UNE NOUVELLE AMIE (François Ozon)

[quote]DATE DE SORTIE FRANCAISE

5 novembre 2014

REALISATEUR

François Ozon

DISTRIBUTION

Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz,…

INFOS

Long métrage français
Genre: drame
Durée: 1h47
d’après: la nouvelle Une amie qui vous veut du bien de: Ruth Rendell

SYNOPSIS

À la suite du décès de sa meilleure amie, Claire fait une profonde dépression, mais une découverte surprenante au sujet du mari de son amie va lui redonner goût à la vie.

http://cineday.orange.fr/images/film/617x_/109/66b/ffbb7b417c1c53f904c4b8b833/affiche-une-nouvelle-amie_10966bffbb7b417c1c53f904c4b8b833.jpg[/quote]

Le film est globalement pas mal mais souffre tout de même de nombreux défauts. La bande annonce ne fait aucun secret sur le sujet du film (contrairement au synopsis): suite à la mort de sa femme, un homme décide d’assumer ses penchants pour le travestissement. Le film explique bien que non, David (Romain Duris), n’est pas malade, ne souffre pas de déviance, n’a pas de problèmes psychologiques, bref, est un être normal.
En cela, il va avoir le soutien de Claire (Anaïs Demoustier), qui va d’abord mentir à son mari, comme si aider le mari de son amie défunte était honteux. Et c’est ainsi que ces deux femmes vont partir faire du shopping… oui, là, ça commence à coincer. Qu’est-ce qu’être une femme? Si l’on en croit le film, ça consiste à savoir se maquiller, s’épiler, et faire du shopping. Concept quelque peu réducteur de nos jours tout de même.
Deuxième point qui coince: les seconds rôles, notamment le mari de Claire, réduit à faire des remarques bas du front et réducteur sur la condition homosexuelle. Ca aurait mérité mieux tout de même.

Contre toute attente, ce n’est pas le personnage de David qui devient intéressant (trop figé dans le marbre), mais le personnage de Claire (là, on est clairement dans la glaise, malléable). Car le personnage de David, dès le 1er quart d’heure du film reste paralysé dans son rôle. Il veut se travestir en femme, parce que ça lui plait et que c’est comme ça qu’il se conçoit. Le personnage de Claire au contraire, va d’abord rejeter cet état de fait, puis l’accepter, non sans passer par divers stades intermédiaires jusqu’au final (un peu trop Walt Disney à mon goût, avec une ellipse temporelle, ficelle bien pratique pour éviter tout développement).

Ozon joue sur les contrastes et les ambiguités. La première scène est assez caractéristique, puisqu’elle nous montre une femme mariée, sur fond de musique de mariage, la caméra recule et en fait, c’est son cercueil. S’ensuit les scènes de flashbacks pour nous présenter les personnages. Et tout le long du film, ça va se jouer là-dessus, entre les sentiments contradictoires que peuvent éprouver les personnages entre eux.
Il cherche également à déranger, mais dans quel but? voir la scène de nécrophilie lorsque David habille sa femme défunte dans la morgue, scène qui est rappelée à la fin du film lorsque Claire rhabille David à l’hôpital

Alors finalement, ça donne un film bancal, qui navigue parfois entre le drame et la comédie (parfois grossière), et qui joue sur bon nombre de facilités. Le sujet reste très survolé. Malgré tout, il faut souligner la performance des deux acteurs qui tiennent le film sur les épaules et de fort belle manière. Ozon peut les remercier, ça aide à oublier les faiblesses du scénario et de la mise en scène.

Bref, c’est ni Tootsie, ni Victor Victoria, ni même Glen or Glenda, si je comprends bien ?

Jim

Oui c’est plutôt Pretty Woman si on en juge par le nombre de tenues portées par Duris :laughing:

Bon alors, le côté conte de fées, c’est voulu, mais je trouve ça maladroit. Je trouve ça maladroit parce que tout en se déguisant en femme, il reste toujours de l’ambiguité dans les relations entre Claire et David, qui sont souvent de l’ordre du malsain. Bref, il y a une espèce de tentative de faire du thriller, vite éventée , comme si on retirait le pouce du pied qui vient de rentrer dans l’eau froide de la piscine.

[quote=« François Ozon »]Le sujet me hante depuis longtemps : je l’abordais déjà dans mon court métrage Une robe d’été. Ce projet, en fait, date d’il y a vingt ans. J’avais adapté une nouvelle de Ruth Rendell, où une femme découvrant que le mari de son amie se travestit finit par le tuer, mais je n’ai pas trouvé de financement. Je n’ai jamais cessé d’y penser, et j’y suis logiquement revenu. En modifiant très nettement le scénario, en y ajoutant les codes du conte de fées : un début malheureux, des personnages qui parcourent un long chemin et un happy end. Sans oublier… le baiser magique !
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Alors je tempèrerai aussi ce que je disais au début. Le personnage de Romain Duris est ce qu’on appelle un « crossdresser », c’est à dire que c’est un homme qui aime s’habiller en femme (et non devenir une femme). Ce n’est pas un homosexuel, ni un travesti, ni un transgenre ou un pervers. Et donc, toute la thématique du shopping, du maquillage, de s’acheter des accessoires sur Internet (prothèses, perruques, …) pour effectuer la transformation est là.

[quote=« Vik »]
Alors je tempèrerai aussi ce que je disais au début. Le personnage de Romain Duris est ce qu’on appelle un « crossdresser », c’est à dire que c’est un homme qui aime s’habiller en femme (et non devenir une femme). Ce n’est pas un homosexuel, ni un travesti, ni un transgenre ou un pervers. Et donc, toute la thématique du shopping, du maquillage, de s’acheter des accessoires sur Internet (prothèses, perruques, …) pour effectuer la transformation est là.[/quote]

C’est tout le ressors du travestissement (qui rentre dans l’éventail du transgenre, d’une certaine manière), l’homme qui revêt l’univers de la femme (seulement les vêtements ou plus si affinité), c’est aussi quelqu’un qui interroge la place de la femme dans la société, et les critères définitionnels qui l’entourent (le maquillage, la jupe, la robe, les talons hauts en font partie).
L’affiche, à ce niveau, est rudement intelligente, parce qu’en plaçant l’homme de dos, elle met en valeur les éléments superficiels de la féminité. Et nous renvoie donc à nos clichés, à « l’image de la femme ».
On est dans un monde où la question de l’égalité passe par la question de l’unisexe, et on sait bien que l’unisexe est dominé par le masculin.
Donc le masculin qui se change en féminin (c’est diablement nietszchéen, ça, l’émancipation des déterminismes extérieurs, le sexe, l’apparence, les rôles sociaux), ça pose la question des structures de domination acculant la femme à ses représentations et à ses rôles, mais ça ne propose pas de voie de sortie, ça ne fait qu’entériner ces structures.
Plus intéressante selon moi est l’androgynie, qui propose une mixité qui ne passe pas par l’unisexe. David Bowie maquillé et équivoque, ça me semble beaucoup plus fort, du point de vue du discours. Le travail de sculpture du corps de Genesis P. Orridge me semble également intéressant en ceci qu’il sort des représentations classiques, et des structures de domination, qu’il tente de créer autre chose (à preuve, il crée un mot pour définir son couple : « la pandrogynie »).
Ça va, selon moi, plus loin que les expressions transgenre les plus connues (travesti, transsexuel) qui, sans doute involontairement et sans malice, ne font que consolider l’idée qu’un homme est comme ceci et une femme comme cela.
Je n’ai pas vu le film, mais le sujet est intéressant. Victor Victoria, je ne l’ai plus bien en tête, mais pour Tootsie ou Glen or Glenda, les moments les plus intéressants des films me semblent les mises en scènes de la confrontation du regard de l’autre, qui se retrouve non seulement face à la révélation du travesti, mais surtout face à ses propres constructions mentales, pour l’essentiel arbitraires et dans l’ensemble intolérantes. Les fictions sur les travesti sont d’autant plus pertinentes qu’elles nous renvoient notre regard, avec ce qu’il peut contenir de négatif (voyeurisme, mépris…).
Je ne sais pas dans quelle mesure le film d’Ozon navigue dans ces eaux.

Jim

Il navigue un peu dans ce sens-là. D’abord parce que la première confrontation entre Virginia (David transformé) et Claire, se fait par les yeux de Claire pour le spectateur.
Et comme je le disais, c’est le personnage de Claire qui va évoluer, de par sa perception de ce changement. Elle va d’abord se prêter au jeu parce que c’est amusant, puis va vouloir arrêter en traitant David de pervers, pour finalement arriver à l’acceptation. Je résume rapidement.