RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

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THOR EPIC COLLECTION: A KINGDOM LOST TPB
Volume 11 in the Thor Epic Collection
Written by CHRIS CLAREMONT & ALAN ZELENETZ
Penciled by KEITH POLLARD with RICK LEONARDI, GIL KANE, ALAN KUPPERBERG, LUKE McDONNELL & BOB HALL
Cover by GIL KANE
Thor returns to Earth, but the enemies of Asgard aren’t going to wait for him back home! Foes fit for a god one and all — from the Wrecking Crew and Galactus’ heralds Gabriel and Firelord to the Frost Giants and Drax the Destroyer — come for a piece of the Asgardian Avenger! Speaking of Avengers, Thor teams up with Iron Man to confront some of the strangest and most gruesome villains in the Marvel Universe, even as Loki conspires to pit his half-brother against the stone men of Easter Island and the great dragon Fafnir! Topping off this epic are new Tales of Asgard, and two action-packed Annual adventures featuring Odin vs. Dormammu — and Thor, joined with the gods of countless pantheons, against the fearsome God-Eater! Collecting THOR (1966) #303-319 and ANNUAL #9-10.
480 PGS./Rated T …$34.99
ISBN: 978-0-7851-8862-9

Ouh là là, complètement inédit en VF, ça (ça devient rare, quand même, les TPB qui constituent de vraies découvertes…). Et jamais lu (à part un épisode isolé que j’ai déniché dans un bac à solde…). Purée, ça, je crois que je vais pas hésiter longtemps !

Effectivement, je n’ai pas hésité longtemps. J’étais chez Pulps, il y avait plein de monde, et mon éditeur m’attendait, donc fallait que je fasse vite. Et quand j’ai vu ce tome, bien épais, hop, j’ai sauté dessus.

Pour reprendre une argumentation évoquée récemment dans d’autres discussions, effectivement, trente-cinq dollars, c’est cher. Mais en même temps, on a une vingtaine d’épisodes, donc ça reste assez copieux.
De même, nous évoquions, dans Viens dans mon comic strip, dont je vous conseille la fréquentation assidue, bande de distraits, le fait que de nombreuses séries importantes de Marvel ou DC connaissent de grands trous de traductions, des périodes entières, bonnes ou moins bonnes, que les lecteurs franco-belges n’ont pas eu l’occasion de juger par eux-mêmes.
Thor est de ces séries, qui pendant longtemps a vu une presque centaine de ses épisodes demeurer inédits. Désormais, le run brillantissime de Walt Simonson est disponible en VF, mais il reste une quarantaine (au bas mot) d’épisodes oubliés, se situant entre la prestation de Roy Thomas, passionnante au début puis alourdie par une volonté de goupiller la mythologie nordique, les apports de Kirby (Eternals…) et la continuité Marvel (ça reste super, mais c’est quand même un peu étouffe-chrétien à la lecture, malgré l’énergie des dessins de Keith Pollard) et l’électrochoc qu’a été le règne de Simonson.

Et comme je le disais plus haut, personnellement, je ne connais pas. Je n’ai qu’un épisode, écrit par Zelenetz et dessiné par un Leonardi débutant (que l’encrage de Chic Stone rend méconnaissable). Et donc, je découvre que cette période est écrite par Doug Moench, qui s’installe sur la série alors que Gruenwald et Macchio ont fait l’intérim après le départ de Thomas et ont imposé une back-up, le retour des « Tales of Asgard », dans le sommaire.
Ça aussi, pour moi, c’est une découverte : je pensais que cette back-up, inventée par Kirby à une époque où il tente de garder la main sur la série et explore le fond folklorique de son univers, n’était revenue dans la série qu’à l’occasion du long run de Tom DeFalco (très sympa aussi, d’ailleurs). Mais en fait, bah non ! Et ce que font Gruenwald et Macchio, c’est utiliser ce récit de complément pour faire avancer les choses, notamment autour de Balder. Donc le récit n’est plus déconnecté de la continuité mais fait avancer l’univers.

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Chose intéressante, Moench, une fois qu’il s’est installé, essaie au contraire de sortir Thor de son univers asgardien. Moi, j’aime bien Moench. Je me souviens d’un commentaire dans Scarce qui, à l’occasion d’un article sur Claremont, disait en substance que le style de Claremont était immédiatement reconnaissable, contrairement à, par exemple, Doug Moench. Moi, je ne trouve pas. Moench est un grand amateur de pulps et ça se ressent sur plein de ses récits, où l’on retrouve une ambiance un peu « polar fantastique » (c’est sensible sur Master of Kung-Fu ou Batman…), et des thématiques, comme par exemple les civilisations disparues (un thème exploité dans ses Fantastic Four, que je n’ai pas aimé à l’époque, et que je devrais relire, si j’étais courageux, histoire de me mettre des claques pour être passé à côté de quelque chose…).
Là, c’est un peu pareil. Qui plus est, afin d’animer ses intrigues, il puise au patrimoine d’autres séries, notamment Hulk. Thor se retrouve opposé à la Bi-Beast ou au Man-Beast (oui, je sais, il est apparu dans Thor, mais il a surtout été développé autour d’Adam Warlock et Hulk). Ça donne l’impression que la série cherche à sortir de sa sphère habituelle, ce qui n’est pas désagréable et tout à l’honneur de Moench.
Parfois, c’est un peu maladroit : l’affrontement avec Mephisto ne fait qu’un épisode (très beau, cela dit), là où un tel antagoniste aurait bien mérité un peu plus long. Si Moench place son action bien souvent sur Terre (Thor ayant décidé de se consacrer à la protection de Midgard, ce qui finira par lui jouer des tours), il s’occupe également de Donald Blake. Ce dernier n’exerçant plus en tant que médecin libéral, il intègre l’équipe d’une clinique de quartier, où il pratique la chirurgie. Mais ses obligations super-héroïques le conduisent à s’éloigner d’un patient qui décède (à l’occasion d’un récit à tonalité sociale comme Marvel savait en produire à cette époque, à la fois audacieux dans son propos et balourd dans sa démonstration), ce qui lui vaut d’être soumis au jugement de ses pairs. Dans le même temps, le dieu du tonnerre, à l’instigation de Tyr le dieu de la guerre, fait lui aussi l’objet d’un procès en Asgard (pour désertion, faisons court). Une fois la situation résolue, le héros au marteau retourne sur Terre, tandis que Blake retrouve une amie du temps de ses études, ce qui lui permet d’envisager de nouvelles perspectives de carrière tout en laissant entrer dans sa vie un nouvel « intérêt sentimental ».

Ah, et puis on trouve dans ce recueil la première apparition de Demogorge, le God-Eater qui tient une place importante dans le run de Greg Pak et Fred Van Lente sur Incredible Hercules (quoi, vous n’avez pas lu ça ? Lâchez immédiatement vos Avengers, Uncanny X-Men et autres inepties, et allez rattraper votre retard, non mais…). Je pensais que c’était une invention de ces deux-là, mais en fait, non, pas du tout, ça vient du début des années 1980, dans Thor !

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Question dessin, c’est Keith Pollard. Moi, j’aime beaucoup Keith Pollard, une espèce de sous John Buscema stéroïdé, qui dessine des héros hiératiques et des héroïnes renversantes. C’est péchu, bourrin, ça remplit complètement le contrat (et en plus, le recueil contient des couvertures où il s’encre lui-même, et c’est vraiment super). L’encrage n’est pas toujours formidable (je suis pas fan de Chic Stone, surtout à l’époque, et la prestation de Gene Day, très maniérée, alourdit un peu : faut dire qu’il avait Sinnott sur Fantastic Four ou Mooney sur Amazing Spider-Man, le gratin, quoi…), mais quelle puissance dans les pages.
C’est quand même incroyable, Pollard : il a eu quelques courtes années de gloire, où il régnait, chez Marvel, sur des séries importantes, signant Amazing Spider-Man #200, Fantastic Four #200, Thor #300… Et puis, ça s’est éteint avant la moitié des années 1980. Je sais pas trop pourquoi : parti faire de la pub ou du storyboard ou chaipakoi ?

Bref, voilà un recueil cohérent (on prend une époque, on la traite in extenso), qui tape dans une période méconnue, mésestimée, mais pourtant pas désagréable sans être ni géniale ni indispensable. Les épisodes sont sympathiques, très bien dessinés et très dynamique, il y a une grande énergie chez tous les participants, y compris les auteurs de fill-ins, à l’exemple de Gil Kane sur l’épisode 318.

Deux petits bémols purement éditoriaux : le recueil s’ouvre sur le neuvième Annual de la série, écrit par Chris Claremont et dessiné par Luke McDonnell et Vince Colletta. L’encrage velu (mais à poils courts) de ce dernier n’aide pas à faire ressortir les qualités de McDonnell, dont le trait est déjà raide. Commencer par ça, c’est pas glop. Autre petit point agaçant, pour ceux qui, comme moi, aurait les deux tomes de Thor: The Eternal Saga, c’est que ces derniers s’arrêtent à Thor #301, alors que le recueil commence dans Thor #303. Zut, un numéro passé à la trappe. Scrogneugneu.
Mais autrement, c’est un bouquin plutôt distrayant, très dynamique, qui ravira les curieux et en donnera pour leur argent.

Jim