1958, New York. À la suite du suicide de son fondateur, le conseil de direction d’une grande entreprise monte un plan destiné à en prendre le contrôle en rachetant les actions de celui-ci à bas prix avant que celles-ci soient mises en vente publiquement.
Les directeurs installent donc à la tête de l’entreprise un jeune et naïf diplômé d’une école de commerce de Muncie, Indiana, afin de faire baisser temporairement le cours de l’action. Une journaliste, envoyée pour en apprendre plus sur cet inconnu, lui cache son identité pour gagner sa confiance. Malheureusement pour le plan des directeurs, l’entreprise rencontre finalement encore plus de succès qu’auparavant quand l’invention du nouveau président, le hula hoop, s’avère un succès fulgurant.
Après le succès critique de Barton Fink (notamment avec la Palme d’or), les frangins Coen sont dans la cour des grands même si le succès public est encore très relatif. En s’associant avec le producteur Joel Silver, leur but est alors d’avoir le financement nécessaire pour un gros projet et de toucher un très large public. Parce qu’il faut des sous pour créer l’univers urbain et fou de ce projet écrit avec un troisième larron en 1985 alors qu’ils habitaient ensemble, un certain Sam Raimi.
De fait, Le Grand Saut, est le film le plus ambitieux des frangins jusqu’alors. Si le film se situe principalement au sein d’un immeuble surplombant la ville, celui ne lésine cependant pas sur la beauté des décors. Immenses bureaux aérés pour les cadres et sous-sols humide, froids (et très « Brazil ») pour les grouillots vont être le théâtre de l’ascension fictive du créateur d’un objet au combien célèbre.
Entre ces deux pôles, une gargote et le bureau du rédacteur en chef d’un journal bien décidé à raconter la vérité sur l’entourloupe en cours. Plus que le décors de l’Arizona, la forêt de Miller’s Crossing ou la chambre de Barton Fink, Le Grand Saut nous montre à quel point le cinéma des Coen est un cinéma s’appuyant sur une richesse visuelle incroyable, moins visible au premier coup d’œil que l’univers Burton mais pourtant bel et bien là, bel et bien primordiale.
La hausse du budget et l’association avec un producteur plus habitué au buddy-movie (et qui aurait bien voulu avoir Tom Cruise dans le premier rôle) n’empêche pas toutefois les Coen de rester sur leur ligne directrice. A l’instar de leur précédent film, Le Grand Saut est une merveille d’écriture, un film extrêmement drôle et une relecture de classique Hollywoodien. On pense à Frank Capra et à des comédies loufoques telle La Dame du Vendredi*.
Tim Robbins campe un être aussi candide que ceux de James Stewart, Paul Newman campe un Scrooge plus vrai que nature et Jennifer Jason Leigh est remarquable en journaliste prête à tout pour avoir son histoire. Au sujet de cette dernière, on ne peux qu’être assez stupéfait des scènes au sein de la rédaction de son journal tant on à l’impression d’y voir celles présentent dans une célèbre trilogie sur un Tisseur new-yorkais. Scénariste du film, Sam Raimi a également tournée la scène de suicide mais ne semble pas s’être occupé de celles du journal, c’est pourtant assez fascinant de voir celles-ci (avec en prime un Bruce Campbell excellent dans un rôle de journaliste bien lourd). On se dit par ailleurs que John Mahoney aurait fait un incroyable J. Jonah Jameson.
Sorti en 1994, Le Grand Saut est un échec et ne rencontre pas son public (à peine 3 millions de dollars sur le sol américain pour un budget estimé à 40 millions). Face à un tel échec, on aurait pu craindre pour la carrière des frères Coen et que ceux-ci allaient revenir aux films à petit budget à destination d’un petit public malgré un succès critique.
Et si on aura raison sur le premier point, le reste sera d’un autre ordre. Deux ans après Le Grand Saut, voila que débarque dans les salles Fargo
*Merci au poto qui m’a soufflé les références