REALISATEUR & SCENARISTE
Eric Red, d’après le roman de Wayne Smith
DISTRIBUTION
Mariel Hemingway, Michael Paré, Mason Gamble, Ken Pogue…
INFOS
Long métrage américain
Genre : horreur
Titre original : Bad Moon
Année de production : 1996
Dans une jungle reculée, le photographe Ted Harrison et sa petite amie sont attaqués par une créature monstrueuse, qui massacre la jeune femme avant de blesser grièvement Ted. De retour aux Etats-Unis, il découvre qu’il est devenu un loup-garou. Après avoir cherché en vain un remède à sa situation, Ted accepte la proposition de sa soeur et de son neveu d’aller vivre près de chez eux, en espérant que l’amour des siens pourra l’aider à apaiser le monstre qu’il devient chaque nuit. Mais Thor (Tonnerre en V.F.), le berger allemand de la famille, sent que quelque chose ne va pas chez ce bon vieil Oncle Ted…
Le scénariste américain Eric Red s’est fait remarquer dès son premier scénario, Hitcher, mis en images par Robert Harmon en 1986. Après ce thriller intense porté par l’interprétation animale de Rutger Hauer en auto-stoppeur meurtrier, Eric Red a enchaîné avec ce qui demeure son chef d’oeuvre, l’un des plus beaux films de vampires de l’histoire du genre : Aux frontières de l’Aube de Kathryn Bigelow, western horrifique crépusculaire peuplé de magnifiques personnages de prédateurs hors-la-loi et traversé de stupéfiantes fulgurances visuelles.
La suite de la carrière d’Eric Red est éclipsée par l’aura de ces deux premiers films, mais on y retrouve tout de même des pelloches solides (il a de nouveau collaboré avec Kathryn Bigelow pour le polar Blue Steel) et des bonnes séries B qu’il a lui-même réalisé, comme le thriller Cohen & Tate avec Roy Scheider, le film d’horreur Body Parts avec Jeff Fahey (inspiré par un roman de Boileau et Narcejac) et un chouette film de loup-garou, Bad Moon (sorti en France en vidéo sous le titre Pleine Lune).
Sa carrière cinématographique s’est ralentie dans les années 2000 (il a juste écrit et réalisé le thriller horrifique Périmètre Mortel en 2008), période pendant laquelle il s’est recentré sur ses activités d’écrivain, en romans et en comics.
Pleine Lune est basé sur un roman de l’écrivain Wayne Smith, qui a adopté un concept original pour un récit de loup-garou (d’après mes informations, puisque je ne l’ai pas lu) : la narration épouse entièrement le point de vue du chien Thor en proie à un véritable dilemme. Comment faire comprendre à ses maîtres, à sa « meute », que le danger est entré dans leur maison, et les protéger alors qu’il est entraîné à ne pas mordre un être humain ? En cette démonstration du pouvoir de l’inconditionnelle dévotion d’un chien pour sa famille, Eric Red a vu le potentiel pour un film d’horreur « avec du coeur », un film de loup-garou « différent et unique » selon ses propres mots…un drame familial avec du sexe, du sang et un loup-garou visuellement impressionnant.
Bien entendu (et heureusement d’ailleurs), le long métrage n’est pas entièrement réalisé en caméra subjective, il y a juste deux ou trois passages vus à travers le regard du fidèle toutou pendant le premier acte. L’unité de lieu et le nombre de personnages sont réduits : Eric Red s’est concentré sur l’affrontement primal entre le berger allemand et l’oncle maudit, qui s’exprime dans un premier temps par des scènes durant lesquelles l’animal et l’homme se soutiennent du regard, chacun attendant la première attaque de l’autre. Dans ce jeu mortel, Ted se révélera d’abord le plus fort (histoire d’avoir le fameux moment qui fait pleurer dans les chaumières) avant que le rapport de force ne s’inverse dans le dernier quart d’heure.
Ted Harrison est incarné par Michael Paré (Les Rues de Feu, Philadelphia Expériment, Moon 44…), pas le plus expressif des comédiens (si j’étais méchant, je dirais que le chien est meilleur acteur que lui). Cela se vérifie notamment dans les moments en famille qui manquent terriblement de chaleur et son duo avec Mariel Hemingway (Superman IV), qui joue sa soeur, n’est pas pleinement convaincant. Mais il exprime tout de même plutôt bien le pathos de son personnage, à la Lon Chaney, le loup-garou des films Universal des années 40. Et son magnétisme animal fait merveille, notamment lors de l’amusante scène du « marquage de territoire ».
Comme pour les vampires de Aux Frontières de l’Aube, Eric Red ne se limite pas aux clichés habituels des récits traitant de la lycanthropie (Ted s’en moque même en regardant Le Monstre de Londres, une série B de 1935, avec son neveu à la télévision). Malgré le titre français de Bad Moon (et même si une image furtive dévoile la pleine lune), Ted peut se transformer toutes les nuits et la balle en argent reste du domaine de la tradition orale.
La bête poilue est une très belle création du spécialiste Steve Johnson, qui débuta en tant qu’assistant de Rick Baker sur Le Loup-Garou de Londres. Mais contrairement au classique de John Landis, la seule déception ici vient de la phase de transformation, qui a eu recours à la technique du morphing pour un résultat de piètre qualité. Les effets spéciaux pratiques sont autrement plus réussis et les attaques du monstre redoutables, avec des plans joliment ciselés.
Bref, si le jeu des acteurs n’est pas toujours relevé, Eric Red tient bien son concept et délivre une bonne petite série B saignante, concise (peu de temps morts pendant ces 80 minutes) et efficace, avec un suspense qui monte bien en puissance.