Ah tiens, celui-là on en avait parlé sur un autre thread, Benoît, non ?
C’est une grenade dégoupillée, ce film. C’est assez incroyable qu’un papy de 75 ans (Wakamatsu donc, bêtement décédé depuis en se faisant renverser, à la Gaudi) puisse pondre un film d’une telle intensité. On pense immanquablement au précédent « Battle Royale » par un Fukasaku lui aussi d’un âge vénérable…
Wakamatsu, à la filmo fleuve de plus de 100 titres, fut à l’instar d’un plus jeune Mamoru Oshii un spectateur attentif des bouleversements politiques des années 60 au Japon. Mal connue en France, cette période de troubles faisant suite à un fameux traité militaire entre le Japon et l’occupant américain vit l’ascension de groupes d’extrême-gauche violents (pour donner une idée du climat de l’époque là-bas, l’équivalent nippon du PCF appelait quand même à la lutte armée, pour situer…). Mais contrairement à son génial confrère, Wakamatsu fut bien plus impliqué, et surtout restera « radical » après le tournant des années 70 qui voit les groupes violents se marginaliser. Il ira même accompager et tourner des images d’un groupe armé japonais parti se former au Moyen-Orient.
Durant les années 60 et 70, Wakamatsu est aussi l’auteur d’une oeuvre filmique considérable, et pas que quantitativement. Le japonais travaille dans l’économie du pinku-eiga, ces films érotiques au budget de misère où la seule contrainte est le quota de scènes dénudées exigé par la production. Pour le reste, les réals et les scénaristes sont absolument libres de faire ce qu’ils veulent. Une école à la Roger Corman, très formatrice (Kiyoshi Kurosawa en fera aussi, quelques années plus tard). Parmi ses titres les plus fameux, le célèbre « L’Embryon part braconner » (qui subit les foudres de la censure française lors de sa ressortie en…2007) et mon petit préféré « Va, Va, Vierge pour la deuxième fois » constituent les fleurons les plus prestigieux de sa filmo…
Après des années de relative invisibilité, le japonais fou revient avec ce film incroyable, qui devient en quelque sorte une « critique de la critique d’extrême-gauche »(la notion d’auto-critique revient d’ailleurs comme un mantra absurde tout au long du film), incroyablement lucide sur les dérives de l’époque MAIS, dans le même temps, qui ne renie rien de cet engagement sincère. Un exploit que d’arriver à concilier ces deux facettes.
Le film démarre sur un très didactique montage d’images d’archives et de reconstitutions jouées, avant de se transformer en un redoutable huis-clos à l’intensité presque insupportable. Wakamatsu devient diabolique quand il arrive en plus à insuffler des touches d’humour noir dans sa mixture.
C’est très rare de pourvoir visionner des films aussi puissants et « complets » que celui-ci. Perso, je n’en suis toujours pas remis.