VIJ (Konstantin Ershov & Georgiy Kropachyov)

REALISATEURS

Konstantin Ershov & Georgiy Kropachyov

SCENARISTES

Konstantin Ershov, Georgiy Kropachyov et Aleksandr Ptushko, d’après la nouvelle de Nikolai Gogol

DISTRIBUTION

Leonid Kuravlyov, Natalya Varley, Aleksey Glazyrin, Nikolai Kutuzov…

INFOS

Long métrage russe
Genre : fantastique
Titre original : Viy / Вий
Année de production : 1967

Trois étudiants d’un séminaire de Kiev, le théologien Khaliava, le rhétoricien Gorobets et le philosophe Khoma Brutus, rentrent chez eux pour les vacances. Après avoir pris un détour par la campagne ukrainienne, les rudes gaillards se perdent et n’ont pas d’autre choix que de passer la nuit dans la demeure d’une vieille femme.
Durant la nuit, Khoma, qui dort dans l’étable, est attaqué par la mégère qui se révèle sous sa vraie nature : une sorcière. Elle grimpe sur les épaules de Khoma et l’étrange duo se met alors à voler. Effrayé, le séminariste bat à mort la sorcière qui se transforme en une belle jeune femme. Khoma prend la fuite et retourne au séminaire où il est aussitôt convoqué par le recteur. Celui-ci a reçu la visite d’un riche marchand dont la fille a prononcé le nom de Khoma sur son lit de mort. Réticent, Khoma est sommé de se rendre à son chevet. Il va devoir la veiller, seul, pendant trois nuits pour prier pour le salut de son âme. Khoma découvre alors que la morte et la sorcière ne font qu’une. La première nuit, elle se lève de son cercueil…

Je n’ai pas lu la nouvelle de Nikolai Gogol à l’origine de Vij, le premier « film d’horreur » (même si les éléments horrifiques n’interviennent véritablement que dans le dernier quart d’heure) produit dans ce qui était alors connu comme l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Mais d’après le résumé disponible sur la toile, l’adaptation qu’en ont livré les réalisateurs débutants Konstantin Ershov et Georgiy Kropachyov, semble très fidèle à ce récit fantastique qui prend ses racines dans le folklore ukrainien, cher à l’auteur des Joueurs et du Journal d’un Fou. Publié en 1835, Vij fut traduit en France dès 1845 sous le titre Le Roi des Gnomes.

Dès l’ouverture endiablée, où une horde de séminaristes excités attendent la bénédiction de leur recteur pour pouvoir enfin profiter de leurs vacances (et oublier un temps les restrictions religieuses pour boire, se remplir la panse et forniquer), Vij est empreint d’une ironie mordante, un humour noir qui touche tous les aspects de la société de l’époque.
L’ouverture des portes du séminaire est prétexte à des débordements tapageurs et la réalisation met à ce moment en valeur les superbes décors de campagne…avant de changer complètement d’atmosphère au bout de quelques minutes pour emprunter les chemins de traverse du conte.

Khoma Brutus est loin, très loin d’être un séminariste exemplaire. D’apparence négligée, alcoolique, hypocrite, il est en proie à un conflit spirituel qui va aller en s’amplifiant après sa rencontre avec la sorcière (qui, sous son apparence de vieillarde cacochyme, est incarné(e) par un homme). Manipulé par des forces contre lesquelles il ne peut rien (l’autorité d’un recteur bourru, le marchand aveugle aux rumeurs sur sa fille, la vengeance de la sorcière), Khoma se retrouve dans une minuscule communauté en marge de la civilisation, un lieu désolé, coupé de tout et qui n’offre aucune échappatoire. Cette sensation est exacerbée par son unique tentative de fuite, dont l’échec est souligné par un effet simple et efficace.

En parlant des effets, Ershov et Kropachyov ont eu l’excellente idée de collaborer avec l’expérimenté Aleksandr Ptushko, le « Walt Disney de l’Union Soviétique ». Réalisateur, animateur, directeur de la photographie, magicien des effets spéciaux, Ptushko est l’auteur de films merveilleux comme Le Nouveau Gulliver (1935), Le Tour du Monde de Sadko (1953) et Le Géant de la Steppe (1956). Sur Vij, il a occupé les postes de co-scénariste, directeur artistique et responsable des trucages.
Visuellement, le film est remarquable : le décor de l’église, au centre de l’intense dernière partie, est de toute beauté. Gravures sur bois, icônes effrayantes, éclairages à la bougie…tous ces détails soigneusement travaillés participent à l’ambiance surréaliste qui se dégage de ce lieu oublié du temps.

Grâce à des trucages aussi artisanaux qu’exubérants, des maquillages aussi grotesques qu’accrocheurs, des idées de mise en scène astucieuses et un excellent travail sur la photographie (autant d’éléments qui font aisément oublier les limites du budget), Aleksandr Ptushko et le duo de réalisateurs ont fait de l’épreuve finale que traverse Khoma Brutus une pièce en trois actes qui monte implacablement en puissance, une farandole infernale, un inventif théâtre de l’étrange et de l’absurde.

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Jessica Seamans :