PHASE IV (Saul Bass)

Science-fiction/horreur
Long métrage britannique
Réalisé par Saul Bass
Scénarisé par Mayo Simon
Avec Nigel Davenport, Michael Murphy, Lynne Frederick…
Année de production : 1974

Avec son accroche alarmante et ses images assez racoleuses, l’affiche de Phase IV est l’exemple d’un matériel promotionnel à l’opposé de ce que le film raconte. Les éléments sont pourtant bien présents dans l’unique long métrage de Saul Bass…les fourmis, la main crispée, le dôme…mais le contexte est totalement différent. Saul Bass était lui-même un concepteur d’affiches reconnu (entre autres choses) et il n’a pas du apprécier de devoir en accepter une qui évoque plus une série B de monstres que la nature plus métaphysique de Phase IV.

Il se dit pourtant que c’était bien ce que la Paramount lui avait demandé, commande étonnante dans un paysage cinématographique américain en plein changement au début des années 70. Le résultat final peut alors se voir comme un contrepied par rapport aux attentes initiales et explique certainement en partie son échec cuisant au box-office, Saul Bass ne tournant plus de film par la suite (il a juste signé trois courts métrages entre 1978 et 1984).

Pendant sept à huit minutes, il n’y a pas d’humains à l’écran. On entend juste une voix qui expose la situation, un dérèglement de l’écosystème entraînant l’évolution rapide des fourmis. L’une des conséquences de cet événement est le développement d’un esprit de ruche entre les différentes espèces qui se mettent à se conduire d’une façon de plus en plus étrange. L’impressionnant travail de prises de vues macroscopiques plonge le spectateur dans ce qui ressemble à un autre univers et installe dès lors un certain malaise.

Il y a peu d’acteurs à l’écran. Deux scientifiques qui conduisent une mission d’observation sous un dôme aux airs de base extraterrestre et une jeune femme qu’ils sont obligés d’accueillir après une fuite qui a tourné au drame. Le cadre est austère et se concentre sur des personnalités à la caractérisation intéressante (et bien interprétées…Nigel Davenport et Michael Murphy sont de solides acteurs méconnus) prises dans une lutte pour la survie à l’issue incertaine. Car la coopération est plus fragrante du côté des fourmis que de celui des humains…

Si Phase IV semble économe dans ses effets, la réalisation est ingénieuse et multiplie les visuels étonnants en jouant très habilement sur les échelles et les structures géométriques, les formes se juxtaposant de l’infiniment petit à l’immensité du désert (et de l’infini au-delà). La formation de graphiste de Saul Bass éclate à l’écran, composant des plans qui brisent constamment la barrière entre l’homme et l’insecte…et sur ce point, Phase IV est bluffant de bout en bout…

Tout au long de l’histoire, les phases sont énumérées et la Phase IV n’arrive qu’à la toute fin, lors d’une séquence troublante, surréelle et cauchemardesque. Et encore plus dans sa forme originelle puisque le studio avait coupé plusieurs minutes à l’époque de la sortie. J’ai vu cette fin voulue par Bass après avoir regardé le film et elle est fortement hallucinante dans son genre, tout en apportant un autre regard sur la signification de ces fameuses « phases »

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Vu pour la première fois il n’y a pas si longtemps (j’en avais parlé à la radio d’ailleurs) et j’ai pris une grosse claque.
La séquence finale « alternative » est en effet scotchante dans le genre délire à la « 2001 »/« Altered States ». Quel dommage que Saul Bass n’ait pas fait plus de longs métrages…

Yep, extraordinaire, Phase 4. Il y a des jours où je le préfère à 2001, pour être honnête.

Sinon, Saul Bass n’a certes pas fait d’autre long-métrages mais ses courts ne sont pas inintéressants:

https://www.youtube.com/watch?v=6wAh27YJprI&ab_channel=GlobeMovieTime

Ha !! Voilà un point de vue iconoclaste, mais qui se défend, je dois dire.

Paraît-il, et j’avoue que je n’ai pas encore pris la peine d’aller creuser ça. Une lacune à combler de plus, hop !! :wink:

Tiens, j’avais jamais percuté : c’est fou comme l’affiche du film, même si elle fleure bon le cinoche d’exploitation, renvoie aussi à un plan célèbre d’« Un Chien Andalou », le manifeste du surréalisme cinématographique signé Bunuel et Dali. Il y a un plan qui a probablement inspiré cette image de la main trouée d’où s’échappe des fourmis… La filiation me semble évidente, là.

Absolument. Et je me demande à quel point « Pi » s’est inspiré de ces deux films (en plus d’« Eraserhead » et « Tetsuo », bien sûr). En fait, en voyant ton message, j’ai d’abord cru que c’était une image du film d’Aronofsky.

Ah, je n’y aurais pas pensé spontanément (je n’ai vu « Pi » qu’une seule fois et il y a fort longtemps) mais c’est une inspiration possible, oui.

Il y a un film récent qui y fait aussi référence, mais je n’en dirai pas plus, des fois que vous alliez le voir.

Tori.

Ah oui ? mince, tu titilles ma curiosité… :wink:

Quelques affiches :

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Elles déchirent, grave !!

Superbes affiches

Je soupçonne aussi très fortement cette vidéo, réalisée par Alex Cox, pour le duo Debbie Harry/Iggy Pop, de citer le même plan du « Chien Andalou ».

Ah oui, carrément, à 1 mn 30.

Tiens, voilà un cinéaste dont on parlera aussi vraisemblablement à la rentrée dans « Tumatxa » (probablement pour un doublé axé western…).

Ah, tu vas parler de « Walker » ? Faudrait que je regarde ça

J’ai vu « Phase IV » quand j’étais étudiante lors d’une soirée cinéma, en 1975 ou 1976, à thème horrifique avec d’abord « L’Autre », puis « Phase IV » plus un autre dont je ne rappelle pas le titre puisque nous n’y étions pas restés (je crois que nous l’avions déjà vu). J’étais étudiante à St Etienne et nous étions 4 à y être allés.

En sortant du film, nous somme restés silencieux et, une fois dans la voiture, j’ai dit à mes copains : « Vous imaginez, si nous avions vu une fourmi là sur le trottoir, je crois que nous aurions tous sauté dessus à pieds joints! » Et là nous avons tous ri ensemble en admettant que c’était vrai.

Je ne l’ai pas revu depuis et je reconnais que j’hésite à le faire vu le souvenir qu’il m’en reste.

ginevra

Sacrée soirée cinoche !! « L’Autre » est un bijou aussi.

Probablement une double chronique « Walker »/« Straight To Hell »… Mais ça doit encore un peu mûrir dans ma tête.

Bonne idée. J’ai vu « Straight To Hell » (deux fois, même), qui me laisse un peu indifférent. Mais j’ai le sentiment d’être un peu passé à coté du film. Curieux d’entendre ce que tu en diras, du coup.

Disons que c’est clairement moins riche et intéressant que « Walker », au fort sous-texte politique, mais quand on connaît la genèse du film, ça s’explique aisément. J’insiterai je pense sur la filiation du film avec « Tire encore si tu peux » de Giulio Questi, un film qui me fascine et qui est carrément le western préféré d’Alex Cox.