RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

Au début des années 1990, les éditeurs commencent à tenter l’aventure des trade paperbacks, plus communément appelés TPB, des recueils compilant les récits populaires dont tout le monde parle encore des années plus tard. Les recueils de l’époque sont souvent peu épais, compilent une petite poignée d’épisodes, arborent des couvertures souples et des appareils critiques réduits à la plus simple expression. En revanche, ils présentent souvent des couvertures originales.

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Captain America: Deathlok Lives fait partie de ces petites pépites qui enflamment l’imagination d’un collectionneur. Je l’ai longtemps cherché et grâce à notre ami le Mallrat, je l’ai depuis quelques mois. Connaissant bien le contenu, je ne l’ai pas regardé en détail, mais il mérite quelques commentaires.

Effectivement, le recueil propose une couverture inédite, où les deux héros font front commun. Les trois épisodes d’origine, Captain America #286 à 288, datent de 1983, mais la réédition est sortie en 1993. Le style de Mike Zeck a évolué et, surtout, il s’encre lui-même, recourant à des traits épais pour les ombres autour des muscles (comme les couvertures de Deathstroke, qu’il réalise chez DC vers les mêmes années, en témoignent). À l’intérieur, les trois chapitres sont publiés à la suite, sans séparation, mais avec quelques coupures puisque les subplots consacrés à Bernie Rosenthal ou à Nomad ne sont pas reproduits, une habitude de l’époque en lien avec la volonté de se consacrer au récit réédité, de le sortir de son contexte. Certaines pages sont légèrement agrandies et remontées (celles qui contiennent soit un titre soit l’annonce du prochain épisode) et recolorisées à l’occasion : on passe donc de la trame d’époque à des aplats évoquant plutôt les versions françaises. À la fin du recueil, une page présente, en petit, les trois couvertures d’origine agrémentées d’un design émanant de Rich Buckler, datant de 1974, période de lancement de la première série Deathlok. Bref, un recueil d’un autre âge, les Américains n’en font plus, des bouquins pareils.

Le principe est simple : le mystérieux personnage appelé Godwulf renvoie Luther Manning dans le passé à la poursuite de Deathlok (que les lecteurs ont déjà vus dans le « présent », notamment au détour d’un Marvel Two-in-One dessiné par John Byrne). Le voyage temporel, on connaît, et le renvoi dans le passé afin de changer l’histoire, c’est déjà le prétexte du légendaire « Days of Future Past » dans Uncanny X-Men. Cependant, on remarquera que ces trois épisodes, s’ils ne proposent pas une intrigue totalement inédite, l’associe quand même à des éléments qui seront bientôt immortalisés à l’échelle mondiale par le cinéma. En effet, ici, on a un cyborg qui voyage dans le temps en provenance d’un monde post-apocalyptique imminent. Ça rappelle, bien entendu, les aventures de Kyle Reese dans le monde de Sarah Connor, mais Terminator, le film de James Cameron, ne sortira que l’année suivante, en 1984.

Donc, Steve Rogers croise le chemin de Luther Manning, et Captain America se retrouve bientôt à l’aider, dans cette logique où le héros cherche d’abord à parler avant de cogner. À la fin du chapitre, les deux alliés tombent sur Deathlok, le cyborg à l’allure de cadavre zombifié.

Le deuxième chapitre nous apprend que le Luther Manning que nous suivons depuis le début est le clone de l’original. Le scénariste, Jean-Marc De Matteis, s’amuse avec les voix off, dans la tradition proposée par Rich Buckler. Les pages sont donc rythmées par les échanges entre la voix de Luther, professionnelle, inquiète, aux aguets, et celle de 'Puter, son ordinateur embarqué. Dans le deuxième volet, l’assaut qu’il a subi a déréglé le programme et les échanges prennent une tonalité humoristique et surréaliste. C’est assez bien joué.

À la fin de l’altercation, Luther et Deathlok entrent en contact et les souvenirs du premier affluent dans l’esprit du second, ce qui lui permet de recouvrer sa conscience.

Le troisième volet voient le héros patriote et le cyborg à nouveau complet faire un bond par le passage temporel caché dans le métro, et porter la lutte dans l’avenir inquiétant qui se profile. De Matteis et Zeck racontent la mission commune au super-soldat du présent et au super-soldat du futur, durant laquelle Cap se pose en chef de la résistance à nouveau.

Si le dessin de Zeck fait merveille (même dans le troisième volet, plus rapidement réalisé que les deux autres), l’histoire a du souffle et prend le temps de s’interroger sur l’humanité du cyborg. Ou Captain America comme révélateur du potentiel des autres.

La dernière page de l’album jette un coup de projecteur sur la série Deathlok contemporaine, et notamment sur la saga « Cyber Strike » dans les numéros 31 à 34. La sortie du recueil contenant les trois épisodes (tronqués) de Captain America est sans doute justifiée par cette actualité à l’époque.

Jim

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