TAG - THE CHASING WORLD (Sono Sion)

L’année 2015 est décidemment très chargée pour Sono Sion (veut-il rafler à Takashi Miike le titre de « L’homme qui tourne plus vite que son ombre ? » :wink: ).
Après Shinjuku Swan et Love & Peace, voici le premier teaser de The Chasing World (ou Tag).
À la base, The Chasing World est un roman de Yusuke Yamade déjà adapté à 6 reprises au cinéma depuis 2006. Pour sa version, Sono en change le concept et organise un massacre de jeunes étudiantes (dans le roman et les films, des personnes portant le même nom de famille et le même groupe sanguin étaient pourchassés et tués).

[quote]DATE DE SORTIE PREVUE

11 juillet 2015 (Japon)
Indéterminée (France)

REALISATEUR & SCENARISTE

Sono Sion, d’après le roman de Yusuke Yamada

DISTRIBUTION

Reina Triendl, Mariko Shinoda, Erina Mano…

INFOS

Long métrage japonais
Genre : action/horreur
Titre original : Riaru onigokko
Année de production : 2015
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Le teaser :

J’avais parlé de « Tag » à la radio il y a quelques mois ; j’ai revu le film la semaine dernière, et décidément c’est une sacrée claque, qui souffre sans problème un deuxième visionnage, et plus encore.

« Tag » a été conçu au plus fort du tourbillon créatif frénétique qui semble porter Sono Sion ; jugez plutôt : une bonne grosse quinzaine de long-métrages ces quatre ou cinq dernières années, voilà le palmarès du stakhanoviste japonais. Je n’ai pas vu l’intégralité de ces films, mais quelques-uns quand même : la filmo du cinéaste ne semble pas souffrir de cette surchauffe. C’est en soi un exploit.
Ce film-ci est non seulement un des meilleurs de cette grosse fournée, mais un des meilleurs Sono Sion tout court, à mon sens. Pour avoir une maigre idée du délire ici convoqué, il vous faudra imaginer un mélange digne d’un film à la Alain Resnais scénarisé par Grant Morrison et tourné par Sam Raimi. Ouaip, carrément !! Je brosse ça à gros traits mais y’a vraiment de ça.

« Tag » raconte l’histoire d’une jeune lycéenne qui subit une trajectoire de « coming of age-movie » pour le moins atypique, puisqu’elle semble voyager de réalités en réalités (à la fois ressemblantes et très diverses) pour y être à chaque fois la proie d’une force insaisissable responsable du massacre de dizaines de ses camarades, dans des scènes plus violemment délirantes les unes que les autres (fusillades à l’arme lourde, jeunes filles coupées en deux, que ce soit à l’horizontale ou à la verticale, j’en passe et des meilleures…). Un pitch qui titille les papilles, n’est-ce pas ?

Si en sous-texte Sono Sion poursuit son autopsie acerbe et fortement teintée d’humour noir de la société japonaise, et notamment sa part féminine (il y a un moment de vertige dans le film où l’on réalise subitement que l’on n’a pas vu un seul homme à l’écran), assumant la part paradoxale de son propos (il semble obsédé voire catastrophé par l’hyper-sexualisation, notamment celle des ados, mais il semble s’en délecter en fin érotomane dans le même temps), il sort ici un peu de sa zone de confort.
Une fois que l’on a écarté une première vraie/fausse piste sur la nature des événements pour le moins bizarroïdes et comico-flippants du film, à savoir la piste SF des réalités parallèles, on en vient à devoir appréhender le récit comme l’une de ses fictions où un personnage découvre sa nature fictionnelle au terme d’une sorte de voyage initiatique (c’est le côté Grant Morrison). Ici on explore avec Sono Sion une nouvelle catégorie d’affects en quelque sorte, puisque l’origine fictionnelle du perso principal est plutôt originale (même si on peut penser aux mécanismes narratifs déployés par la série « Westworld ») et s’agrège à merveille avec la part « socio-politique » du récit (féministe) ; dans cette logique, le magnifique et simplissime plan final (un perso qui échappe au cadre-même de la caméra) fait mouche.

Je le répète dès que j’aborde le cas du cinéaste japonais : habituellement, Sono Sion élabore des mises en scène relativement « sobres » au regard de la bizarrerie globale de ses films. Ici, c’est moins flagrant, plus tape-à-l’oeil, pour le meilleur : les effets très « Evil Dead » revisité induits par l’utilisation astucieuse (et pourtant galvaudée par ailleurs) des drones, produisent des plans virevoltants sacrément électrisants… et une bonne dose de gore (c’est le côté Sam Raimi).
Mise en scène azimutée ou plus posée, une constante chez Sono Sion : son art consommé de la narration virtuose ; cet aspect de son travail passe par un sens inouï du découpage et du montage (il travaille toujours avec le même monteur), flagrant même sur ses films les moins forts. Sono Sion pond des transitions et autres montages alternés ultra-astucieux et efficaces, qui contribue énormément à l’effet global procuré par la vision d’un film du japonais, mais aussi au vertige procuré par des récits bien plus profonds qu’il n’y paraît, d’une grande modernité (c’est le côté Alain Resnais). Il faut voir à ce titre ces transitions où différentes actrices, comme chez Bunuel, se passent le relais pour incarner un même personnage, d’une pureté et d’une simplicité bibliques, par le truchement de miroirs.
Cerise sur le gâteau, cet aspect manifestement très travaillé de ses films n’empêchent jamais ce vieux punk sur le retour qu’est Sono Sion d’y aller de son petit caprice « provo gratuite/trash », qui ne vient pour autant jamais plomber le film, mais plutôt booster son côté électrisant.

Vous l’aurez compris, une sacrée baffe dans la face. Et quel talent pour caster les actrices !!