Discutez de Terminus Crusoé
Étrange album que ce Terminus Crusoé. On suit un jeune homme, typiquement winingerien, qui ouvre une porte menant à un réduit sous un escalier. Visiblement, il fait ça de manière clandestine, reluquant par-dessus son épaule pour être sûr de ne pas être vu.
Puis il s’enfonce dans les passages souterrains, jusqu’à se perdre dans les anciennes carrières abandonnées, entendant des pas qui le suivent et manquant de mourir soit noyé soit écrasé dans un éboulement. On devine qu’il s’agit d’un écrivain qui prend en notes ses sensations et cherche une inspiration inattendue… ou trop attendue.
Il finit par ressortir plus loin, dans une bourgade de banlieue, où il s’installe en contrebande, remplissant sa gourde aux gouttières voisines, disposant des collets dans les bois avoisinants, errant entre les serres abandonnés et les chantiers en friche (ou l’inverse). C’est là que le récit de cette urbex avant l’heure commence à changer de tonalité. Wininger décrit la solitude d’un exilé volontaire seul dans un monde vide, et un doute apparaît dans l’esprit du lecteur : le personnage dont on nous donne à lire les pensées est-il l’unique survivant d’un monde post-apocalyptique en ruines discrètes, ou bien, simplement, un fou ?
Le doute est maintenu jusqu’au bout, à l’aide d’une alternance entre scènes de survie et hallucinations fiévreuses. L’affaire est tranchée à la fin de l’album, mais entre-temps, Wininger nous aura donné à entendre les propos d’un écrivain à la recherche d’un autre point de vue, d’un angle original, d’une vision nouvelle et décalée du monde. Cela donne une voix off littéraire, parfois trop (même le personnage trouve que certaines corrections sont nécessaires), à la tonalité complètement désarçonnante.
Jim