Je jette toujours un œil sur les albums de la collection « Sept ». J’ai la première saison en entier, assez inégale, et du coup je picore, au hasard de mes rencontres, sur les deux autres, souvent guidé par le nom d’un scénariste, par exemple.

Cette fois-ci, j’ai lu Sept Héros à cause du thème (les super-héros) et du dessinateur, Philippe Briones, que j’aime bien en général et que je ne vois pas souvent en franco-belge (pas assez à mon goût, en tout cas).
Je ne reviendrai pas sur les qualités du récit, évoquées par d’éminents commentateurs un peu plus haut. Effectivement, le scénariste, Mathieu Salvia, dont je ne connais pas d’autres travaux, a l’intelligence rusée de présenter un groupe de personnages âgés. Dans le feuilleton à glissement temporel que sont les grands univers de super-héros américains, la vieillesse est constamment repoussée à plus tard, les cas de vétéran se limitant peu ou prou aux membres de la Justice Society. Ici, les auteurs nous montrent des gens possédant des pouvoirs mais dont la jeunesse et l’énergie ont disparu. Première jolie entorse aux codes.
Ensuite, par le biais du personnage de Gerardo, Salvia tient un discours un peu « méta » sur la nature de la mission des héros costumés. Ceci se mêle aux souvenirs douloureux de Hector, qui a renoncé à son don, pour composer une vision assez nouvelle du genre. Un peu à l’image d’Idoles et des travaux de Serge Lehman, c’est encore une preuve que la bande dessinée franco-belge a des choses à dire sur les super-héros, appliquant un regard différent (toute proportion gardée, un peu à l’image de la vague anglaise des années 1980-1990) sur le genre.
Chose intéressante, le dessin est confié à Philippe Briones, un dessinateur français qui s’est illustré sur de nombreuses séries chez Marvel ou DC (sa prestation récente sur Aquaman témoignait d’un enthousiasme évident). Et pour le coup, cela renforce l’effet de contraste. En effet, il apporte un style marqué par la bande dessinée d’outre-Atlantique, là où Emem ou Gess accolait leur sensibilité franco-belge au genre. Résultat, Sept Héros a l’apparence d’un comic book, les codes des super-héros, et le décalage induit par l’âge et la situation des protagonistes apparaît avec encore plus d’évidence.
Rajoutons à cela que Briones signe ici des planches vraiment splendides, accordant beaucoup d’attention aux expressions faciales et aux sentiments de ses vieux héros. Les couleurs de Romain Huet sont également d’une grande sensibilité, tout en étant particulièrement narratives (les effets pyrotechniques de la séquence de fin sont particulièrement réussies).
On pourra peut-être reprocher au scénario d’abandonner en cours de route des personnages périphériques intéressants (le directeur ou d’autres), de ne pas donner d’explications détaillées sur l’absence d’autres héros (pourquoi cette génération et pas les suivantes ?), et de ne pas renforcer le sentiment d’urgence induit par les dialogues, mais ce sont des détails face à la réussite de l’ensemble.
Enfin, petit appeau à Blacki : il y a un chaton rouquin tout mignon.
Jim