sont nettement moins cons que les autres, peu enclins à céder aux pulsions des autres habitants. Bien sûr, c’est le portrait de l’Amérique, donc choisir des personnages extérieurs à divers degrés au modèle présenté est une évidence, sans doute un raccourci aussi.
À ce titre, la dernière scène est éloquente : elle montre comment le modèle américain peut s’étendre à tout l’Occident, avec ses errements et ses haines. Là aussi, on peut y voir une certaine forme de facilité, une chute prenant les allures d’un retournement. Cela reste percutant.
Jim