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Je viens de lire le premier arc (les quatre premiers épisodes) et personnellement, j’aime beaucoup.
Alors je l’ai déjà dit, je suis pas méga fan de Scalped. Je veux dire, j’aime bien, c’est sympa, mais c’est écartelé entre une réputation surfaite et une intrigue somme toute assez bourrine. Cette tension, personnellement, me rend la série assez pénible dans le sens où je trouve que le nappage « sérieux » (la caution indienne, la légère touche de surnaturel ou d’hallucination, l’inscription dans une perspective historique) n’accouche au final que d’une souris (une enquête qui se conclut en duel bas du front). Rajoutons à cela un dessin qui masque ses faiblesses par beaucoup de noirs (ça texture, ça remplit, c’est assez joli, mais ça ne tient pas sur un épisode…). Bref, j’aime bien, mais pour moi, c’est du comic pop-corn. Qui s’oublie assez vite.
Ce que j’aime bien dans Southern Bastards, c’est que, justement, c’est vendu comme un truc bourrin, presque premier degré. Cette mise à niveau des intentions et du résultat me semble rafraîchissante. On nous promet une histoire hard-boiled dans un état du sud, et au final, c’est ce qu’on a, un roman noir chez les ploucs.
Il est à craindre que tous les gens qui, contrairement à moi, apprécient certains ambitions de Scalped et sont sensibles au discours social soient un peu déçus par Southern Bastards, mais franchement, ce serait à tort.
C’est très bien écrit, il y a un rythme excellent, les scènes de silence (solitude, dépression…) sont super bien amenées, les bastons sont très bien rendues, les dialogues font mouche, l’argot (le fameux « I reckon », intraduisible à moins de s’en remettre à des périphrases…) est bien utilisé. Même les scènes de sport (qui m’enquiquinent et me dépassent totalement…) sont pertinentes. Les cases rouges, mélange de flash-backs et d’hallucinations marquant les regrets, les secrets et les hontes, sont utilisées d’une manière très BD, et là, c’est un gros point fort par rapport à Scalped qui, à part de très rares exceptions sur l’ensemble de la série, n’est qu’une succession de cases, l’expression la plus simple de ce média. La caractérisation est nickel, avec ce qu’il faut de caricature pour faire fonctionner la machine. Du roman noir, du Mickey Spillane ou David Goodis d’énième génération.
Et graphiquement, ça tabasse. Jason Latour, je l’avais déjà vu dans The Expatriate, et j’avais trouvé son trait dynamique et riche. Là, je suis encore plus impressionné. Il travaille au trait, justement, pas à la masse noire. Donc il est obligé de tout dessiner sans rien (ou presque) pouvoir dissimuler. Du trait à nu, en somme, qui se dévoile. Et le résultat, c’est quelque chose d’ultra nerveux, de tendu à souhait, avec des positions naturelles et un mouvement spontané, des personnages dans des attitudes très vivantes. J’ai l’impression de voir la justesse de trait d’un Kieron Dwyer (que je considère comme l’un des meilleurs dessinateurs actuels, tout confondu…). La mise en couleurs, qui fonctionne avec des camaïeux en aplats, renforce cette fausse simplicité et, pareil, ne dissimule rien. Je trouve ça infiniment meilleur que Guéra.
Bref, ouais, joli coup de cœur pour ma part. Je ne m’y attendais pas : le sujet (les enfoirés du sud, ça donne pas envie…) et la perspective de retomber sur la fibre d’Aaron qui m’emballe le moins (je fais partie de ceux pour qui sa grande réussite, c’est Wolverine and the X-Men) m’a amené à traîner, à repousser la lecture à plus tard. Mais là, je vais me prendre le TPB, sans souci.
Jim