Long métrage japonais
Genre : drame
Durée: 1h27
Année de production : 1995
SYNOPSIS
Tsuda Yoshiharu est un salaryman à l’existence artificielle et aseptisée dans une grande entreprise de Tokyo. Il mène une vie réglée et sans histoire dans un immeuble moderne du centre-ville avec sa petite amie Hisaru.
Sur le chemin qui le ramène chez lui chaque jour, dans les couloirs du métro tokyoïte, il rencontre un ancien ami d’enfance, Kojima Takuji, devenu boxeur semi-professionnel et dont l’univers est aux antipodes du quotidien de Tsuda. Sans raison apparente, Kojima se jette sur lui et le moleste violemment, le laissant presque mort.
Très vite, les deux hommes se revoient et un étrange trio se forme avec au centre Hisaru. Fascinée par la violence de Kojima, la jeune femme d’apparence pourtant fragile se met à provoquer Tsuda, affichant un comportement de plus en plus agressif.
Celui-ci, qui soupçonne une relation adultère entre sa compagne et Kojima, décide d’apprendre la boxe. Il se soumet à un entraînement rigoureux dans l’espoir de prendre sa revanche.
Voilà une autre des perles incontournables de la filmo du monsieur. Film coup de poing (hé hé ; encore que ce soit littéralement le cas, la caméra devient un poing dans ce film), « Tokyo Fist » fut en son temps, à juste titre je crois, cité par Mad Movies comme un des films comic-book les plus importants. Tsukamoto y travaille en effet comme peu une esthétique de la pose guerrière que seuls quelques mangas et comic-books ont poussé à ce point. A la frontière du sublime et du ridicule, Tsukamoto se fait discrètement humoriste pour ce film (même s’il y a quelques traces de son humour très noir dans les « Tetsuo »), mettant en boîte de manière impayable le mythe de la virilité à la japonaise, Tsukamoto étant de ceux qui pensent que les Japonais humiliés dans la défaite militaire n’ont jamais pu récupéré à travers la conquête économique ce qui a été perdu là.
Jean-Pierre Dionnet rapporte avoir demandé à David Fincher si « Tokyo Fist » avait pu être une source d’inspiration pour son « Fight Club » ; Fincher n’a découvert le film qu’après avoir réalisé le sien. Par contre, Chuck Palahniuk, auteur du roman « Fight Club », connaissait le travail de Tsukamoto.
Comme dans « Fight Club » donc, des hommes oppressés par le Tokyo contemporain recherchent à travers la violence exercée aux autres et sur eux-mêmes le sentiment d’être vivants. Thématiquement les deux films divergent à partir de ce constat initial. Celui de Tsukamoto, traversées de visions folles, d’ultra-violence, de romantisme dépité et de grotesque, aboutit à un mélange de sensations uniques y compris dans le corpus tsukamotien.
Le superbe climax en montage alterné est repris tel quel, découpage et cadrages compris, par celui (très beau aussi, d’ailleurs) du « Requiem for a Dream » d’Aronofsky.
Le film est aussi l’un de ceux, avec « Bullet Ballet », où Tsukamoto assume le plus directement une de ses influences majeures, celle de Martin Scorcese. Une référence en trompe-l’oeil pourtant. Car s’il est difficile de faire un film de boxe sans que le nom de « Raging Bull » ne vienne immédiatement sur le tapis, force est de constater que les deux films sont très différents (Tsukamoto choisit la couleur par exemple, revisitant le dispositif mis en place sur « Tetsuo II »). Et Tsukamoto semble totalement étranger à la métaphysique catholique qui travaille Scorcese : il est pourtant passionné par le travail de son aîné, et reconfigure ses thématiques dans un contexte très différent. Mais pourtant, en profondeur, la filiation est là.
Grand film, matriciel de surcroît, un de plus pour Tsukamoto.