Je l’ai vu et j’ai également passé un bon moment.
Je verrais seulement deux défauts au film. Mineurs, somme toute.
Tout d’abord un défaut sur le fond. Certes, les personnages entourant Tarzan sont des hommes historiques (Léon Rom et son oppression du Congo, George Washington Williams et sa guerre contre l’esclavage), et le personnage de fiction s’inscrit dans une vraie perspective historique (la « lettre ouverte » a réellement existé…). Il n’empêche que la vision de l’Afrique, sorte de continent idéalisé, uniforme et victime, et l’insistance sur les gros sabots des nations colonisatrices, trahit la mauvaise conscience de l’Amérique, et c’est un poil balourd. Rien de grave, mais faut pas l’oublier.
Ensuite un défaut sur la forme, qui tient sans doute à des bidouilles de montage. Mais en gros, le film comprend une première partie assez contemplative, lente, très belle, alignant magnifiques images et portrait silencieux d’un héros déjà blessé, le tout sur fond de savane magnifique. Et soudain, quand l’action commence, ça n’arrête pas, jusqu’à la fin. Il manque, dans la seconde partie, des pauses pour souffler, et pour rééquilibrer un peu la dramaturgie (qui se résume à une course-poursuite). Là également, rien de grave, mais tout de même, un poil plus d’équilibre aurait été bienvenu.
En dehors de ça, le film a plein de qualités. Un héros réticent, qui n’a aucune envie de repartir, à mille lieues du « bon sauvage » que le cinéma nous sert d’ordinaire. Il est en quête d’identité (rapport à la mère), en plein déni, d’une certaine manière il est l’héritier de la version de Lambert. Mutique, il s’exprime par un soulèvement de sourcil, un plissement d’œil ou un grognement. Épatant.
Le récit évite une énième récitation des origines. Ouf. Le passé (naufrage, maison dans les branches, mort d’Alice, couffin, mort du père, enfance parmi les singes) fait l’objet de flash-back qui sont distribués avec finesse, et surtout qui servent à éclairer les différents personnages pour qui ce passé aura été marquant. Et ça, c’est très bien joué, ça pose magnifiquement les tenants du drame qui se joue, c’est très habile.
Le méchant est super classe. Planqué derrière sa moustache, Waltz surjoue un peu, mais moins que d’habitude, et il livre un personnage qu’on pense malingre et inadapté, et qui s’avère doté d’une carrure impressionnante. Un vrai salaud plein de classe. Ça aussi, c’est chouette.
La fameuse « mauvaise conscience de l’Amérique » dont je parlais plus haut amène le scénario à poser un regard clair sur l’esclavage, l’exploitation des richesses, mais aussi à énoncer un discret discours écolo. Le plan sur les wagons chargés d’ivoire est très fort. L’idéalisation de la tribu africaine (je dis « la », parce que justement le travail aurait pu être poussé afin de décrire plusieurs cultures différentes…) est contrasté par la description d’un « rite de passage » qui induit un rapport à la nature sauvage moins idyllique et charmant que celui qui prédomine. Ce discours écolo n’est pas très poussé, mais il est là, c’est intéressant.
Enfin, le film fait le choix d’une pudeur accrue vis-à-vis de la violence, de la mort et du sang. Ah ça, ça meurt, ça souffre, mais on ne le voit pas. Soit par le truchement d’ellipse, soit par le recours à des plans éloignés voire à des hors-champ, on ne voit pas les gens se prendre une balle ou mourir dans les mâchoires d’un crocodile. J’imagine que c’est une manière de s’aligner sur une version « classique » du personnage, sur un cinéma qui jouait à l’époque la suggestion plus que la monstration, mais personnellement je trouve ça très bien, à une époque où l’exhibitionnisme prévaut dans les films à grand spectacle.
Bref, si on sent, une fois de plus, que Hollywood profite d’un sujet pour tenter d’y donner le beau rôle à l’Amérique (donneuse de leçon, alors que, si Opar et ses diamants avaient existé, je pense que la nation américaine se serait précipitée dans les bras du colon belge pour rafler la mise), on a un spectacle visuel épatant qui prend son temps pour faire vivre ses personnages et qui tente d’élever le débat. Plutôt méritant, quoi.
(Reste que, face à certaines scènes où John et Jane retrouvent leurs amis africains, je me suis dit qu’il y a eu une occasion ratée. Je râle souvent de voir des personnages blancs incarnés par des acteurs noirs sans raison valable. Là, je crois que l’occasion aurait été magnifique de proposer une Jane noire. Après tout, son instituteur américain de père aurait pu adopter, et ça aurait été assez magnifique de voir un couple de couleurs - au pluriel - à l’écran. Et j’ai repensé à Tom Strong, et aux territoires qu’il a explorés à la place de Tarzan…)
Jim