Je me suis laissé tenter par le long (1 h 10) premier épisode de « The OA », et si mon sentiment est quand même globalement mitigé (vous allez voir, je me mouille pas beaucoup sur ce coup
), l’enthousiasme remporte la mise sur la fin.
Drôle de série, qui marche en permanence sur des oeufs mais dont les prises de risque finissent par séduire…
Je connais de Zal Batmanglij le long-métrage qui l’a révélé, « Sound of my Voice », drame intimiste sur fond d’apocalypse SF, de sectes et de vrai/faux prophète. Doté de solides atouts (notamment cette mise en scène très maîtrisé dans le genre « indé à l’américaine », produisant certes quelques nouveaux clichés mais aussi de beaux plans à la pelle), le film décevait au final à force de trop tirer à la ligne (le syndrome "scénar’ de moyen métrage étiré sur le format long). Il y avait quand même une scène bien bluffante sur la fin, je m’en souviens très bien.
Je ne me suis par contre pas donné la peine de regarder « The East », son deuxième long, qui n’a pas soulevé l’enthousiasme des foules à ce que j’ai capté.
Il s’associe ici à Brit Marling, son actrice fétiche (déjà dans « Sound of my Voice » et par ailleurs scénariste/productrice), pour pondre une série au pitch intrigant : pourquoi pas.
Le pitch intrigant de la série, s’il a son importance (y compris allégorique), pour le premier épisode il ne concerne finalement que les 5 premières minutes. Passé ce point, entre séquences cotonneuses et léthargiques et fulgurantes accélérations et changements de braquet, la série se met à ne plus ressembler à rien de connu. On pense quand même un peu à « Lost », pour le mélange SF ambigüe/fantasy assumée, avec une pincée en plus du feeling indie évoqué plus haut, propre au cinéma et à la sensibilité de Batmanglij (qui signe tous les épisodes de la saison à la mise en scène).
Il y a beaucoup de choses intéressantes dans cette variation sur le teen-movie spleenesque (qui a connu de beaux fleurons ces dernières années, comme « The Myth of the American Sleepover » par exemple) ; a-t-on souvent vu des portraits de grosse brute du lycée fouillés et complexes, par exemple ? Pas souvent. Quelques séquences surprennent dans le bon sens (l’attaque du chien), mais il plane sur l’ensemble, malgré tout le savoir-faire déployé, un désagréable arrière-goût d’absence de cohérence, d’unité. Le story-telling se fait à l’occasion hasardeux, navigue un peu à vue. On perd le focus en quelque sorte, la série cherchant trop à affirmer sa « différence », à ce qu’il semble…
Et puis dans la dernière ligne droite, un quart d’heure avant la fin, les auteurs semblent se dire que quitte à faire dans l’originalité autant maximiser ses effets ; c’est là que l’épisode devient carrément « what-the-fuck ». Le générique se met soudain à défiler (55 mn après le début, donc…), et le récit change brusquement de cadre, et même de genre, dans une enfilade de séquences aussi outrées que finalement impactantes… avant une fin en queue de poisson, qui sent un peu la précipitation.
Eh ben : à défaut d’autres choses, la série peut se targuer d’être surprenante. Elle l’est même dans son format d’ailleurs : certains épisodes de la saison ne feront que 30 mn, d’autres 1 heure… Je dois dire que ce format « asymétrique » me plaît bien, c’est le signe que les séries sont en train de se défaire (trèèèès lentement) du formatage télévisuel.
« The OA » est tellement pas dans les canons télévisuels habituels qu’elle en devient presque automatiquement séduisante, malgré des défauts flagrants ; bien malin par contre qui peut dire à ce stade si la suite sera à la hauteur de cette intrigante promesse ou sombrera dans le trop-plein d’étrangeté pré-fabriquée ; l’une comme l’autre des options sont possibles.