THE HARVEST (John McNaughton)

[quote]DATE DE SORTIE PREVUE

10 avril 2015 (USA)
Indéterminée (France)

REALISATEUR

John McNaughton (Henry, portrait d’un serial-killer)

SCENARISTE

Stephen Lancellotti

DISTRIBUTION

Michael Shannon, Samantha Morton, Natasha Callis, Charlie Tahan, Peter Fonda…

INFOS

Long métrage américain
Genre : thriller/horreur
Année de production : 2013

SYNOPSIS

Une famille, dont le fils est malade, vit isolée de tous jusqu’au jour où une jeune fille vient s’installer à côté de chez eux. Les jeunes gens se lient rapidement d’amitié, mais la mère du jeune homme, ultra-protectrice, ne voit pas cette amitié d’un bon œil…[/quote]

La bande-annonce :

Il a plutôt bonne réputation, ce film (et McNaughton n’a pourtant pas signé que des perles, remember « Sex Crimes »…), à ce que j’ai lu.
La présence de Michael Shannon au générique est d’ailleurs habituellement bon signe…

Une réussite étonnante que « The Harvest », dans le sens où le film ne s’inscrit absolument pas dans l’idée que l’on se fait de la filmo de John McNaughton. Le film est tout en retenue, à des années-lumière d’un « Henry, portrait d’un serial-killer »…

Je dois cependant admettre qu’à de rares exceptions près, je connais très mal la filmo du monsieur : il y a « Henry » bien sûr, et aussi « Wild Things » (« Sex Crimes », en VF, si l’on peut dire) avec lequel je suis assez sévère dans mon post précédent. Il se trouve que je l’ai revu depuis, et j’ai revu mon jugement dans le même mouvement : le film (que j’avais vu à sa sortie il y a des lustres maintenant) m’a semblé cette fois très fun, et sa putasserie « MTV-esque » post-« Scream » m’a semblé totalement assumée et presque une forme d’auto-critique/auto-parodie.
« The Harvest » ne ressemble ni à l’un, ni à l’autre. La mise en scène se fait classique, dans le sens américain du terme, posée et imprègne une atmosphère et un rythme très particulier au métrage. McNaughton, compétent et expérimenté (quand bien même il a été éloigné des plateaux de cinéma pendant une douzaine d’années), sait aussi construire des moments de tension éprouvants pour les nerfs quand il le faut, avec peu d’éléments à sa disposition pourtant, le film ne basculant jamais dans l’excès ou la surenchère ; le cinéaste excelle dans ce registre « lo-fi » (qui a peut-être finalement donné les meilleurs films d’horreur de ces dernières années, à la réflexion).

Le récit se veut très Stephen King dans l’esprit, le contexte (rural) et les thématiques. Dès le prologue (qui semble totalement anodin ou presque et qui place pourtant d’emblée toutes les figures-clés du film : le base-ball, le milieu médical, la mère anxieuse… et le faux-semblant), on sent qu’on va se glisser dans l’humeur de ce film comme dans une vieille pantoufle confortable, dans le bon sens du terme.
Maryann, une ado qui vient de perdre ses parents, s’installe à la campagne chez ses grand-parents. Elle fait la connaissance d’Andy, jeune garçon malade cloué sur un fauteuil et « prisonnier » de sa maison. Sa mère et son père, respectivement médecin et infirmier, le soigne à domicile. Bien que les deux adolescents se lient d’amitié et que celle-ci semble profiter à la santé d’Andy, Maryann comprend qu’elle n’est pas la bienvenue à la maison, la mère d’Andy se montrant particulièrement hostile à son endroit. Se passerait-il dans cette maison autre chose que la simple prise en charge médicale du garçon malade ?

Il y a beaucoup d’intelligence dans l’exposition du film, ultra-classique comme on l’a dit dans la forme, mais également bâtie comme un vaste faux-semblant. Il expose une situation relativement classique mais y glisse en sous-main toutes les thématiques qu’une série de retournements (deux, en fait) vont illustrer de manière plus frontale. Il y a en permanence comme un double discours dans le film, mais sans que l’un ne souffre de l’existence de l’autre. C’est comme si le niveau allégorique du film gagnait en « concrétude » au fil de récit. Une scène particulièrement riche à ce niveau (et qui marque d’ailleurs le point de bascule du film au niveau tonalité) : la mère, folle de rage, fauche la maigre récolte de maïs, dont la culture était une des rares distractions d’Andy l’enfant malade. C’est évidemment cruel, mais c’est aussi l’illustration littérale du titre du film (la moisson), qui gagnera un autre sens passées les révélations centrales. Et ça fait aussi et surtout du personnage de la mère (interprétée de façon glaciale par Samantha Morton, qui est à la fois détestable et en possible empathie avec le spectateur, chapeau) une faucheuse, littéralement. Le début du film la présente comme une sorte de « vampire » qui se nourrit de l’énergie vitale de son rejeton (alors qu’elle cherche à le protéger… semble-t-il), et la suite précise cette idée et la rend plus concrète. C’est comme ça que le film fonctionne.
Les dialogues du film sont à ce titre particulièrement bien pensés, fonctionnant selon la même logique, à deux niveaux (« je veux rester agressive » dit la mère en parlant du traitement qu’elle a choisi pour son fils, mais on a compris le véritable sens de la phrase…), ou choisissant une épure bienvenue dans le portrait qui est fait des relations entre les personnages (une blague du père sur les médecins en tout début résume les rapports de force au sein du couple).

Le film bénéficie également de son formidable casting, avec deux ados très convaincants (le garçon jouera plus tard dans « Wayward Pines »), et quelques atouts de poids comme Peter Fonda en grand-père aimant et compréhensif et surtout Michael Shannon et sa gueule incroyable à la Boris Karloff (le bougre commence d’ailleurs à aligner une sacré filmographie, au fil des ans…). Il est utilisé dans une sorte d’entre-deux, en quasi contre-emploi même si sa gueule inquiétante joue un rôle dans l’intrigue. Il est au centre d’une scène bouleversante à la toute fin du film, une séquence qui révèle dans toute sa portée complexe et douloureuse l’un des sujets centraux du film : l’acharnement thérapeutique.
Malgré son climat de quasi film d’horreur (même s’il serait anti-démonstratif au possible), le film est malgré tout très lumineux, quoique grave, avec ce plan final (en miroir du prologue, de façon très élégante) aussi simple qu’émouvant, plein d’allant et d’espoir et ce perso de jeune fille intrépide même si elle a été accablée par le destin.
Une franche réussite, aussi attachante qu’aboutie, à la mesure de sa modeste ambition.