J’ai quelques recueils dépareillés de Rogue Trooper, et je viens de finir de lire The Future of War, qui reprend les tout débuts de la série (avec une numérotation « 1 » qui laisse entendre que c’est une collection intégrale) sous une jolie couverture de Cam Kennedy.
Le principe de la série est simple mais brillamment ingénieux : le personnage fait partie d’un corps de soldats génétiquement modifiés (les « GI », pour « genetic infantryman »). Mais leur première grosse mission a mené à une catastrophe, l’ensemble du corps étant décimé, à l’exception d’un homme.
Le code génétique de ces soldats est stocké et leur mémoire est archivées dans des puces électroniques : quand ils meurent, la puce est récupérée à la manière d’une plaque d’identité militaire afin d’être placée dans un nouveau corps. Bien entendu, avec l’ensemble des soldats tués, sauf un, le retour à la base est problématique, d’autant que soldat en question n’a aucune envie de revenir, hanté par l’idée de continuer la guerre. Comble de l’ironie, il est parvenu à sauver trois puces électroniques de ses camarades, qu’ils a placées dans son fusil, son casque et son sac dorsal. C’est donc quatre soldats qui avancent sur la ligne de front, un petit escadron à lui seul. Les puces ont une fonction de synthèse vocale, ce qui permet des échanges.
La série est lancée par Gerry Finley-Day, un scénariste prolifique et assez doué pour les récits d’action, qu’il peut mener sur un ton déconnant à la Pat Mills (qu’il remplace sur la série Invasion, par exemple, pilier du tout début de 2000 AD) ou sur un ton plus sérieux, construisant des petites fables existentielles en temps de guerre, qui ne sont pas sans rappeler les meilleures inspirations de Robert Kanigher. Le personnage est créé graphiquement par Dave Gibbons, dont le style est déjà bien assuré à l’époque. Il sera épaulé par Colin Wilson, déjà un peu influencé par Jean Giraud, mais qui met de très belles lumières dans ses dessins, si bien que l’on songe un peu à Michael Golden. Ensemble, ils assurent une bonne partie de ce recueil et posent les bases de l’univers graphique, avant d’être relayés par Mike Dorey, Brett Ewins, Eric Bradbury ou Cam Kennedy.
L’action se passe sur Nu-Earth, une planète lointaine où s’affrontent deux camps pour une guerre tellement longue qu’elle a perdu toute signification (en tout cas, les auteurs s’ingénient à ne pas en fournir, renforçant le côté absurde de la situation). Ceux du sud (auxquels appartient le personnage) et ceux du nord évoluent sur une planète désormais dévastée, rongée par les polluants et les gaz chimiques qui rendent irrespirable la surface. Guerrier génétique, le héros peut avancer sans problème, et il croise sur son chemin différents groupes. Au fil des récits, les explications et les flash-backs viennent éclairer le passé du soldat et de ses trois compagnons numérisés. Et les auteurs rajoutent une information : le massacre des soldats génétiques a été orchestré par un traître qui a vendu l’information au camp ennemi.
Découvrir et abattre le traître devient le fil rouge de la série. Finley-Day et ses dessinateurs, s’ils maîtrisent parfaitement leur sujet, excellent surtout quand il s’agit de récits courts, où le GI intervient souvent comme observateur, sortant de sa réserve à la fin de l’histoire. Le diptyque des « Rookies » est particulièrement réussi à ce niveau. Le premier épisode de Cam Kennedy, axé sur deux profiteurs de guerre qui récupèrent le matériel militaire pour le revendre, est une petite pépite aussi. Quant au scénariste, même s’il fait le choix d’avoir des sudistes débordés et des nordistes sadiques, il ne manque pas d’imagination pour lister les horreurs de la guerre et les extrémités auxquelles les belligérants se livrent.
Jim