Depuis quelque temps, je puise dans la pile des TPB pas encore lus, qui monte lentement vers le plafond à côté de mon lit. Majoritairement du DC d’il y a quelques années. Des choses bien, des choses nulles.
Et dans le paquet de trucs récents, j’ai commencé par un truc nul.
Je me suis lu le Cry for Justice de Robinson.
Alors moi, comme beaucoup, j’aime bien Robinson. J’aime ses Cable (bon, aidé par Ladronn, forcément, ça coule tout seul, mais même avec Joe Bennett, c’est cool…), j’aime ses Leave it to Chance, j’aime ses Starman…
Mais depuis qu’il est revenu de son excursion à Hollywood, il n’est quand même que l’ombre de lui-même. Ses Batman sont sympas mais anecdotiques, ses Superman sont pas mal mais il n’a pas eu le temps de laisser des trucs très copieux, avant d’être jeté dans un cross-over dont il se tire honnêtement mais sans plus (Sterling Gates livraient les meilleures choses à l’époque), il a fait un one-shot consacré à Jimmy Olsen qui avait de beaux effets narratifs mais qui n’allait pas loin… Bref, des circonstances éditoriales pas faciles qui laissaient imaginer que, plus libre, il pourrait retrouver la grande forme.
Bah c’est pas pour Cry for Justice, en tout état de cause : poussif, maladroit, lent, traînard, sans enjeu réel, voilà une mini-série qui sert surtout à lancer son run sur la série régulière (un run tout aussi lambin, d’ailleurs, mais au moins, y avait Bagley dessus…), à ramener des personnages qui lui plaisent bien, ce genre de choses…
Déjà, la mini-série souffre de deux syndromes : d’une part, c’est pas indépendant, c’est imbriqué dans de vastes plans à l’échelle de l’éditeur, plans dont de toute façon ils vont changer très vite donc on se demande bien pourquoi ils mettent autant d’énergie à les monter (ici, ça prépare ce que Robinson va faire plus tard : purée, il pouvait pas faire ça dans la série régulière, des fois ?) ; d’autre part, et ce sans doute sous l’impulsion de Didio, c’est aussi l’occasion d’un joli jeu de massacre, de nombreux personnages mourant sans explication ou perdant des bouts de leur anatomie dans des scènes inutilement gore. C’est pas avec Cry for Justice que l’univers DC va sourire.
L’intrigue prend racine dans des événements passés qui sont évoqués à mi-mots, et qu’on n’arrive pas à identifier. De quoi parle Jay Garrick ? Pas une note de renvoi, pas un dialogue détaillé ne vient éclairer le truc. Le lecteur de passage, celui qui, par exemple, pourrait prendre le recueil parce qu’il aime bien le scénariste, est complètement largué. Pour comprendre un morceau de DC, faut avoir lu tout DC. Belle politique de fidélisation.
Ensuite, le récit raconte comment Hal Jordan et Oliver Queen font scission d’avec le reste de la Ligue et décident d’adopter une attitude plus proactive, en allant chercher les méchants là où ils se cachent. Prétexte moult fois exploré (la dernière fois, de mémoire, c’était dans la Justice League Elite de Kelly et Mahnke), idée intéressante mais dont il faut faire quelque chose. Et c’est notamment là que le bât blesse : Robinson donne l’impression vivace qu’il ne sait pas quoi faire de l’idée. Et les personnages non plus. Au bout de trois épisodes (sur sept), ils en sont à constater qu’ils tournent en rond et n’accomplissent rien de grand. On réprime un bâillement. La suite n’est guère mieux : le groupe finit par se constituer (Congorilla et le Starman bleu rejoignant les autres), et là commence à germer l’idée que tous les maux qu’ils essaient de soigner proviennent de ce bougre de Prometheus, un vrai bon gros méchant qui fait des choses si terribles que, au final, on ne peut pas tellement en vouloir aux plus virulents des héros. Le discours politique est complètement atténué, il n’y a pas de réflexion sur l’engagement héroïque et sur les conséquences des super-pouvoirs, les engueulades ne dépassent guère le stade des questionnements niveau école primaire, bref, c’est assez ras des pâquerettes. La série se termine sur une scène qui, et c’est là le pire, cautionne le vigilantisme, et assimile la « justice » tant réclamée à la vengeance. Bref, ça sent carrément le renfermé, et on est loin du Robinson brillant qui avait écrit Golden Age pour Paul Smith. Robinson, c’est sans doute comme John Byrne ou Marc Silvestri, des extraterrestres l’ont enlevé et remplacé par une pâle copie.
Même narrativement, ça ne tient pas. Les dialogues ne sont pas bons, les blagues (déjà fort rares) tombent à plat, la caractérisation est inefficace. Les personnages sont amenés tardivement et on n’a le temps de s’intéresser ni à eux ni aux relations qu’ils entretiennent au sein d’un groupe qui ressemble plus à un instantané dans une salle des pas perdues d’une gare un peu vide, qu’à une réelle équipe. Il y a, à un moment, une trahison, et quand l’identité du traître est révélée, les explications renvoient à des mots qu’il a (aurait ?) prononcés. J’ai relu les passages concernés, et je n’ai pas trouvé les mots en question (sont-ils noyés dans un flot de dialogues ?) : Robinson, d’ordinaire carré pour ce genre d’effets, s’est planté, me semble-t-il.
Le tout dans un graphisme de peinture pompier assez peu narrative, ça donne un gros machin indigeste qui tire le genre super-héros, et les personnages de la Ligue, vers le bas.
Un très mauvais album pour l’un des pires scripts du scénariste.
Jim