SHERLOCK HOLMES - DÉTECTIVE DE L’ÉTRANGE (Xavier Mauméjean)

C’est un bouquin réjouissant et savoureux.
Mauméjean, reprenant à son compte diverses théories et visions de la fiction, s’appuie sur l’idée qu’une fiction située dans un lieu réel implique une superposition de deux mondes. Dans le cas de Holmes, la superposition du Londres réel (avec son histoire et sa croissance géographique) et du Londres fictif (il précise que Baker Street n’a jamais eu de 221B à l’époque de la rédaction des récits). Ce faisant, il pose les bases d’un bouquin qui va aborder Holmes comme personnage de fiction dont la vie est retranscrite pas son biographe officiel, Watson.
Jouant sur le fait que Watson ne dit pas tout (importance des « untold stories ») et arrange les faits, Mauméjean parvient à garder un cap subtil, naviguant entre réalité et fiction. Utilisant une notion philosophique que je découvre (le lemme de Kant), il décrit comment Holmes est sorti du corpus doylien pour pénétrer dans d’autres fictifs (chez Edgar Rice Burroughs, chez Maurice Leblanc). Dès lors, tout en citant les titres et les années de publication (ce qui revient à reconnaître les nouvelles et romans en tant que tels, à savoir des œuvres de fiction), l’auteur s’ingénie à décrire chacune des œuvres non-doyliennes où apparaît Holmes comme une confirmation, une infirmation ou une nouvelle thèse par rapport aux éléments « biographiques » fournis pas Holmes. En gros, les textes cités sont présentés à la fois comme des fictions (pour nous) et des compléments biographiques (pour Holmes). Et Mauméjean parvient à garder le cap, dans un élan assez proche de ce qu’on peut trouver dans certains bouquins des Moutons électriques (je pense spontanément au Cthulhu de Patrick Marcel…).
Et donc, de passer en revue les rencontres avec les autres grands personnages (bien entendu, Philip José Farmer n’est jamais loin), les explorations d’autres univers (de la jungle à Mars…), etc etc. Le tout dans une volonté de montrer comment la figure de Holmes se répand, se complexifie, s’impose, mute à la suite de toutes ces rencontres et fait muter les univers qu’il fréquente. Le tout dans une logique bien entendu proche de tout univers partagé (de comics au premier chef…), avec ses cross-overs, ses mondes alternatifs…
C’est brillant, astucieux, écrit avec un sérieux persillé d’ironie et de décalage. Et surtout, ça donne envie de lire ou relire tous ces bouquins qui sont cités car là, pour le coup, l’auteur fait la démonstration d’une érudition copieuse.

Jim

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