En 2000, une gigantesque explosion se produit en Antarctique. Ce cataclysme, officiellement provoqué par la chute d’un astéroïde, entraîne une montée des eaux de plusieurs dizaines de mètres et dévaste une grande partie de la planète, provoquant la mort de deux milliards de personnes ainsi qu’une nouvelle guerre mondiale.
Quinze ans plus tard, l’humanité a surmonté cet événement dramatique désigné comme le « Second Impact » mais de mystérieuses créatures géantes, les Anges, font leur apparition et tentent de détruire Tokyo-3, la nouvelle capitale-forteresse du Japon. Pour les combattre, l’organisation secrète NERV a mis au point les « Evangelion » (ou « EVA »), des géants humanoïdes d’apparence mécanique.
Shinji Ikari, jeune garçon de 14 ans, se rend à Tokyo-3 sur l’invitation de son père, directeur de la NERV, qu’il n’a pas revu depuis dix ans. Il est loin de se douter qu’il a été appelé pour piloter une EVA et prendre part au combat contre le « Troisième Ange ». Celui-ci n’est que le premier d’une longue série où il sera accompagné par Rei Ayanami, et plus tard Asuka Soryu Langley, et où chaque affrontement peut conduire à la disparition de l’humanité. Mais ils devront également régler leurs propres conflits intérieurs alors que la mystérieuse organisation SEELE, qui dirige secrètement la NERV, tente de mettre en place son « Plan de complémentarité de l’Homme » dont le but est de faire évoluer le genre humain vers un nouveau stade.
Au départ il y a Neon Genesis Evangelion.
Série d’animation en 26 épisodes diffusés entre 1995 et 1996. Produit par le studio Gainax (à qui l’on doit alors le film Les Ailes d’Honnéamise, la série d’OAV Gunbuster et la série Nadia, le secret de l’eau bleue) et écrite et réalisé par Hideaki Anno, Evangelion est une date marquante de l’animation japonaise et mondiale. Une oeuvre capitale à l’aune de laquelle les autres sont jugées, une série sur laquelle on peut affirmer qu’il y a un avant et un après.
Progéniture folle de deux univers qui sont celui des séries de robots géants et celui de David Lynch (pour faire un rapprochement grossier), Evangelion débute comme une série classique du genre auquel elle appartient : des jeunes gens vont piloter des énormes robots de combats afin de protéger la Terre (et surtout le Japon) contre une menace terrifiante. Si, au départ, la série marque par son système de pilotage quasi-inédit (les pilotes sont en symbiose avec le robot, ils pensent les actions mais en retour ils ressentent les blessures) et par la qualité incroyable de son animation pour une œuvre de ce type, son aura va se construire et perdurer jusqu’à aujourd’hui sur la base d’intrigues foisonnantes et complexes, de mystères et de questions (Que sont les Anges ? Pourquoi attaquent-ils Tokyo-3 ? Que sont les EVA ? Qu’est ce que le Plan de Complémentarité de l’homme ? etc.), sur des personnages d’une grande complexité, reflets des pensées et obsessions de leur auteur (créateur, dieu, copie) et enfin sur une capacité à mélanger tout cela au milieu de combat de robots géant, de scènes gores et de petites culottes. Comme Gunbuster, Evangelion s’inscrit dans le mouvement post-moderne des années 90 et interroge les ficelles du genre dans lequel il évolue mais là où la série d’OAV jouait la parodie pour mieux prendre à contre-courant le spectateur lors de son final, Evangelion, elle, va avoir une approche réaliste. Les EVA sont ainsi montrées comme des créations supervisés par des dizaines de technicien et leur autonomie est très faible (3 minutes dès que le câble d’alimentation est retiré). Chaque grand plan pour vaincre un ange est l’occasion d’une dépense folle en main d’œuvre, en argent et en technologie, la logistique montrée donne le tournis (Anno reprendra cette approche pour son film Shin Godzilla, dans lequel le monstre affronte l’administration japonaise), bref on est pas face à un Actarus qui crie « Fulguropoing ! » mais à une machinerie complexe menée par un bataillon d’individus. Et bien qu’un pilote soit au centre du mécanisme, là encore la série questionne et montre crument la réalité d’utiliser des adolescents dans une guerre. C’est pas fun, c’est sale, violent et traumatisant.
Neon Genesis Evangelion c’est aussi une fin en deux épisodes qui marqua ses spectateurs. Un final dont le rejet est souvent comparé au choc et la colère ressenti par les spectateurs des années 60 à la fin de la série Le Prisonnier (tient une autre inspiration d’Evangelion). Une conclusion prenant les fans à rebrousse-poil en proposant non pas une fin claire et nette mais un dilemme interne et une psychanalyse de son protagoniste principal, Shinji Ikari.
Loin des batailles épiques proposées tout du long de la série, cette sorte de monologue interne est à la fois une solution pratique (un minimum d’animation pour réduire les couts d’une production qui ont déjà explosés son budget) mais également le bilan d’un auteur étant sorti d’une grave dépression quelques années auparavant (ce qui affecta grandement la série Nadia, le secret de l’eau bleue ) et qui tente d’expliquer à ses camarades fans/otaku/nerds/geeks/etc. qu’il faut éteindre la télé, sortir de chez soi et parler aux gens.
Forcément ça calme tout le monde, puis ça en énerve certains.
Puis il y eu les films Neon Genesis Evangelion: Death and Rebirth et The End of Evangelion sortis en 1997
La première partie (Death) est en fait un remontage des 24 premier épisodes de la série servant à condenser l’histoire en une heure. Le deuxième parie (Rebith), d’une trentaine de minutes, est de l’inédit racontant les événements parallèle à ceux des épisodes 25 et 26. Cette partie constituera le début du film The End of Evangelion censé être la « vraie » fin de la série. Si Anno semble donner le biscuit réclamé par les fans en la présence de scène de combat incroyable, d’une violence accrue avec la mort d’une bonne partie des personnages et de quelques explications, il n’en reste pas moins que The End est l’occasion pour Anno de pousser les potards à fonds et d’aller aux maximum de la démonstration de ce qu’est le Plan de Complémentarité. Sorte d’orgie à l’échelle planétaire sur le plan physique et spirituel, apocalypse ultime renvoyant notamment au final de Devilman de Go Nagaï et conclusion douce et tendre de deux être se donnant la main sur une plage, la fin d’Evangelion est tout cela à la fois
Clap final. « Vous avez eu ce que vous vouliez, c’est pas pour autant que je n’ai pas fais ce que moi je voulais » semble dire Anno. On est au début des années 2000 et Evangelion devient l’une des œuvres les plus commentées, critiquées et analysées au monde avec une profondeur et une érudition équivalente à la production analytique consacrée à Shinning par exemple
Puis Anno parti faire d’autres choses avec Gainax (les séries Elle et Lui et Re : Cutey Honey) ou en solo (réaliser les films live Cutey Honey ou Ritual)
Puis Gainax continua à faire d’autres séries ou OAV dont Gurren Lagann (qui n’a pas grand chose à voir avec le sujet actuel mais je fais ce que je veux et si j’ai envie de citer l’une des meilleures séries de robots géants de ces quinze dernières années je le fais)
Enfin il y a ce qui nous concerne aujourd’hui (oui c’est une longue introduction) : le projet Rebuild of Evangelion, série de quatre films dont le dernier vient de sortir en France sur Amazon Prime
- 2007 : Evangelion: 1.0 You Are (Not) Alone
- 2009 : Evangelion: 2.0 You Can (Not) Advance
- 2012 : Evangelion: 3.0 You Can (Not) Redo
- 2021 : Evangelion: 3.0+1.0 Thrice Upon a Time
Débuté en 2007, le projet cinématographique Rebuild of Evangelion semble dans un premier temps ressembler à ce qui fut fait avec Neon Genesis Evangelion: Death and Rebirth soit un remontage de la série pour une durée d’une œuvre cinématographique. Mais c’est autrement plus intéressant que cela.
Si le premier film reprend l’intrigue de la série parfois avec des scènes identiques (mais déjà la reprise de scènes été utilisé comme outil narratif dans la série), il ne s’agit pas ici de ré-utilisation des scènes déjà animés mais d’une nouvelle réalisation de celle-ci. Surtout le film va proposer des différences secondaires parfois, importantes souvent (tel le changement de look d’un des anges et une bataille différente contre lui) faisant dès lors du film non pas un simple copier/coller mais une œuvre pensée pour le cinéma et pour un public qui ne connaîtrait pas la série.
Ce qui ne veut pas dire que l’amateur, le fan ou le connaisseur de la série originale serait lésé. Bien au contraire et là se trouve tout l’intérêt d’un projet dont les différences narratives ont amenées l’hypothèse que ces films seraient un univers parallèle créé par les événements de la fin de série. J’ai franchement pas la réponse à la question.
Toujours est-il que dès le 1er film, l’histoire dévie de l’original. Une déviation qui va devenir un véritable nouveau chemin quand Evangelion: 2.0 You Can (Not) Advance sortira et proposera une nouvelle lecture des événements de la série avec nouveaux personnages à l’appuie et apocalypse renvoyant les précédentes dans le bac à sable des gosses. Dès lors les deux films suivant seront une nouvelle version de la fin de série (Evangelion: 3.0 You Can (Not) Redo) dans lequel on retrouve nos personnages 14 ans après le 3ème Impact dans une ambiance mélangeant fin du monde et Space-Opera à la Macross chère à Gainax, mais aussi et surtout sa suite (Evangelion: 3.0+1.0 Thrice Upon a Time) qui nous offre en prélude un combat de robots à Paris (avec lancé de la Tour Eiffel en cadeau), chronique quotidienne d’un village de survivant de l’humanité au sein duquel nos héros et héroïnes vont se ressourcer, fin des temps et renaissance ultime.
A travers le projet Rebuild c’est encore ici Anno qui nous parle. Un créateur avec 20 ans de plus dans les tuyaux et qui semble décidé à régler le compte d’un Gendo Ikari là où la série télévisé le voyait s’inquiéter de son fils Shinji. Après le fils, le père, après le dilemme du hérisson voila qu’on prend à bras le corps la gestion du deuil et la question de l’abandon. Le tout sans jamais mettre de coté le caractère « fun » de la série à travers des scènes de batailles sans équivalente.
Projet ambitieux arrivé à terme après 14 ans, Rebuild of Evangelion ne remplace ni ne supplante la série. Elle en est en fait son parfait prolongement et complément au même titre que Akira, le film l’est pour Akira, le manga. Films d’animations d’une beauté et d’une richesse incroyable, les 4 opus (et surtout les deux derniers) sont le fleurons de ce peut offrir l’animation japonaise actuellement.