THE TRIAL OF MAGNETO #1-5 (Leah Williams / Lucas Werneck)

Je me disais que ca se rapproche d’une de tes réflexions. A savoir que l’audace se retrouve dans les séries secondaire et oublié.

Et de fait j’ai vraiment l’impression que cela soit ça. Parce que des gros titres comme Batman ou Avengers sont confit dans un immobilisme rageant et/ou un besoin d’être collé à la version audiovisuelle/vidéoludique (surtout pour Batman) là où on a pas ce souci sur d’autres titres

Oui et c’est bien pour cela que je pouvais dire que je ne cautionnais pas ses théories. Campbell apporte plus de flou que d’éclairage, il greffe des éléments superflus et en efface d’autres essentiel.
Pour utiliser Campbell, il faut au préalable en faire la critique.

Pour faire concis et avec des souvenirs anciens et parcellaires, je dirais que la critique de Campbell tient en deux points :

  1. Le monomythe qu’il descelle dans les récits passés n’existe pas. Par contre, il va exister dans le cinéma hollywoodiens.

  2. Ce qu’isole Campbel,l il le dénature en en effaçant une dimension essentielle : le désir, le sexe. Ce dont parle Campbell n’est ni plus ni moins que l’Oedipe de Freud. Perte de l’objet du désir, mise en place de l’interdit sous la forme d’une éthique. Si structurellement, on tient à retrouver ces éléments dans les mythes, il faut alors le reduire à ses éléments minimaux et à sa plus simple expression structurelle : la castration, la perte. Le monomythe Campbellien est la castration retraduite en acte du sujet.

Par exemple, pensons à la tragédie antique. Sa structure minimale est l’acte annoncé, prophétisé, que le sujet cherche à éviter mais qui,ce faisant, crée les conditions de l’acte même qu’il cherchait à empêcher.

Les grecs voyaient dans cet acte, l’action inexorable du destin.

Pour analyser une fiction, il faut chercher à caractériser sa structure et ses effets. Aristote nommait catharsis, le plaisir propre à la tragédie. En étant spectateur de la tragédie, les grecs exorcisaient l’horreur du destin, nous pourrions dire avec Freud qu’ils exorcisaient l’horreur de la castration.

C’est ces éléments que je cherche à amener dans notre réflexion commune sur le genre super héroique (pas forcément Freud, mais tout le reste). Qu’est ce qui est en jeu, quelle structure, quelle « catharsis » ?

Si on réserve le terme de subjectivité à ce que le roman moderne a promu, alors, en effet, le monomythe de campbell ne relève pas de la subjectivité. La subjectivité, telle que précisément le roman moderne l’a promu, ne porte pas sur l’acte, mais sur le désir du sujet. Pour le dire plus clairement, la subjectivité c’est les atermoiements du sujet : est ce que je veux ce que je désire, est ce que je désire ce que je veux ?

Le sujet y apparaît divisé par son désir, ambivalent.

Tu abordes la répétition comme la répétition d’une histoire. Ce n’est pas la répétition pure dont je parle.

La répétion dont je parle est plutôt celle du traumatisme. Freud parlait des névroses de guerre, aujourd’hui on parle de symdrome post traumatique. Le sujet est assailli par la répétition d images traumatiques. C’est cette répétition dont je parle, une répétition qui vient couper l’histoire (la vie quotidienne des sujets) et non la répéter.

En terme de fiction et pour le genre super héroïque, cela donne le fait que qu’importe l’histoire qui avance, qu’importe l’évolution du perso , il en revient toujours au même point, ça se répète.

Nous voyons là que la continuité se dédouble (le double identité du super héros), la continuité est à la fois les avancées continues de l’histoire, les évolutions du perso et le retour au statut quo.

Alors oui et non. Il s’agit de décaler le regard. Qu’est ce que les fictions « à suivre » illustrent à la manière dont la tragédie illustrait l’implacabilité du destin ?

Comme je l’ai répété, si on considère OZ ou the Wire comme paradigmatique du récit « à suivre » et le super héros comme la rencontre du « à suivre » et du perso principal alors, il me semble que le « à suivre » met en scène le non sens de l’acte, son absurdité, sa répétion sans sens ni signification.
Il y a de la subjectivité dans le « à suivre », il y a de l’acte. Si l’acte dans la tragédie apparaît comme extérieur au sujet, inéluctabilité du destin, ironie des dieux, si l’acte dans le monomythe apparaît comme expression du sujet, faisant coïncider son désir et sa volonté par la médiation d’une ethique, alors l’acte dans le « à suivre » s’impose encore et encore au sujet mais n’a pas de sens à la différence de la tragédie.

Plot driven si tu veux, mais « driven » implique que ça va quelque part. Dans le « à suivre », ça ne va nulle part. Juste ça se répète.

Mais non, c’est simple. Le sujet en philo, c’est le sujet cartésien issu du doute méthodique : ce qui reste lorsqu’on retire tout, l’identité, l’histoire, les goûts, les croyances, les savoirs, etc. Une marque minimale.

oui

Sourire.

ça rapporte de l’argent parce qu’on est dans une société capitaliste et que l’argent est le critère. Mais ça rapporte de l’argent parce que les gens y trouvent quelque chose.

Il y a dans le « à suivre » le plaisir de l’inattendu, tout peut arriver et il y a l’illustration d’un non sens, la détresse du sujet face à ce qui s’impose à lui sans qu’il ne le maitrise et que pourtant il reproduit encore et encore. Pour moi, le « à suivre » ne promeut ni l’acte comme la tragédie ou le monomythe, ni la subjectivité, le « à suivre » promeut la pulsion qui se répète imperturbable au grand dam du sujet.

Et du coup, je le dis à la volée, peut être que le super héros n’est rien d’autre qu’une erotisation du « à suivre » par le truchement du perso principal. Une tentative de faire de la pulsion le moteur des aventures du sujets.

C’est possible, mais tu verras que non également. Surtout ce n’est pas cela, pour moi, qui est à souligner dans cette tendance tout à fait constatable à l’abandon de la double identité. Le point intéressant est que cette tendance coïncide avec la tendance à renoncer à la continuité.

Effet jogging, très cher. Plus la transparence s’impose, plus la double identité se repend…dans la population. Et chacun de s’exprimer sous pseudo sur le web.

sourire

un peu de dialectique. L’un des sujets majeurs du run de bendis etait précisément la double identité.

à lire. Définitivement.

Bientôt, bientôt

Nikolavitch parle de « chemins de traverse », je crois.
C’est ce que j’aime dans l’univers DC en post-Crisis : ce sont souvent les séries secondaires qui contiennent les choses qui ont le plus de goût.
Bon, j’adore vraiment l’univers DC entre 1986 et 2000 (pour faire à la louche), et j’aime ce que Carlin fait avec Superman et ce qu’O’Neil fait avec Batman, ça a du souffle, de l’ambition, tout ça. Mais voilà, durant cette quinzaine d’années, il y a eu plein de séries qui méritent le détour et qui sont méconnues. Ostrander a fait sa carrière chez DC sur ce genre de séries, Firestorm, Suicide Squad, The Spectre, Martian Manhunter… Il y a un vrai potentiel aux « petites » séries, celles qui sont moins exposées, qui passent sous les radars mais aussi sous les grosses machines éditoriales…
Mais aujourd’hui, c’est moins possible : on confie un personnage à un scénariste, il reste deux ou quatre ans, il fait son truc. On peut espérer qu’il le fasse sans être emmerdé par les grosses zoum-ba-zoum alentours.
Les temps ont changé.

Jim

mais non. C’est le contraire. Ils sont confis dans une approche prismatique, celle du pitch. Quel point point commun entre les avengers de Bendis, de Hickman, de Waid et d’aaron ? Aucun.

Oui mais tu remarqueras que cohabitent « petite » série qui sont excellentes et les tauliers qui eux-mêmes sont dans une expression artistique dingue. Batman est redéfini par Miller, Superman par Byrne, Wonder Woman par Pérez et chacun crée quelques choses de nouveau qui ouvre des portes.

Aujourd’hui ta des trucs secondaires sympa (bon perso même là je les cherches) mais les grosses séries sont véritablement sclérosées et figés.

j ai dit pas avec la langue !!!

Quand je te lis, nemo, je comprends pourquoi je n’ai eu que 11 au BAC de philo.
Et je suis solidaire de l’ado que j’étais. :slight_smile:

Elle est intéressante, ta réflexion de fond. Mais ça va dans tous les sens,
Ta perception des cycles et de la répétition ; ta démonstration avec Oz, The Wire et n’importe quelle série TV/comics avec un personnage principal , je n’y adhère pas une seconde ; tout comme je ne vois pas dans le « à suivre » les limites auxquelles tu le condamnes par principe.

Rien n’est figé. Une série avec un personnage principal peut très bien être traité comme une tragédie. Il peut être pris dans un destin qui le dépasse, quand bien même il serait le narrateur.

Et la double-identité numérique est un leurre. Il faut être un poney pour ne pas le savoir.

Là où on n’a pas ce souci sur d’autres titres
Heu… Je te trouve bien catégorique… Les titres bons, voire d’exception, il faut gratter pour les trouver.
Et parfois, ça tombe sur un personnage fort présent au cinoche, comme Hulk.
Franchement, Ewing et Bennett jouissent d’une liberté comparable à celle d’un indé, ou d’un Alan Moore sur the Swamp Thing.

Ce que l’on voit n’est pas ce que l’on peut avoir.
En clair, si l’on met des auteurs sur un titre et qu’on leur dit « osez », on peut être surpris.
Bon… si tu dis ça à Hickman, il génocide à donf, et les otaries autour claquent des nageoires.

Vraiment, je t assure, je ne lui donne pas de limite, je cherche à mettre en avant les histoires que seul le «à suivre» peut raconter. Lui et pas les autres formes de fiction. Et on commence à avoir suffisamment de recul pour en savoir quelque chose

Mais il.n.y a pas de perso principal dans the wire et oz. Précisément, hein !

Un leurre qui a des effets. Les gens se lachent, la haine monte, aussi grâce à ça.

T inquiètes, ça infuse peu à peu.

Clin d’œil

La médiocrité ?

Jim

Moi qui désormais picore dans le catalogue, je ne peux que renchérir.

Jim

La répétition formelle (le fait de re-raconter le traumatisme, les origines, les moments de bascule) ou la répétition de l’explication (le flash-back de la mort des parents de Bruce, par exemple ?
Dans les deux cas, j’ai l’impression que c’est un outil narratif qui ne dépasse guère le statut que pouvait avoir la répétition dans les chansons de geste ou chez les troubadours, à savoir une astuce visant à rappeler au public les fondamentaux. À faire revenir dans l’histoire les distraits ou les retardataires. Le « story so far », quoi.

Le statu quo, c’est ça, la répétition, pour toi ? C’est Hulk qui redevient une brute après être passé par l’étape « Docteur Banner » ? C’est Parker qui perd son entreprise et qui redevient un travailleur pauvre recourant à la colocation ?

Oh, on peut rouler sans but, hein.

Revenir au point de départ, ce n’est pas aller nulle part.

D’accord, tu ne m’as pas perdu.
Tu m’as seulement égaré.

Mais ce que les gens y trouvent aujourd’hui n’est pas ce que les gens ont trouvé à Superman en 1938. À une époque où le « à suivre » n’était qu’une conséquence
épisodique, un épiphénomène très rare.

Une fuite en avant ?

C’est très bon.
C’est fatalement un peu daté (il a écrit ça sur le Superman d’avant Crisis, hein…) mais tout à fait applicable dans le contexte éditorial actuel, à condition de nuancer. Mais je rêve d’écouter ce qu’il aurait à dire après le premier Star Trek récent, Days of Future Past ou l’imminent Spider-Man.

Jim

Non non.

Je prenais le traumatisme comme exemple de la forme. La répétition c est simplement ce qui se répète que ce soit l histoire, le statut quo, le retour du méchant etc.

Dans le à suivre, la répétition vient à bout du sens que peut recevoir tout acte. Vaincre pour la millième fois fatalis quel sens cela a t il ?

Tu vois ?

Là je disais surtout que le statut quo c était l autre facette de la continuité.

Oui par exemple. mais c est aussi l event qui va encore une fois changer la donne, c est batman qui depasse enfin pour la dixième fois son traumatisme d enfance.

C est plutôt dans l idée de« plus ça change plus c est la même chose»

Ce n est pas un cercle, c est une spirale, une oscillation. Les boucles se déplacent sur une ligne. Dans got, c est par exemple la succession des petsonnes sur le trône. Ca evolue, mais au final le jeu du trone ne s arrête jamais. Au final (qu il n y a pas), c est vain.

Alors ça, je suis bien d accord. Et c est d ailleurs dans ce sens que je demandais si superman pouvait naitre dans une autre epoque que le vingtième siècle.

Ça ce n est pas une question de structure.

Reste qu en 2060 superman pour etre contemporain devra etre né en 2020. Est ce qu il n y a pas quelque chose dans l imaginaire lié à superman, quelque chose qui s oppose à ça ?

Plutôt comme la dépendance, on dit aujourd’hui l addiction : que je le veuille ou pas, mon fixe m attend.

I can t help it. Je ne peux pas ne pas.

Sourire.

Qu es tu ?

Est ce quand je dis ton nom, j ai dit qui tu es ? Lorsque j ai dis qui sont tes parents, quel est ton métier, ton pays, ai je dit qui tu es ?

Etc

Tu retires tout cela, qu est qui reste ? Ce qui reste, Descartes l a appelé le sujet.

Je sais, merci. :slight_smile:
Tout comme je capte le principe d’une série chorale.
Mais je n’oppose pas « série chorale » à « série avec un personnage principale ».
Imagine un Oz avec Tobias en tant que personnage principal. Ça n’empêcherait pas le show de développer des scènes sans lui, mettant en valeur d’autres personnages. Peut-être que son destin serait davantage mis en lumière, mais il s’intègrerait à celui de la prison.

L’anonymat n’en reste pas moins une illusion.

Rêve. :slight_smile:

Rhaaaa…
J’aurais aimé la faire, mais on m’aurait taxé de méchanceté. :slight_smile:

Ce ne serait pas la même histoire. Ca ne produirait pas les mêmes émotions.

Tu regardes oz, tu te passionnes, puis y a comme une apogée avec la saison 4, puis ça continue, avec d autre. A force tu es saoulé, l amoncellement de mort te dégoûte et ça continue encore.

L effet de lassitude est une composante essentielle de ce qui est mis en scène.