On en causait avec le Doc sur un autre thread, le genre horrifique ne va pas très fort, c’est un constat assez unanime. Autre constat unanime : s’il y a un auteur actuel à sauver dans le genre, c’est bien Rob Zombie, cinéaste inspiré et qui plus est littéralement perfusé à ce type de pelloches.
L’expérience « Halloween II » (un film formidable et supérieur au premier volet, à mon humble avis) ne s’est pas très bien passé : Zombie devait contractuellement un film aux frères Weinstein, qui ont refusé son film de catch « Tyrannosaurus Rex » (un peu à la « The Wrestler » apparemment). Zombie écrit, tourne et post-produit « Halloween II » pour se libérer en quelques mois à peine et se retrouve littéralement rincé à la sortie.
Il ne sait plus trop quoi faire, opte un temps pour une énième mouture du « Blob » (et se ravise en se disant qu’on va le prendre pour un spécialiste du remake de vieux titres), fait connaître son intérêt pour le remake de « Conan » (!), et est approché pour réaliser « Pirate des Caraïbes 4 » (!!!).
Tout ça tombe à l’eau et Zombie préfère partir, échaudé, sur un petit projet original, dont il aura un contrôle total, selon la recette ayant fait ses preuves sur « Insidious » : budget riquiqui mais director’s cut.
Et Zombie d’embrayer sur un nouveau film d’horreur, le fameux « Lords of Salem ».
Verdict : imparfait, le film confirme néanmoins définitivement le talent énorme du hardos.
A la base du scénar’, une idée furieusement rock n’roll mais assez peu vue dans le cadre d’un film il me semble : un disque de « musique sataniste » est diffusé sur les ondes, et réveillent les esprits de sorcières exécutées à Salem à la fin du XVIIème siècle.
Malgré les contraintes budgétaires, Zombie voit grand. Jugez plutôt : le film puise autant chez Kubrick que Polanski, voire Jodorowsky. Le premier pour ses travellings angoissants aux compositions symétriques (papier peint si caractéristique du couloir inclus…) comme aux grandes heures de « Shining » (le décompte des jours de la semaine à l’écran, aussi), le second pour sa peinture de la solitide féminine confinant à la paranoïa et le côté « Rosemary’s Baby » appuyé de l’intrigue, le troisième pour sa tendance au barnum et à la mise en lumière de la monstruosité au sens premier du terme…
Pas vraiment les premiers cinéastes venus.
Du coup, Zombie ne recule devant aucun effet grandiloquent, et ose le « Requiem » de Mozart pour des scènes au final très réussies (les plus impressionnantes visuellement). Sur toute la durée du métrage, et à l’aide de son chef-op’ paraît-il surdoué (ça se voit), il transcende l’étroitesse de ses moyens sans problème.
Que les fans de bon vieux cinoche horrifique se rassurent, Zombie sait d’où il vient et son film fleure bon le gros bis qui tâche (voire même en quelques occasions…le Z), et on peut rajouter aux côtés des cinéastes déjà cités certains grands films « blasphématoires » période Hammer, certains films de Ken Russell, voire quelques bisseries italiennes de la meilleure eau (j’ai pensé à « All the Colors of the Dark » de Sergio Martino, pour le côté secte chelou). Les scènes de bûcher renvoient un peu au final du « Kill List » de Ben Wheatley.
Pas mal de bonnes références, on le voit.
Où est-ce que ça coince, alors ? L’écriture, principalement. Et notamment tout ce qui tourne autour du perso principal, incarné par Sheri Moon Zombie, hélas pas vraiment la meilleure actrice du monde. Un embryon de love-story naze et une vieille addiction à l’héro (pas vraiment gérée), tout ça pue la ficelle un peu usée…
La structure du film tient un peu de l’arbitraire, tout ça n’est pas très solide, structuré, on navigue un peu à vue, malgré une vague sensation de crescendo, pas assez appuyée, malgré le décompte des jours à la « Shining ».
Et puis il y a ces scènes un peu Z, donc, aux frontières du comique involontaire, comme l’apparition d’un nabot où j’ai pas pu retenir un rire, et un brin de provoc ado assez facile (toutes les scènes comprenant un curé…).
Il faut quand même souligner deux points :
- les outrances que j’évoquais à l’instant, je précise qu’elles sont totalement assumées par Zombie, qui n’est pas dupe de ses effets mais a un rapport totalement premier degré au genre, ce qui rend son cinéma terriblement sympathique.
- les (gros) problèmes d’écriture du métrage trouvent en partie leur origine dans le décès de l’acteur Richard Lynch durant le tournage, ce qui a valu à toute la partie « flashback médiéval » de se voir copieusement rognée (des scènes pas tournées, et d’autres, par voie de conséquence, écartées du montage).
Bilan globalement très positif donc, mais l’échec du film (à relativiser vu le petit budget en jeu) fait craindre le pire pour la suite de la carrière de Zombie. Malheureusement.