TOKYO KILLERS (Natsuo Sekikawa / Jirô Taniguchi)

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J’ai été un peu déçue aussi, je m’attendais à un scénario plus solide et mieux rythmé.

Recueil de récits séparés, de provenance diverses et datant des années 1980, Tokyo Killers associe la description d’un univers urbain, qui sent à la fois l’alcool de l’oubli et l’odeur de la poudre, et le rythme contemplatif des œuvres plus récentes de Taniguchi, celles qui ont fait le succès de l’illustrateur en France, vidées d’action et d’enjeux.

Le recueil s’ouvre sur un récit en couleurs, composé de cases bien souvent verticales (et parfois horizontales) commentées par un texte posé en dessous, comme une légende d’illustration.

Cette partie pose les bases des différents fils rouges donnant de l’unité au recueil : la présence de la mort imminente, le fantôme de la femme désirée mais aussi ennemie, le spectre de l’amour oublié, le décor de ville, à la fois vivant, hostile et écrasant.

Dans cette première partie, le lecteur à la culture comics songera peut-être à Steranko et à sa Marée Rouge, peut-être aussi à Barry Smith (un auteur avec qui ce n’est pas la première fois que je relève une parenté, qui me semble évidente à mesure que je découvre les travaux du bédéaste japonais) pour les cadrage et les immobilités, sorte d’instantanés saisis en plein mouvement et riche de l’agitation qu’ils suggèrent à défaut de la montrer. En extirpant le texte, disposé hors cases, Taniguchi explore des rapports narratifs entre les deux registres, visuels et littéraire, qu’on trouve un peu dans le Weapon X l’Adastra in Africa de son auguste confrère anglo-saxon.

Ce premier segment a pour particularité, si l’on en croit un commentaire de base de page qui aurait mérité des développements en mode « coulisses », d’être inachevé. Cette partie se conclut en effet sur une page inaboutie, donc la première case est terminée, la deuxième encrée seulement, la troisième esquissée au crayon. Le découpage décrit le personnage s’en aller dans l’horizon urbain, comme dans un fondu vers l’effacement. Volontaire ou non, le résultat est du meilleur effet.

Suivent ensuite des récits policiers, donc certains se déroulent à Paris (et d’autres à Caracas ou ailleurs…), racontant des duels en préparation, que l’on attend, que l’on planifie, qui correspondent parfois à des rencontres ou des retrouvailles. La mise en scène est à la fois limpide et sans effet voyant, et d’une redoutable efficacité. Comme pour les textes en marge du premier segment, il se dégage des dialogues une sorte de poésie mélancolique et désespérée.

La troisième et dernière partie est constituée de l’adaptation d’une nouvelle, d’un auteur français, permettant la vision du Japon à travers les yeux d’un étranger. L’écriture établit un va-et-vient entre le fantasme et la documentation, entre la fiction et la réalité. Plus floue dans sa structure, cette partie vaut, bien entendu, pour la mise en scène, Taniguchi rendant palpable une violence dissimulée sous les convenances sociales, et qui explose dans la dernière planche.

Je me plonge dans les polars de Taniguchi, plus anciens que ses œuvres contemplatives, mais déjà riches d’une ambiance à la fois pesante et magnifique, et d’une fibre existentielle qui se marie avec bonheur aux exigences narratives du récit à suspense. Très chouette redécouverte.

Jim

1 « J'aime »

Mais ça m’a l’air vachement bien, ça.
J’avais entendu parlé des polars de Taniguchi, et ce qui était dit faisait croire que ce n’était pas le haut du panier du dessinateur. Mais ce que je vois là me donne sacrément envie !

Il a fait Trouble is my Business, avec Sekikawa également, mais que je n’ai pas encore entamé. Mais ça me tente bien.
En revanche, j’ai attaqué Un assassin à New York, sur scénario de Jinpachi Môri, et c’est vachement chouette aussi. J’y reviendrai.

Et non, je ne trouve pas que ce soit le bas du panier : c’est très beau, mais ceux qui aiment l’épure de ses trucs plus contemplatifs peuvent être désarçonnés par la densité de certains décors. Et par l’inscription sans fard dans les codes d’un genre.

Jim

Donc, je pense que ça va me plaire.

Héhé.

Jim

C’est peut-être pour ça que je préfère la première période de Taniguchi à la seconde…
Ses polars et ses titres SF ont vraiment ma préférence sur ses œuvres contemplatives.

Tori.

Bon, bon, … quand y a écrit Taniguchi, j’ai latitude pour acheter. Vais fouiner un peu plus les occasions.