Sur les conseils insistants de l’ami Sylvain, je me suis enfin décidé à zyeuter la suite des aventures de ce bon vieux Mick Taylor, le boucher de l’Outback.
J’ai envie de me faire la série télé homonyme (sorte de « Wolf Creek 3 », en quelque sorte, dont les échos ici sont très flatteurs), il était donc temps que je comble cette lacune.
Le film est conforme à sa réputation : il me semble supérieur au premier volet ; j’ai en tout cas trouvé l’exercice de style assez formidable.
Le premier film avait établi le dispositif : dans la foulée de Leatherface et ses copains, Mick Taylor est un serial-killer redneck, qui symbolise les pulsions les plus noires des autochtones des contrées les plus reculées. Sorte de parangon d’un conservatisme absolu teinté de chauvinisme bas du front, il semble se vivre comme une sorte de système de sécurité de son pays, l’Australie. McLean, dans l’imparfait mais très tenu volet précédent, avait trouvé un bon équilibre entre un arrimage très ferme du personnage dans une sorte de « matérialité » (le perso est très terre-à-terre d’une certaine manière) et ce qu’il faut d’abstraction dans certains plans pour l’iconiser et révéler le sous-texte derrière ; Mick Taylor est un loup, comme sa pilosité l’exprime fort judicieusement…
Fidèle à la tradition du cinéma de genre qui veut qu’une séquelle se doive d’être « bigger, faster, stronger, louder » et j’en passe, le cinéaste fait pour cet opus le choix couillu mais payant de changer de braquet. C’est loin d’être le simple remake déguisé que l’on pouvait craindre.
Totalement surprenant, le film se paye le luxe de ruptures gonflées, comme ce changement de personnage principal en cours de film (un peu comme ce qui se passe avec Marion Crane dans « Psychose »), ose les scènes d’action électriques et les courses-poursuite tendues (le camion qui dévale, c’est une séquence qui a de la gueule, ça), et se permet même des superpositions et des ruptures de ton saugrenues sur le papier mais qui marchent ; « Le Beau Danube Bleu » et la version anglo-saxonne de « Le Lion est mort ce soir » (!!!) viennent se caler sur des scènes qui ne s’y prêtaient pas vraiment.
Globalement, le film est très grisant : le premier volet prenait bien 45 minutes pour planter une solide exposition, celui-là peut s’en passe et fonce à l’essentiel, comme en atteste la très brutale et jouissive scène d’ouverture.
McLean s’autorise par là-dessus quelques clins d’oeil cinéphiliques bienvenus et adéquats, avec la séquence façon « Duel » de Spielberg, ou ces probables renvois à un véritable trésor national du cinéma australien, le traumatisant « Réveil dans la Terreur/Wake in Fright » (ces véhicules bardés de feux de route, ces kangourous…). Au niveau du sous-texte, le métrage est remarquablement riche, largement plus que le slasher lambda : Mick Taylor devient successivement au fil des séquences le serpent qui s’introduit dans le Paradis originel, l’incarnation de la sauvagerie ambiante (qui semble d’ailleurs toucher les autres personnages, et même détraquer les appareils technologiques comme la radio, le téléphone), ou celle du prédateur ultime, le loup qui se cache derrière l’hymne rock « Born to be wild » (tu l’as dit) qui résonne au début du film, morceau fameux de…Steppenwolf. Tout ça est fort cohérent.
Le film est peut-être aussi, de manière plus secrète, une sorte d’éloge subversif et tordu du nomadisme ; Mick Taylor le dit lui-même : dans l’outback, l’erreur c’est d’oublier qu’il ne faut jamais s’arrêter. Se sédentariser est synonyme de mort, comme une séquence au début du troisième acte l’exprime très clairement.
Le tout n’est pas sans défauts : je ne suis pas fana du genre « torture porn » avec lequel le final du film, glauque au possible, flirte allègrement (même si McLean en profite quand même pour bâtir un impeccable crescendo). Je trouve aussi que le réalisateur-scénariste frôle parfois la limite quand il abuse des poses et des punchlines de son « héros » (un défaut que n’avait pas le premier volet), comme atteint du syndrome Freddy Krueger ; il arrive quand même à se freiner avant le point de non-retour.
Mais à part ça, c’est quand même remarquablement interprété et shooté (quelle photo !!), avec des plans magnifiques qui exploitent la photogénie du décor, et quelques chouettes idées de mise en scène par là-dessus (comme ces nuages qui obscurcissent le ciel quand les randonneurs s’approchent de Mick Taylor : classique mais redoutable, et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres).
Un excellent film d’horreur, bien hargneux et brutal (ce qui est finalement très raccord avec son sujet) sans être dénué d’humour, et d’une facture absolument irréprochable.