SUPERMAN : MAN OF STEEL t.1 (John Byrne, collectif)

Disons que si tu préfères les derniers Fantastic Four qu’il a faits au premiers, tu vas aimer. Si tu préfères les premiers (mettons, de ses débuts en solo au procès de Reed, à la louche), tu trouveras ça décevant.

Grosso modo, Byrne semble tiraillé entre deux tentations : moderniser tout et rester dans un cadre traditionnel (curtswanien, dirons-nous pour faire vite). Cela donne des récits en un épisode (à part la micro-saga avec Darkseid, que l’on trouve déjà dans l’album La Légende de Darkseid, pour donner une idée), souvent bouclés par des explications bien tassées dans la dernière page (défaut déjà apparent dans certains de ses derniers Fantastic Four), et sans réelle conséquence. Byrne a toujours des idées progressistes, mais je les trouve parfois maladroite. Par exemple, dans ses Fantastic Four, tout son run tourne autour de Sue, qu’il décrit comme une femme puissante, intense, dont la force vient notamment de sa compassion et de ses sentiments de mère : en comparaison, sa Lois est une sorte de virago, de tornade en perpétuel mouvement mais sans aspérité sympathique. De même, Byrne avait réussi quelques épisodes formidables, notamment celui avec le fan de Johnny qui s’immole, un sommet d’émotion. Parallèlement, dans Action et dans Superman, il livre très tôt deux épisodes avec des handicapés, et si l’intention est louable, le discours est lourd dans les deux cas. En revanche, il réussit des pages formidables sur l’homosexualité avec le personnage de Maggie Sawyer (notamment lors de deux confrontations, l’une face à Luthor et l’autre face à Turpin), et là, on retrouve le scénariste subtil.
Grosso modo, question rythme, les épisodes auraient pu naître dans la période pré-criais, tant ils rentrent dans le moule de ce qui précède. Ça pourrait être du Cary Bates : des idées SF saugrenues, résolues par des explications à base de techno-blabla, le tout sans que cela impacte réellement sur le personnage.
Au bout d’un an, ça commence à s’énerver un peu. Les récits se font plus longs. La fin, avec une Supergirl d’un univers alternatif, est vraiment très chouette. En plus, Byrne s’éclate graphiquement : ses deux derniers Superman sont construits en doubles pages, ça le fait.
Chose paradoxale, quand la série commence à trouver son rythme de croisière, on note que ça correspond au moment où Byrne ramène des éléments anciens. Ça commence avec Mxyzptlk, ça continue avec Superboy et la Légion, qui sert d’ailleurs de socle à la confrontation avec un Zod alternatif, un Luthor alternatif, tout ça. Et là, on sent bien qu’il est tiraillé entre l’envie de moderniser et l’envie de jouer avec les vieux jouets.
Pour ma part, ses Superman, que j’aime bien par ailleurs (mais en fait, je préfère les Action Comics aux Superman : tant qu’à avoir des histoires d’un seul épisode, autant profiter d’une formule « team up » qui se prête à cet exercice), constitue la période où il entame son déclin. Ses histoires sont moins brillantes et moins progressistes, ses personnages sont moins beaux, ses décors sont moins fouillés, et si sa narration est vraiment au top, la variété des cadrages en pâtit.
D’une certaine manière, ce qu’entreprennent Wolfman et Ordway à la même période est plus intéressant : les aventures sont plus longues, il y a des fils rouges tendus à long terme, ils apportent des personnages qui seront pérennes (le professeur Hamilton).
Après, j’ai toujours estimé que ma partie préférée se situe entre le départ de Byrne et la fin de règne de Carlin (grosso modo, de « Exile » à « Death of Clark Kent », peu ou prou). C’est là selon moi que la série s’envole. Byrne a fait un gros boulot (avec Wolfman) de fondations, posant les bases pour une version qui allait résister au temps, mais ce sont d’autres qui ont construit les plus beaux étages, là encore selon moi.
Reste une lecture très agréable, plein de chouettes moments, avec un dessin qui, s’il est moins bon, reste quand même très plaisant (surtout avec Kesel à l’encrage). Et puis, c’est un tournant avec une valeur historique incontestable.

Jim