RENDEZ-VOUS AVEC X : LA CHINOISE (Régis Hautière / Grégory Charlet)

Je l’ai lu tout récemment ce tome.
En tant que premier opus de la collection, il présente les personnages (Patrick Pesnot et son « gorge profonde »), à l’occasion d’une scène (dont une partie est présentée plus haut) dans laquelle les principes fondamentaux sont redéfinis : Monsieur X est le porte-parole d’un groupe d’experts de l’espionnage (là où, dans l’émission, il est seul me semble-t-il) et propose des rendez-vous dans l’anonymat de la foule (l’émission avait proposé un décor récurrent, des bureaux d’une société d’import-export sur les quais d’un port commercial, même s’il me semble que certains épisodes laissaient supposer d’autres lieux de rencontre). Cette mise au point, à l’aide de scènes de foule et de bulles sans queue, permet de justifier le fait que l’espion connaisse plein de choses, même remontant à des périodes qu’il n’a pas pu bien connaître, et inscrit la série dans une thématique wikileaksienne dans l’air du temps.

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Passée cette mise au point (elle-même précédée d’une scène d’introduction située dans les années 1980), le lecteur est projeté au cœur de l’intrigue, dans le Pékin de Mao des années 1960, où un comptable d’ambassade se prend d’amitié pour un acteur de théâtre, spécialisé dans les rôles féminins, jusqu’à ce qu’il découvre qu’il s’agit d’une femme. S’ensuit une idylle qui les met en danger tous deux, et quand son amante est menacée, il propose aux autorités chinoises d’échanger des secrets diplomatiques contre la sécurité de son aimée. L’histoire, souvent surnommée « Mister Butterfly », annonce des retournements de situations et un destin brisé par le mensonge et l’impitoyable machine étatique.

Au dessin, Grégory Charlet, dont j’avais déjà apprécié le travail dans Le Carrefour chez Bamboo, signe des cases épurées (parfois un peu trop), où évolue des personnages à la caractérisation physique sans faille. Visiblement, il travaille au crayon, et certaines colorisations écrasent un peu son trait. Les protagonistes sont expressifs et assez beaux, et le dessinateur s’ingénie, dans ce récit d’espionnage reposant sur une ambivalence sexuelle évidente, à conférer à beaucoup de ses personnages (et pas simplement l’acteur / actrice) un caractère androgyne affirmé. C’est assez surprenant, le récit étant encadré par l’apparition de deux silhouettes féminines dont l’affirmation du genre semble presque en décalage par rapport à l’indifférenciation au cœur du récit.
Si le trait de Charlet confère à l’ensemble une intimité et une humanité évidente, il manque peut-être une dimension spectaculaire au récit. Peut-être aurait-il fallu une entrée plus spectaculaire visuellement à cette collection. Même si l’on sait que l’espionnage (surtout en coulisses) est bien souvent affaire de patience et d’immobilité.

Jim