RÉÉDITIONS DC : TPBs, Hardcovers, Graphic Novels

La série JLA a marqué un cap à la fin des années 1990, en proposant une version surboostée de la Ligue de Justice, dont les membres, tout à leur mission, affrontent des menaces d’ampleur cosmique. Menée tambour battant par Grant Morrison, avec l’aide de Mark Waid qui reprend la série dans la foulée, JLA peut se regarder aujourd’hui comme l’ancêtre de séries telles que Authority ou Ultimates. Avec l’arrivée de Joe Kelly, si les grandes menaces sont toujours présentes, l’adjonction de nouveaux personnages et l’exploration des sentiments des membres réguliers orientera un peu le titre vers une direction différente, plus classique.

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Au départ de Kelly, l’éditorial, à l’instigation de Mike Carlin, revisite les règles de la série et confie le groupe à des équipes éditoriales tournantes, parvenant à l’exploit de réunir Chris Claremont et John Byrne pour l’arc « The Tenth Circle ». Suivront plusieurs équipes proposant chacune leur vision du groupe. JLA gagne des arcs mémorables, mais perd un peu de son âme, la rotation des équipes créatrices évoquant un peu la série JLA Classified (et donc faisant doublon avec celle-ci).

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Le scénariste Chuck Austen et le dessinateur Ron Garney se chargent de l’arc « Pain of the Gods », qui s’étale des numéros 101 à 106. L’enjeu du récit consiste à confronter les surhommes, dont le statut quasi divin a fait l’objet de plusieurs réflexions dans la série, aux sentiments douloureux nés de missions ratés et d’échecs personnels.

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Tout commence alors qu’un incendie ravage un bâtiment. Superman vient prêter main forte aux pompiers locaux, sauvent les ouvriers, et rencontrent un super-héros du coin, qui participe à la mission. Malheureusement, ce dernier meurt dans l’explosion finale. Superman, habitué à réussir ses interventions, encaisse mal le choc, malgré le soutien de John Stewart.

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Le protecteur de Metropolis se met en tête de veiller sur l’orphelin qui vient de perdre son père. Pendant ce temps, l’échec du héros réveille chez ses coéquipiers des sentiments semblables, chacun d’eux étant confronté à ses propres limites et à son incapacité à tout régler. Chaque chapitre se consacre à tour de rôle à un héros, en commençant par Flash, et les titres sont autant d’appellations dédiées aux personnages (« Scarlet Speedster », « Emerald Warrior »…).

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JLA #106, consacré à Flash, est intéressant à plus d’un titre, notamment parce que la douleur, la frustration et l’angoisse s’expriment par la colère et l’indignation. Wally West (du temps où il était bien écrit) est incapable de dissimuler ses émotions, nourries par un investissement sincère dans ses entreprises.

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L’épisode consacré à John Stewart met en scène un phénomène souvent évoqué mais rarement matérialisé, la fatigue, celle qui mène à des maladresses et des erreurs supplémentaires. Celui dédié au Martian Manhunter, peut-être le plus bavard de tous, montre comment le personnage cherche à fuir toute relation en changeant d’identité et en se plongeant dans une vie civile factice.

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Le chapitre consacré à Wonder Woman s’ouvre sur une violente baston contre une super-vilaine inconnue, en mesure de tuer l’Amazone.

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L’héroïne, pourtant élevée par les Amazones et, à l’époque, morte, divinisée puis ressuscitée, se retrouve ici confrontée à la perspective de mourir, mais surtout à la haine farouche d’une inconnue qui désire la tuer sans raison ni prétexte.

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L’astuce du scénario de Chuck Austen est de mettre en évidence la solitude de l’Amazone au milieu du groupe majoritairement composé d’hommes, et où la camaraderie est parfois un effet de surface.

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Épuisée par un combat vide de signification, elle cherche un réconfort, un contact, l’occasion d’un échange, et n’en trouve pas. Flash et Green Lantern, qui ne voient en elle qu’une « femme formidable » que rien ne peut ébranler, ne se rendent pas compte du désarroi de leur équipière. Elle pense trouver une oreille attentive avec son équipier martien, mais ce dernier se contente de lui indiquer que Superman est sur Terre. La scène, assez amusante, est en même temps empreinte d’une tristesse saisissante.

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Superman, quant à lui, continue à veiller sur l’orphelin. À la fin du chapitre, Clark et Diana découvrent que l’enfant dispose également de pouvoir. Le dernier volet, qui se concentre sur Batman, raconte l’enquête des héros, qui apprennent que l’accident ayant conféré au héros inconnu ses capacités a aussi donné au reste de la famille des pouvoirs, que la veuve utilise afin de traquer le chef de chantier qui a rogné sur les coûts, provoquant indirectement le décès de son mari.

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Si le Chevalier Noir reste aussi mutique que d’ordinaire, l’épisode, qui confronte les justiciers à deux enfants à pouvoir souffrant de l’absence de leur père, fait écho à sa propre expérience. À la différence de ses équipiers, Batman a appris, depuis des décennies, à vivre avec le deuil. Ce qui n’empêche pas Austen et Garney de continuer leur exploration des fragilités de ces demi-dieux.

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Récit un peu oublié, un peu mésestimé, « Pain of the Gods » constitue pourtant une jolie petite pépite de la série, avec un portrait astucieux des personnages et surtout une vision du groupe, bien moins solidaire qu’on le pense.

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Quant à Ron Garney, qui s’encre lui-même, il livre des planches impressionnantes de force et d’énergie, dans le style qu’il avait imposé avec Waid sur Captain America. Ses personnages hiératiques sont définitivement plus grands que nature, ce qui convient à merveille au propos.

Jim