TUSK (Kevin Smith)

Voilà l’étrange petite annonce qui a inspiré Kevin Smith pour son nouveau long métrage horrifique à petit budget, trois ans après Red State. Tusk est annoncé comme le premier film d’une trilogie basée au Canada.

À noter que le cultissime Silent Bob a dans ses projets un autre film d’horreur, Krampus, ainsi que le chapitre final de la saga de ses employés modèles, Clerks 3.

[quote]DATE DE SORTIE PREVUE

19 septembre 2014 (USA)
Indéterminée (France)

REALISATEUR & SCENARISTE

Kevin Smith

DISTRIBUTION

Justin Long, Haley Joel Osment, Genesis Rodriguez, Michael Parks, Johnny Depp, Harley Quinn Smith, Lily-Rose Depp…

INFOS

Long métrage américain
Genre : Horreur
Année de production : 2014

SYNOPSIS

Wallace, un journaliste blogueur, part écrire un papier sur un vieil aventurier ayant un penchant peu commun pour les morses. Lorsqu’il ne donne plus signe de vie, son collègue et meilleur ami se lance à sa recherche, accompagné de sa petite amie…[/quote]

Un premier visuel divulgué sur le net en début d’année :

La bande-annonce :

Je suis assez intriguée, un premier teaser plutôt pas mal je trouve. Ça à l’air à la fois drôle et tellement glauque… J’aime beaucoup !
J’aime beaucoup Justin Long aussi, raison de plus pour le voir.
Haley Joel Osment… Ça faisait un baille ! En tout cas pour ma part…
(J’aime beaucoup l’affiche aussi…)

C’était Dada et ses « J’aime beaucoup » :wink:
(Pardon :blush: )

Un court making-of en V.O. :

C’est marrant, j’étais resté sur l’idée d’un film de vampire. Je ne sais pas pourquoi.

Sinon, c’est pas très bon. On a un Kevin Smith en mode cocktail qui ne parvient pas à maintenir son film d’épouvante jusqu’au bout. S’il réussit à créer un bon malaise, il retrouve rapidement les blagues scatophiles basses du front et les personnages absurdes qui peuplent sa filmo. En fait, il reprend trop vite ses mauvaises manies en enchainant des resucées foutraques d’autres genres, trop absorbé par sa patte de « sale gosse » pour se souvenir de son film. Par exemple, la conclusion où les jeunes déboulent avec des flingues, filmée comme dans un « actioner » 70’s, n’aboutit sur rien. Le soufflé retombe à plat. Smith aurait gagné à prendre son temps, sans esbroufe, sans clin d’œil, pour monter la scène en tension parallèlement au combat de morses.

Bref, pas convaincu du tout par le virage de Smith.

[size=85]Justin Long doit aimer les rôles de victime. Entre Jeepers Creepers, Dodgeball et ce film, il s’en prend plein la tête le pauvre. [/size]

Et qu’as tu pensé de Guy Lapointe (je précise que je n’ai pas encore vu le film, mais d’après ce que j’ai lu les critiques n’ont pas été tendres avec Depp qui enchaîne bide sur bide en ce moment) ?

Rien. Je ne pense rien de Depp. Il faut dire qu’à l’instar de son mécène Tim Burton (dont le dernier Big Eyes, film pour mémère, est affligeant de nullité), Depp n’a pas fait un seul bon film en presque 15 ans (Blow). Depuis, il rejoue constamment la même partition décalée qu’il décline à toutes les sauces.
C’est bien de s’amuser mais au bout d’un moment, il faut avoir un peu d’ambition.

Si, j’aime bien le divertissement d’aventure Pirates des Caraïbes qui exploite à fond la mythologie « pulpesque » du genre (pirates zombies, kraken, Hollandais Volant, Déesse de la Mer et même la mort) mais c’est plus pour la maitrise frénétique des scènes d’actions dont fait preuve le réalisateur que pour autre chose.

Ca a le mérite d’être clair… :mrgreen:

[quote=« Jack! »]C’est marrant, j’étais resté sur l’idée d’un film de vampire. Je ne sais pas pourquoi.

[/quote]

Est-ce parce qu’il y a un (très beau) film de vampires norvégien qui s’appelle « Morse » ? :wink:

Pour la filmo de Depp, y’a vraiment à boire et à manger mais c’est vrai qu’il a fait beaucoup de mauvais choix ces 15 dernières années (au passage, tu considères que « Blow » est un bon film ? C’était assez naze dans mon souvenir), et puis bon, faut bien reconnaître qu’il peut être mauvais comme un cochon quand il s’y met.
Quand il est bien dirigé, il peut donner des choses intéressantes, comme sur le « Dead Man » de Jarmusch où il a bien compris et rendu l’évolution du perso entre le début et la fin du film…

Je suis pas tendre avec Depp mais c’est surtout parce que je suis constamment déçu.

« Dis leur de mettre leurs putain de chaussures de golf! »

Même pas. Je crois que c’est à cause des premières images dans le message de Doc, j’ai dû me faire une (fausse) idée sur le film.

Il m’en reste un bon souvenir mais c’est vieux. Faudrait que je le revois.

Oui, quand il est bien dirigé 20 ans en arrière. :mrgreen:
Le seul bon truc qu’il a fait ces dernières années, c’est un passage éclair dans l’hilarant 21 Jump Street.

Ah oui, là il m’a vraiment fait marrer le sagouin. Sa scène « finale » est digne de la prestation de Marion Cotillard dans « The Dark Knight Rises ».

[quote=« Jack! »]

Sinon, c’est pas très bon. [/quote]

Je serai pour ma part nettement plus enthousiaste : malgré des défauts indéniables, j’ai beaucoup aimé.
J’avais déjà adoré « Red State », où Kevin Smith se montrait contre toutes attentes excellent metteur en scène (ce que ses films antérieurs, friqués ou pas, ne laissaient pas du tout présager…), mais confirmait aussi son talent unique pour les dialogues. La grosse nouveauté (en plus de cette mise en scène nerveuse et pêchue à défaut d’être vraiment virtuose), c’était cette volonté de se frotter au cinéma de genre tendance hardcore, et de secouer le cocotier, avec un film qui changeait pratiquement de tonalité, de focus et même de genre à chaque scène ou presque…

Smith remet ça avec ce « Tusk » qui a beaucoup en commun avec son prédécesseur.
Elle est si savoureuse que ça vaut le coup de rappeler l’anecdote : en panne de projets cinématographiques dignes de ce nom, Smith a beaucoup écumé le net avec ses podcasts (très drôles à mon sens). Durant l’un d’eux, Smith et un acolyte délirent sur la fameuse petite annonce retranscrite par le Doc dans sa présentation. A tel point qu’ils ébauchent carrément le canevas d’un film en devenir, pour se marrer (faut dire que Smith aime beaucoup les cigarettes qui font rire).
Ils vont finir par prendre la blague au pied de la lettre, et bon an mal an, le projet se monte, avec ce délire en guise d’embryon de script (Smith diffuse sur le générique de fin un extrait de ce podcast, comme un dernier contrepoint au film).

A l’instar de « Red State », donc, le film est totalement imprévisible, passée une introduction brillante, à la fois tordante et intrigante. Elle est ponctuée par un échange fabuleux entre les deux acteurs principaux (Justin Long et le génial Michael Parks, tous deux énormes tout du long), un échange à la longueur défiant les normes en vigueur (comme l’intro de « Red State » s’achevait par un prêche long comme un jour sans pain signé Parks, déjà).
Passé ce point, impossible de prévoir la suite, et c’est un sentiment assez rare et grisant. Smith aurait pu se contenter de ce huis-clos suffocant, mais de son propre aveu il a eu besoin de « sortir » un peu de la maison au centre de l’intrigue. D’où (toujours comme dans « Red State ») l’apport incessant de nouveaux personnages et l’adjonction de sous-intrigues parallèles (la copine et le meilleur pote, incarnés par la bomba Genesis Rodriguez et Haley Joel « Sixième Sens » Osment, qui a beaucoup, euh…grandi).

La principale surprise survient aux abords du troisième acte, où par le biais d’un double changement de braquet, le film devient « autre », dans tous les sens du terme, assumant complètement sa dimension grotesque. Certains spectateurs ont pris ça pour un déballonnage en règle de la part de Smith : ce virage révélerait le manque de « courage » du cinéaste. N’importe quoi.
Smith aurait pu partir dans une bonne dizaine de directions différentes après son exposition : d’une certaine manière, il choisit de les suivre toutes. S’il avait négligé la dimension comique, le film aurait pu être insupportable de glauquerie (il l’est déjà pas mal, hein). Le « panachage » choisi, s’il entame l’unité du projet, a le mérite de la cohérence avec le sous-texte du film. Le plus gros défaut de cette option, c’est de se reposer sur Johnny Depp, au-delà du cabotinage ici (même s’il est objectivement très drôle à trois ou quatre occasions ; pour le reste…). Le tout se termine sur une chute d’une noirceur abyssale, où j’ai pourtant ri comme un goret (je dois avoir un problème dans ma tête).

Il y aurait une sorte de « morale » (la dimension moraliste est loin d’être absente du projet de Smith) à tirer du film, qui serait en gros « tel est pris qui croyait prendre » avec une mise en boîte féroce du cynisme ambiant (spectateurs compris…). Tout ça n’est pas faux mais bien plus intéressant me semble le parallèle que Smith semble établir entre deux types de storytelling différents, chacun étant porté par un des deux principaux protagonistes : il y a le second degré dans l’air du temps, où les histoires sont « au service » de celui qui les raconte (qui se fait mousser au passage), et il y a un amour des histoires à l’ancienne, considérées avec un premier degré…qui confine à l’horreur.
Le film est au final beaucoup moins con que son pitch débile ne le laissait présager.

Cerise sur le gâteau, Smith se montre toujours inspiré en termes de mise en scène, à défaut d’être génial (certaines scènes sont vraiment admirablement découpées). Si Smith ne semble pas trop porté sur la portée « allégorique » purement visuelle du cinéma (pas de plans vraiment « signifiants » ici), il excelle par contre au niveau du montage (qu’il signe lui-même), avec des longueurs subtiles à la fin des plans dont il tire de puissants effets, tour à tour comiques ou glaçants.

Un sacré film, inégal mais couillu, qui a un peu les défauts de ses qualités, mais ces dernières emportent largement le morceau à mes yeux.
Regonflé à bloc, Kevin Smith enchaîne désormais les projets, avec son « Yoga Hosers » (qui met en scène deux ados aperçues ici), et bientôt « Clerks 3 », dans un tout autre genre. Et beaucoup plus proche de l’esprit de ce « Tusk », Smith envisage aussi une sorte de « Jaws » canadien avec un élan à la place du requin. Tout un programme !!