TOUT L'ART DE WONDER WOMAN (Robert Greenberger)

http://www.cine-sanctuary.com/public/sanctuary/img/cover3/9782365779715_1_75.jpg

[quote]TOUT L’ART DE WONDER WOMAN

En 2017, la princesse amazone la plus célèbre du 9e art fête ses 75 ans !
Pour l’occasion, ce beau livre de plus de 200 pages revient sur le parcours de l’héroïne, de l’Âge d’Or à nos jours. Un panorama thématique et esthétique pour tout connaître de celle qui avec Superman et Batman forme la trinité des héros de DC Comics.

Contient : WONDER WOMAN : AMAZON HERO ICON

Public : 12+
Genre : Super-héros ou super-vilains
Collection : Urban Books
Date de sortie : 19 mai 2017
Pagination : 208 pages
EAN : 9782365779715
Prix : 29 EUR[/quote]

Ah cool !
C’est un truc qui a été traduit il y a un an et demi. Et qui a été relu par Sarah, de la rédaction d’Urban, qui a eu la sagacité de dénicher quelques fautes et imprécisions.
J’espère donc que ça plaira à tout le monde.

Jim

Ah la la, mai et juin vont être terribles pour le porte monnaie.^^’
Même si je l’ai déjà en VO, impossible de le laisser passer en VF. Pleins de belles illustrations, reproductions de planches, de couvertures, et bien sur des textes abordant la création et l’évolution du personnage, mais aussi son environnement, ses alliés, ses ennemis…

Je viens de recevoir mes exemplaires. Pas encore eu le temps de tout bien regarder, mais c’est en tout cas un bien bel objet.

Jim

Article sur le site de RTL.

Jim

Je l’ai juste survolé, mais il est bourré d’erreurs, non (l’article, pas le bouquin) ?

Tori.

D’imprécisions, d’approximations, de raccourcis.
C’est du journalisme, quoi.

Jim

[quote=« Jim Lainé »]

D’imprécisions, d’approximations, de raccourcis.
C’est du journalisme, quoi.[/quote]

En fait, c’est surtout dans l’intro : « c’est surtout la première super-héroïne jamais dessinée »
Phantom Lady appréciera…

« Avant elle, il n’existe que deux super-héros chez DC Comics, et pas des moindres : Batman et Superman. »
Alan Scott et Jay Garrick apprécieront…

Tori.

Héhé.

Tiens, pour info, mes réponses à ses questions, in extenso :

*- Wonder Woman fait ses débuts dans les années 1941 dans All-Star Comics : à l’époque, pourquoi avoir décidé de créer ce personnage ? Comment est-elle conçue et perçue ?
C’est la rencontre entre plusieurs personnes qui sera déterminante pour la création du personnage. D’un côté il y a les responsables éditoriaux de DC Comics, qui cherchent de nouveaux super-héros parce que le genre remporte un succès sans précédent depuis l’arrivée de Superman trois ans plus tôt, mais qui sont également à l’écoute de pistes et d’avis. De l’autre, il y a William Moulton Marston, un psychanalyste qui a travaillé avec l’équipe ayant inventé le détecteur de mensonge et qui s’intéresse à la bande dessinée. Il a déjà écrit des articles expliquant en quoi les BD favorisent la lecture, la culture, l’épanouissement de la jeunesse, et il a une approche très féministe des médias et de la pop culture. Précisément que ce sympathique personnage vit avec deux femmes et que l’une d’elle est issue d’une famille de militantes féministes. Il est donc sensibilisé à tout cela. Les discussions entre le psy et les éditeurs tournent autour de l’idée d’une super-héroïne qui pourrait être un modèle pour les jeunes lectrices. Au départ, Moulton propose un personnage appelé Suprema, mais l’éditeur estime que c’est un peu agressif et préfère un terme avec « Woman ». Les comics aimant bien les allitérations, Wonder Woman est née.
Elle correspond assez à des attentes de l’époque. Les poussées féministes, qui s’expriment par les suffragettes, rencontrent la nécessité qu’éprouve la société américaine d’envoyer les femmes à l’usine (la guerre n’est pas déclarée, mais elle est dans l’air), et Wonder Woman arrive à un moment propice où elle montre deux choses : d’une part que les femmes peuvent faire les mêmes choses que les hommes (parfois en mieux) et d’autre part que la paix peut aussi être une réponse, dans une décennie où le monde est à feu et à sang.

- Qu’est-ce que l’adaptation en série a apporté au personnage ? Quels changement a opéré Lynda Carter au personnage ?
La série a redonné de la visibilité au personnage, et sans doute une forme de légitimité : sortir du support papier et accéder à un grand public, c’est toujours un bel exploit, qui était réservé à une poignée de personnages, à l’époque.
La série a également montré qu’une version audiovisuelle pouvait être fidèle au matériau de base, qu’il n’y a pas besoin de tout changer voire de tout diminuer pour passer sur le petit écran. Une chose est méconnue, au sujet de cette adaptation : elle suit en fait un pilote tourné quelques années plus tôt, avec une actrice blonde dans un costume tout à fait différent. Ce pilote n’a rien donné. Les producteurs de la série avec Lynda Carter ont bien senti qu’il était plus intéressant de réfléchir à la manière d’adapter le matériel, plutôt qu’à en faire table rase.
La série également a abordé le sujet de cette héroïne à la grande longévité en consacrant sa première saison à des aventures situées dans la Seconde Guerre mondiale. Au milieu des années 1970, cette période était porteuse et évocatrice, mais ça permettait de surcroît d’imposer un personnage dans un contexte, et dans une durée. Et quand les deux saisons suivantes placent l’action dans le présent (donc en 1977), on comprend qu’elle a une nature bien différente. Alors certes, sauter du passé au présent, ça permet de diminuer le budget, mais pour les amateurs, ça rajoute une dimension supplémentaire, c’est un clin d’œil à la période de naissance du personnage, et ça renforce cette idée qu’elle lutte pour la paix, même en temps de guerre.
Quant à Lynda Carter, en dehors de sa plastique spectaculaire, elle a apporté un rôle de modèle pour toute une génération de jeunes spectatrices et lectrices. Et puis, elle a démontré que le costume était loin d’être ridicule.

- Comment le personnage a-t-il évolué depuis sa création ? (pas tant au niveau de son histoire mais surtout de l’image qu’elle renvoie et de sa représentation)
Répondant aux différentes époques, le personnage est passé par bien des stades : l’amoureuse du beau militaire, la secrétaire de la Ligue de Justice, l’aventurière sans pouvoir… Je crois que la grosse évolution, débutée en 1986 avec la version donnée par George Pérez, c’est que l’ambassadrice de la paix a accepté la guerrière en elle. L’héritage de la mythologie grecque fait qu’elle n’hésite pas à prendre un bouclier et une lame afin de défendre la paix qui est sa raison de vivre. Jusqu’au début des années 1980, elle n’avait que ses bracelets. Mais depuis trente ans, elle est armée.

- Pourquoi est-elle considérée comme une icône de la pop culture ? Quel impact ce personnage a-t-il eu ? Vous a-t-elle influencé dans votre travail ? (si oui, à quel titre)
Son costume coloré, aux couleurs primaires et à la coupe évocatrice, frappe l’imagination. Très tôt, elle a figuré sur des produits dérivés, des boîtes, des jouets, des lunchbox. Elle a été récupéré par l’art pop. Elle fait partie des personnages que l’éditeur, DC, a utilisé pour des tas de produits dérivés depuis des décennies. Fatalement, au même titre que Superman par exemple, elle est une cible privilégiée pour les détournements.
De là, c’est aussi un personnage qui est détourné à des fins politiques. Gloria Steinem l’a utilisée, en costume tricolore, en couverture de son magazine Ms. Elle devient par conséquent le véhicule d’un discours d’émancipation, d’un propos minoritaire. Et la pop culture s’empare toujours de ces discours minoritaire, qui viennent du peuple, pas de la doxa.

- Pourquoi ce personnage est-il devenu une icône pour les LGBT (alors que la bisexualité du personnage n’a été assumé que très récemment par les scénaristes) ? Quelle importance ça a eu ?
Là encore, je crois que le costume coloré y est pour beaucoup. Il est parfait pour des déguisements, des cosplay. Wonder Woman, c’est la super majorette, l’icône dansante sur le char. Et puisqu’elle représente un peu l’ordre établi, la détourner, c’est détourner les codes de la société normative. Qui plus est, depuis quelques décennies, certains dessinateurs la représentent en belle culturiste. Les couvertures illustrées par Adam Hughes ou Yanick Paquette en font une guerrière solide aux épaules carrées. Elle n’est pas du tout hommasse, bien au contraire, mais elle est à l’opposée des canons propres à une féminité fluette. Elle est plus grande que la plupart des hommes. Elle a, avouons-le, un côté drag queen irrésistible. Fatalement, un tee-shirt de Wonder Woman dessiné par Adam Hughes, ça a son petit effet dans une boîte gay.
Mais là encore, il s’agit de détournement d’une féminité outrée. Je ferais une comparaison avec la chanteuse Dalida. Celle-ci présentait une féminité outrée, faite de maquillage, de mise en plis et de robe du soir. Wonder Woman, c’est également une féminité outrée. Cette féminité répondant aux exigences d’un monde patriarcal, il n’est pas étonnant que la communauté gay s’en soit emparée, dans l’intention de détourner les codes.

- Dans les années 70, le personnage a perdu de son succès avant de redécoller. Qu’est-ce qui peut expliquer ce désaveu de la part du public ? Qu’est-ce qui a changé qui a permis au personnage de redevenir populaire ?
Sur le manque de popularité des années 1970, j’aurais une analyse un peu à rebrousse-poil. D’une part, la désaffection ne touche pas qu’elle. Les super-héros « conventionnels » sont bousculés par d’autres genres, d’autres sources d’inspiration, que ce soit l’héroic-fantasy, le kung-fu, l’horreur, la science-fiction. Sans doute parce que, justement, comme on le disait plus haut, ils représentent l’ordre établi, et qu’après 1968, la société, donc les lecteurs, cherchent autre chose.
D’autre part, je crois que la désaffection vient surtout de l’éditeur lui-même. DC ne sait pas quoi faire de son personnage. Certaines tentatives vont dans des directions affirmées. Par exemple, Denny O’Neil prive l’héroïne de ses pouvoirs, et en fait une aventurière à la Modesty Blaise ou à la Emma Peel. Dans l’esprit d’ O’Neil, c’est une manière de dire qu’elle n’a pas besoin de pouvoirs pour être forte. Gloria Steinem n’a pas apprécié : selon elle, pourquoi Superman aurait le droit de garder ses pouvoirs et pas Wonder Woman ? Mais pour en revenir à O’Neil, une fois qu’il a quitté la série, l’éditeur s’est empressé de revenir à la version d’avant, la fille de la reine Amazone et tout ça. Et ensuite, ça a été la valse des scénaristes, un peu comme si personne ne voulait vraiment écrire les aventures du personnages, et qu’on confiait cette tâche aux gars qui étaient disponibles. Par conséquent, il était difficile de donner un élan épique à ses aventures, et surtout de montrer que c’était un personnage fort et autonome. Le pompon, c’est la saga des « Douze travaux », durant laquelle elle s’astreint à faire plusieurs exploits d’affilée afin d’obtenir le droit de réintégrer la Ligue de Justice. Impossible de croire en un personnage émancipé dans ces conditions.
Là encore, le changement survient avec George Pérez, qui redonne une poésie au personnage, qui le replace dans son contexte, et qui montre qu’elle est complètement indépendante. Avec des récits sur la longueur, un personnage en pleine découverte de soi-même, qui se construit et qui s’affirme, et des menaces mythologiques qui pèsent sur le monde entier, ça donne une héroïne de premier plan. Et là, nous sommes en 1986, le personnage est à nouveau en selle, épaulé par des auteurs qui ont vraiment envie de raconter ses aventures.

- a-t-elle immédiatement été pensée comme un personnage féministe dès le départ ? Si oui, pourquoi (était-ce avant-gardiste ?) Si non, comment était-elle et comment a-t-elle évolué dans ce sens ?
Oui, je crois qu’elle était pensée comme un personnage féministe, et que ça a été perdu parfois, dans les décennies à venir. Wonder Woman incarne plein de convictions vécues par William Moulton Marston, qui partageait sa vie avec deux femmes dont une féministe affirmée, et qui était convaincu de la supériorité des femmes. Mais en soi, c’est un féminisme déviant, hagiographique, aveugle. C’est même, d’une certaine manière, une négation du féminisme, puisqu’il ne s’agit pas de l’égalité de la femme, mais de sa supériorité. Le personnage se veut plus féministe de nos jours, selon moi.

- Pourquoi a-t-on dû attendre jusqu’en 2017 pour qu’un film sur le personnage voit le jour ? Pourquoi, contrairement à Batman ou Superman, Est-ce si compliqué de faire un film sur ce personnage ?
Je crois que c’est lié, là encore, au costume : il est difficile à traiter. Couleurs vives, coupe particulière, il est difficile d’éviter le ridicule. Ensuite, rajoutons une part de machisme ou de sexisme ambiant. Quel est l’autre film sur une super-héroïne ? Le très médiocre Catwoman, avec Halle Berry, qui est une trahison du matériau de base, et qui présente une intrigue consternante : une femme jeune et belle lutte contre une femme vieille et belle pour la possession d’un produit cosmétique miracle. La femme est donc réduite à la beauté, à sa dépendance à l’apparence, et pour tout dire à sa supériorité. Et s’il est question de pouvoir, ce pouvoir dépend de l’apparence physique. Machisme, machisme.
Mais par exemple, chez Marvel, ils n’ont pas encore fait de film avec des héroïnes. Ils annoncent un Captain Marvel, très bien. Mais pourquoi n’ont-ils pas fait de film Black Widow avec Scarlett Johansson ? Je crois que la question de l’absence est intéressante, mais ne doit pas être limitée à Wonder Woman, c’est une question qu’il faut poser pour l’ensemble des super-héroïnes.

- De ce qu’on a pu apercevoir du film, la Wonder Woman de Patty Jenkins et Gal Gadot semble-t-elle différente ? Qu’apporte-t-elle au personnage ?
La grosse différence que l’on semble percevoir dans la bande-annonce, c’est que la base historique a glissé dans le temps. Elle n’intervient pas dans le « monde des hommes » durant la Seconde Guerre mondiale, mais à hauteur de la première. C’est intéressant, parce que cette période est associée à toute une littérature mythologique et fictionnelle (les fantômes aidant les soldats dans les tranchées, par exemple…) et donc Wonder Woman s’y intègre aisément. Mais c’est intéressant aussi parce que cela place le personnage dans une perspective historique, fait d’elle un être présent depuis plus d’un siècle dans le monde des humains, et donc ça fait d’elle une sorte de doyens, d’autorité morale auprès des nouveaux venus que sont Superman et Batman. Et visuellement, ça cogne bien.
Mais dans l’ensemble, ça semble assez fidèle. L’éducation sur l’île, l’apprentissage, le tournoi, l’arrivée de Steve Trevor… Ça donne l’impression que les producteurs ont compris, là encore, qu’il est important de respecter une certaine fidélité par rapport au matériau de base. C’est toujours le même problème : trouver l’équilibre entre la fidélité et l’interprétation. Mais les succès mitigés des deux films consacrés à Superman ont dû échauder Warner, qui préfère rester proche de ce que les lecteurs connaissent, afin de rassurer le cœur de cible.
Enfin, signalons quand même que les images de la bande-annonce semblent très lumineuses, ce qui est un soulagement après l’ambiance grise et terne des deux navets de Zack Snyder. Là, les images de l’île respirent le soleil, et le costume demeure pimpant, avec de magnifiques couleurs primaires. Ça semble annoncer un film bien plus beau que ceux consacrés à Superman.

- Auriez-vous des comics à conseiller au lecteur avant d’aller voir le prochain film ?
Alors j’ai eu la chance de traduire la période de George Pérez, dont je parlais plus haut. C’est une magnifique version, pleine de poésie, de finesse, de non-dit, avec une héroïne en pleine construction. Deux tomes intitulés Wonder Woman : des dieux et des hommes. Et les lecteurs peuvent aussi se plonger dans la collection Greg Rucka présente Wonder Woman, qui couvre une période où l’héroïne ouvre sa propre ambassade sur le sol américain. C’est également une très belle période, avec un savant mélange entre la dimension mythologique du personnage et les intrigues en prise avec le monde contemporain.
*

Jim

Ah, c’est bien, d’en avoir l’intégralité ! Merci.

Ah, je l’oublie toujours, lui… spontanément, je pense plutôt à Elektra, moi (certes, chez Marvel, pas DC).

Tori.

Sur la question, j’ai croisé ce matin cet article, à l’occasion de la sortie du film bien sûr, qui m’a donné l’impression d’aller (un peu) plus loin que les portes ouvertes : lemonde.fr/cinema/article/2017/06/07/films-de-superheros-ou-sont-les-femmes_5140308_3476.html

Ah ouais, celui-là, c’est moi qui l’oublie toujours.
Sans doute la démarche de déménageur de Jennifer Gardner doit y être pour beaucoup.

Jim