Série étrange que ce Yann le migrateur.
Bon, je reconstitue tranquillement, au hasard de mes chineries, la série, qui comprend cinq tomes. J’en ai retrouvé deux, pour l’heure.
Sortie entre 1978 et 1984, la série met en scène le fameux Yann, migrateur de profession (ou de son état, allez savoir, c’est assez flou), qui se balade de planète en planète et résout les problèmes qu’il ne cherche pas mais qu’il finit par trouver. Il ne dit pas en quoi consiste son occupation de migrateur (est-ce un métier, une caste, une race), mais précise à l’occasion qu’il ne revient jamais par où il est passé. Drôle de coco, c’est moi qui vous le dis.
J’ai indiqué les dates de sorties des albums pour la raison suivante : le personnage me fait penser au Doctor Who. Il est souriant et optimiste, il prend l’initiative, il parle toutes les langues, les inégalités et les dictatures le fâchent, le mystère l’entoure, il est vêtu d’une façon excentrique, il semble ne pas avoir d’autre pouvoir que ceux de la parole et de la conviction… Et bien sûr, Yann le Migrateur a été créé après le bon Docteur. De plus, la première tentative de diffusion de la série britannique en France remonte, si ma mémoire est bonne, à 1977 (un échec, au demeurant). La question se pose : Lacroix et Génin ont-ils été exposés aux radiations Who ? Et si oui, ne font-ils pas, avec Yann, « leur » Docteur ?
Peut-être, ou peut-être pas. Des personnages mystérieux, un brin ex machina, qui résolvent les soucis et s’en repartent, ce n’est pas nouveau. Allez savoir…
Dans le tome 2, intitulé La Cité des sept sages, le Migrateur arrive sur une planète déserte et en ruine. Il s’étonne qu’elle soit inhabitée quand soudain il repère une silhouette, qui disparaît au milieu d’un lac gelé. Il découvre bientôt qu’il s’agit d’un enfant, rencontre ses parents éplorés, et part enquêter plus avant. Il découvre que sous le lac gelé se cache une société « utopique » organisée autour des « Radieux », qui protègent et élèvent les enfants de la surface, dans le but de les préparer à la reconquête des terres détruites par les conflits et la folie des hommes.
Bien entendu, le Migrateur, qui fait fonctionner son cerveau allergique aux endoctrinements, finit par découvrir que la société fonctionne sur des règles et des prophéties édictées depuis des générations, et en vase clos, ce qui empêche les habitants de comprendre que, à la surface, la guerre est finie et les horreurs oubliées. Démontrant à la population que les « Radieux » ne sont que des robots tournant en boucle sur des instructions obsolètes, Yann parvient à libérer tout ce beau monde qui retrouve la surface, les enfants volés rejoignant leurs parents.
En résumant l’album, je me dis à nouveau que ça ferait un épisode tout à fait convenable de Doctor Who.
Au-delà de ça, Lacroix livre des planches sympathiques, assez souples. D’un premier abord, son style lorgne vers la ligne claire à la Hergé, avec des trucs et astuces d’encrage empruntés à Moebius. Mais son trait dépasse les qualités de ce seul mélange. Il y a une souplesse et une légèreté dans son dessin qui le renvoie à une école plus réaliste et académique. La narration est très fluide, les cadrages discrètement variés, bref c’est très agréable. Malgré le côté suranné (ou sans doute un peu grâce à ça aussi, c’est très lisible, très accueillant.
Jim