RÉÉDITIONS MARVEL : TPBs, omnibus, masterworks, Epic…

(Oups, j’avais un brouillon qui traînait ici, je pensais avoir posté.)

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Comme je le mentionnais à la fin d’un (plus ou moins) récent post sur la série Excalibur version Tini Howard et Marcus To, la réapparition du personnage de Pete Wisdom m’a donné envie de me replonger dans la série Captain Britain and MI:13, écrite par Paul Cornell et (majoritairement) dessinée par Leonard Kirk pendant un peu plus d’un an en 2008-2009.

La série a été collectée dans la foulée en trois TPB (des plus fins, une réédition en un seul volume ne ferait pas de mal) : le premier estampillé Secret Invasion, tie-in de l’event du même nom, reprend les quatre premiers numéros, soit l’arc « The Guns of Avalon », puis Hell Comes to Birmingham (#5-9) et Vampire State (#10-15 + un annual). Seuls les cinq premiers numéros ont été traduits en VF par Panini (en kiosque), dans Secret Invasion (Marvel Monsters) n°2… et oui, si vous avez bien suivi, cela veut dire le premier arc et le premier numéro seulement de l’arc suivant.

Si le MI:5 est la section des services secrets britanniques chargée de la sécurité intérieure du Royaume-Uni et le MI:6 sa branche tournée vers l’extérieur, le MI:13, imaginé en 1999 par Warren Ellis dans le cadre de son run sur Excalibur, est l’unité chargée des affaires surnaturelles. La section est dirigée par Peter Wisdom, un mutant également créé par Ellis quelques années plus tôt dans la même série.

Scénariste briton jusqu’au bout des ongles, ayant surtout officié sur différentes déclinaisons de Doctor Who (romans et nouvelles, comics, et quelques épisodes télé proprement dit, dont l’excellent diptyque Human Nature/The Family of Blood, nominé pour un prix Hugo et qui me met les yeux humides à chaque fois que je le revois), Paul Cornell avait déjà eu la charge, en 2007, d’animer le personnage et son équipe dans le cadre d’une mini-série de six numéros simplement titrée Wisdom, sortie sous le label MAX. Comme il se doit sous ce label, le titre série fleurait alors le mauvais esprit et la testostérone.

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L’année suivante Captain Britain and MI:13, titre « mainstream » et donc un peu plus « sage », s’ouvre avec une équipe presque entièrement renouvelée par rapport à l’incarnation précédente. Les Skrulls attaquent la Terre en force (l’Invasion Secrète n’ayant plus grand chose de secrète à ce stade), et ils concentrent (étonnamment) une partie de leurs attaques sur la Grande-Bretagne. Pourquoi un tel « régime de faveur » ? À cause de la magie, bien sûr — et du lien privilégié de la perfide Albion avec Avalon / Hors-le-Monde, qui fonctionne comme un « inconscient national » pour les Britanniques (un inconscient sacrément médiéval, comme pestait Pete Wisdom en 2007).

Le MI:13 mène donc la résistance sur deux fronts, occasion de présenter la nouvelle mouture de l’équipe : tandis que Wisdom mène à Hors-le-Monde un commando composé notamment de Captain Britain et Spitfire, Dane Whitman, le Chevalier noir, mouline de son épée d’ébène dans les rues de Londres aux côtés de l’armée — et d’une femme-médecin, le Dr. Faiza Hussain, qui va se retrouver dotée de pouvoirs (dans des circonstances qu’on qualifiera pudiquement de peu claires).

En dehors de cet aspect de présentations, ces quatre premiers numéros ne sont pas d’un intérêt majeur : la série souffre alors de son caractère de tie-in, et il est difficile de ne se défaire d’une impression de bourrinage et de brouillon, dans un récit contenu dans un nombre de numéros trop court pour ses ambitions. Heureusement, les choses ne s’arrêtent pas là.

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Le deuxième arc, « Hell Comes to Birmingham », monte le niveau alors que le MI:13 doit commencer à gérer les retombées de l’action qu’a dû entreprendre Wisdom afin de se trouver des alliés suffisamment puissants pour affronter les Skrulls : un Duc de l’Enfer a ainsi établi sa résidence à Londres, faisant tomber sous sa coupe tous les habitants d’un immeuble auxquels il promet en échange la réalisation de leur plus cher désir. L’équipe s’enrichit par ailleurs de l’arrivée de Blade, de retour au pays natal. Ses relations avec Spitfire — alias lady Jacqueline Falsworth, ex-membre des Invaders et bolide vampire (suite à d’obscures histoires de transfusions de sang nées de la plume de Roy Thomas dans les années 70) — s’avèrent vite… compliquées — selon la formule classique et éprouvée « on essaye de se tuer jusqu’au moment où on se roule des pelles ».

Mais c’est surtout sur « Vampire State », son dernier arc mais aussi le plus étendu, que Captain Britain and MI:13 donne son meilleur. L’arc vaudra d’ailleurs à son scénariste une autre nomination pour le Prix Hugo. Même si les intrigues ne sont pas exactement comparables, à le relire en 2019, il est difficile de ne pas penser au récent arc des Avengers « War of the Vampires » et c’est peu dire que la comparaison ne se fait pas à l’avantage de Jason Aaron.

Ici Dracula se lance à la conquête de l’Angleterre pour en faire une « nation pour les vampires », avec quelques plans de nettoyage ethnique au passage (Cornell réutilise le background anti-islamique du Dracula « historique » dans une série où il fait d’une femme musulmane voilée la dernière porteuse en date d’Excalibur, le message d’ouverture est clair sans avoir besoin d’être asséné par des grands discours). Les attaques pleuvent (quasi littéralement) sur les membres de l’équipe, tandis que Jac reçoit la visite de son fils, vampire inféodé au « Maître ». S’engage alors entre le MI:13 et les suceurs de sang un affrontement où chacun rivalise de coups d’avances par rapport à l’autre.

Le plus étonnant peut-être est que l’on sent bien que la série a été écourtée, vraisemblablement par décision éditoriale, pour en arriver là : comme l’un des personnages le fait remarquer, le choix de Wisdom à la fin de « Guns of Avalon » aurait dû avoir de plus nombreuses conséquences (et aurait pu alimenter une série régulière) ; néanmoins, malgré ce changement de braquet un peu brutal, Cornell a planté suffisamment de graines dans les neuf numéros précédents pour pour leur faire porter du fruit avec succès dans cette dernière ligne droite avec une impression de forte cohérence.

« Vampire State » concentre le meilleur de Cpt. Britain and MI:13 : une capacité à jongler entre fantasy délirante (et over the top) et intrigue d’espionnage évoquant presque par moment le « réalisme » d’un Greg Rucka, des personnages attachants aux interactions travaillées et prenantes, un scénario roublard où l’affrontement se joue à qui dévoilera avoir le plus de coups d’avance sur l’autre, et une certaine conception de la culture anglaise, « un mélange de sitcom et de tragédie que les autres ne peuvent pas vraiment comprendre ».